Dans le restaurant romain Gustamundo, on cuisine l’intégration
Marine Henriot - Rome
Depuis les cuisines du bien nommé restaurant Gustamundo – littéralement “goût du monde” -, à Rome, s’échappent des odeurs de persil, d'oignons, de cardamome et d'arachide. Des goûts d’Afghanistan, d’Iran ou d’Erythrée.
Nous retrouvons Dilruba affairée à préparer des cigarborek, une entrée turque : «Cela se fait avec des feuilles de brick, dedans il y a du fromage feta, et de persil, puis je le fais frire. Déjà il faut bien laver le persil, puis le mélanger avec la feta… Pas de sel, la feta est déjà salée. Puis on les roule comme des cigares, avec de la farine et de l’eau pour coller. On le boit avec du thé en Turquie. On peut le faire avec de la viande, des patates, des épinards», explique-t-elle, appliquée et pédagogue.
Dilruba vient d’Azerbaïdjan, à 34 ans, elle a dû fuir son pays et vit en Italie depuis quatre ans, avec ses trois enfants. Comme tous les autres salariés du restaurant, Dilruba a toujours baigné dans la cuisine, son père était chef en Azerbaïdjan. À ses cotés, un grand bonhomme timide, Ilyas, pakistanais. Il a 48 ans et des yeux rieurs. Dans le Cachemire pakistanais, Ilyas avait son propre restaurant, il travaille maintenant depuis quatre ans à Gustamundo, un travail qui lui a permis de devenir autonome. Car c’est bien là l’objectif du restaurant : permettre à une personne réfugiée de redevenir autonome via son emploi.
Les pouvoirs magiques de la cuisine
Pasquale est le seul Italien de la bande, c’est lui qui est l’origine de ce projet, il nous explique : «Selon moi, l’intégration se fait grâce à l’emploi, c’est une évidence. Déjà parce qu’avoir un permis de séjour avec une autorisation de travail veut dire pour ces personnes qu’elles vont pouvoir continuer leur projet professionnel et personnel.» Un restaurant que Pasquale a monté seul, sur ses fonds propres, à partir d’un premier restaurant mexicain qu’il possédait déjà. «Nous voulons vraiment montrer que nous sommes un restaurant à la hauteur de tous les autres : pour maintenir le projet en vie, il faut de la cuisine de très haute qualité. Car les clients peuvent venir une fois car il trouve sympa le projet, mais si la cuisine ne leur plait pas, ils ne reviendront pas. Dans une ville grande comme Rome avec tant de concurrence… le restaurant fermerait ses portes après six mois», explique-t-il.
À Gustamundo, plus personne ne peut en douter, la cuisine a bel et bien des pouvoirs magiques. «Quand nous sommes à table, que l’on mange un bon plat, on ne peut pas se disputer. C’est un bon moment, l’occasion de mélanger les cultures», nous explique Dilruba, le sourire aux lèvres et les mains dans le mélange persil-feta.
C’est là le cœur de Gustamundo, nous détaille le propriétaire, «les gens se détendent quand ils mangent quelque chose de bon, ils ne pensent à rien d’autre, juste à apprécier le plat… Et donc sont plus disposés à l’écoute et à la compréhension de celui ou celle qui a préparé ce plat.»
À 28 ans, Dentoura, sénégalais, abonde dans ce sens, il nous vante les vertus du mafé, un plat typique sénégalais, fait avec «des petits morceaux de bœuf, de la crème d’arachide, et un mélange de légumes.» Dentoura parle avec amour de la cuisine sénégalaise, il en connait tous les contours. Petit, à Touba à l’Est de Dakar, il filait après les cours dans le restaurant où travaillait son frère. Il aime également cuisiner le yassa au poulet, à base de viande «d’oignons dorés avec de la moutarde, du citron, des poivrons et plein d’autres petits légumes».
Cela fait 5 ans que le restaurant a ouvert ses portes, plus de 200 personnes sont passés par ses cuisines, ressortant avec une formation officielle. Actuellement une quinzaine de salariés y travaillent, autant de femmes que d’hommes, et Pasquale prépare le futur : la petite équipe a profité de la fermeture due à la pandémie pour former Dilruba à la gestion du restaurant, elle reprendra les rênes de ce modèle du genre dans quelques années.
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