Elias et Khegam, réfugiés syriens à Athènes. Elias et Khegam, réfugiés syriens à Athènes. 

À Athènes, de jeunes chrétiens syriens en quête d'un avenir de paix

Le retour du Pape François à Lesbos marquera sans conteste l’acmé de son 35e voyage apostolique ; la question des migrants et réfugiés constitue de fait le fil rouge de ce déplacement en Méditerranée. Ils sont encore nombreux aujourd’hui dans les îles égéennes, mais également dans les grandes villes de la péninsule hellénique, dont la capitale, Athènes. Nous sommes allés à la rencontre de deux jeunes Syriens qui y sont accueillis dans un petit centre de l’Église arménienne catholique.

Manuella Affejee – envoyée spéciale à Athènes

Non loin du quartier pittoresque et touristique de Plaka qui se déploie au pied du majestueux Acropole, l’Ordinariat arménien catholique de Grèce offre une atmosphère d’emblée familiale et chaleureuse à ses visiteurs. L’accueil, ici, n’est pas un vain mot mais fait véritablement partie de l’ADN de cette maison. Elle fut en effet fondée en 1921 pour être le refuge des Arméniens de Turquie ayant fui le génocide qui décima une grande partie d’entre eux.

Un point de chute pour les réfugiés syriens chrétiens

L’immigration arménienne s’étant tarie au fil des ans, l’Ordinariat ralentit ses activités liées à l’accueil des réfugiés, pour se concentrer sur sa vie paroissiale. En 2015-2016, l’afflux de personnes migrantes venant essentiellement du Moyen-Orient, via la Turquie, permet à l’ordinariat de renouer avec sa vocation première. Son responsable, Mgr Joseph Bezezian, raconte avoir reçu un jour l’appel d’une ancienne paroissienne à Alep. Elle lui raconte que son fils a fui la Syrie et se retrouve en Grèce, seul et démuni. Le prêtre lui propose volontiers l’hospitalité. Un autre jeune se présente une semaine plus tard, puis un autre. C’est ainsi que le petit centre se verra héberger jusqu’à une quarantaine de personnes, toutes chrétiennes, malgré des moyens limités.

La plupart viennent de Syrie, à l’instar d’Elias et de Kegham, 22 ans chacun. Le premier est originaire de Hama, arrivé à Athènes depuis deux ans après une odyssée de 22 semaines; le second vient d’Idleb, après être passé par le Liban, la Turquie d’où il s’est embarqué à bord d’un canot pneumatique surchargé pour traverser la mer Égée. Il se trouve à Athènes depuis deux semaines seulement.

L'impossibilité d'un avenir serein en Syrie

Leur histoire est celle de nombreux jeunes Syriens de leur âge. Depuis 11 ans, Elias et Kegham ne connaissent que le bruit des bombes, la destruction et les privations. Leurs familles sont restées au pays, eux se sont exilés pour fuir l’obligation du service militaire. Kegham pointe de son côté une pression de moins en moins tenable à Idleb: «Il y a du racisme envers les chrétiens, comme minorité, nous n’avons pas les mêmes droits… Cela devenait inutile que je reste en Syrie». Le départ, pour lui et Elias, s’est imposé comme une douloureuse évidence. Leur sourire timide se teinte de tristesse lorsqu’ils évoquent leur pays et surtout leurs familles. «Nos parents, nos amis… Ce sont eux qui nous manquent le plus, même si on s’adapte à tout», avoue simplement Kegham.

Les deux jeunes Syriens, avec une dizaine d’autres, sont suivis par une équipe de quatre personnes, dont Mgr Bezezian; l’Ordinariat peut également compter sur un avocat qui pourvoit à une assistance légale ainsi que sur deux autres volontaires, en charge d’une aide médicale, le cas échéant. Pour faciliter leur intégration, des cours de grec et d’anglais leur sont proposés. Car certains pensent rester en Grèce, en dépit d’un contexte économique bien sombre. Elias, par exemple, suit actuellement une formation culinaire, en prévision de l’ouverture d’une boulangerie par l’ordinariat. Kegham aimerait plutôt aller en Allemagne, y travailler pour ensuite organiser la venue de sa famille en Europe et lui être ainsi réunie.

«Je ne me sens plus seul»

Les deux Syriens participeront à la rencontre du Pape avec les jeunes, lundi 6 décembre au matin ; plutôt réservés, ils ne sauraient trop expliquer ce qu’ils en attendent. Une chose est sûre : la venue de l’évêque de Rome -qu’ils n’ont jamais vu qu’en photo- ses paroles fortes sur les migrants et réfugiés les touchent au premier chef. «Notre réalité est mise en lumière», lâche Elias ; «je ne me sens plus seul, quelqu’un fait attention à moi, parle de moi», avoue pour sa part le jeune Kegham.

Cette attention manifestée par le Pape et l’Église universelle durant ces jours, est déjà vécue au quotidien par Elias et Kegham. La toute petite église arménienne catholique d’Athènes est devenue leur fragile point d’ancrage, et leur permet de se sentir, après tant d’épreuves, comme à la maison, comme en famille.

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04 décembre 2021, 13:10