Un an après l’assaut du Capitole, Donald Trump rythme toujours la vie politique américaine
Cyprien Viet – Cité du Vatican
Ce jeudi 6 janvier 2022, dans un discours retransmis à l’occasion du premier anniversaire de cet assaut lors duquel cinq personnes avaient péri, le président Joe Biden a accusé l’ancien président d’avoir «tenté d’empêcher un transfert pacifique du pouvoir» et d’avoir encouragé une «insurrection armée». «Je ne laisserai personne mettre le couteau sous la gorge de la démocratie» américaine, a assuré Joe Biden.
Un certain nombre de personnalités républicaines, parmi lesquelles l’ancien vice-président Mike Pence et le leader du groupe républicain à la Chambre des représentants, Mitch McConnell, ont pris leur distance avec Donald Trump après l’assaut du Capitole. Il conserve néanmoins une base électorale solide parmi ceux qui jugent que sa présidence fut efficace sur le plan économique, et même Joe Biden s’inscrit dans la continuité de son action sur certains sujets essentiels comme la vaccination anti-Covid.
Alors où en est le "trumpisme" aujourd’hui? La réponse de Nicole Bacharan, politologue, spécialiste des États-Unis et auteur avec Dominique Simonnet du livre Les grands jours qui ont changé l’Amérique, paru aux éditions Perrin.
«Donald Trump garde une audience forte au sein de l’électorat républicain, et de ce fait, une audience forte dans le Parti républicain parmi tous ces élus qui ont peur de perdre un électorat qui est encore captif de Donald Trump. Et la fidélité à l’égard de Donald Trump, elle s’organise autour d’un principe, d’une croyance: l’idée que l’élection de Joe Biden a été truquée. Les partisans les plus durs de Trump sont absolument convaincus de cela, et il y a une partie des élus qui corroborent cela.
Avec cette question de la distorsion du langage, y compris au niveau des responsables politiques, est-ce que le scénario de la création d’un parti populiste extérieur, à la droite du Parti républicain, serait une hypothèse plausible, dans le contexte politique américain?
Créer un autre parti à l’extérieur du Parti républicain, à l’extrême-droite, franchement, ce serait quelque chose de beaucoup plus sain. Parce que beaucoup de républicains, disons, "traditionnels", ne se sentent plus chez eux, en quelque sorte.
Mais ça n’arrivera pas, en tout cas tant que le Parti républicain aura l’espoir de gagner des élections en maintenant les partisans de Trump sous le parapluie général du Parti. Et cet espoir, il est tout à fait fondé. Les élections de 2022 à mi-mandat se présentent mal pour les démocrates, et tout le monde sait que Donald Trump veut se représenter en 2024, si sa santé et si les évènements le lui permettent. Dans les élections législatives, évidemment, il y a des enjeux locaux, ça ne se présente pas partout de la même manière, mais l’enjeu fédéral, il reste très fort.
Peut-on imaginer, à partir de l’automne 2022, en cas de victoire des républicains, une crise institutionnelle majeure? Ou l’appareil du Parti républicain garde-t-il, malgré tout, une certaine loyauté vis-à-vis de l’institution présidentielle et est prêt à des accommodements avec Biden?
Je pense que si Joe Biden perd la majorité au Congrès en novembre 2022, la crise institutionnelle ne sera pas immédiate. On entrera dans une phase qui est déjà arrivée dans le passé, c’est-à-dire un président paralysé, parce qu’il aura le Congrès contre lui et ne pourra faire passer aucune réforme, et qui, en bataillant pied à pied, arrivera à faire passer le budget et à assurer le fonctionnement de l’État. Donc les républicains n’ont pas besoin d’ébranler les institutions pour paralyser Joe Biden.
On a senti que Joe Biden a fini l’année 2021 très affaibli. Est-ce que la question d’un candidat de substitution est déjà à l’étude pour 2024 , au niveau du Parti démocrate?
Il est évident que les démocrates se posent beaucoup de questions pour la candidature de 2024. Joe Biden dit qu’il se représentera, et il doit le dire, parce que s’il dit «non, je ne me représente pas», il ne compterait plus du tout. Que ce soit la presse, le Parti, tout le monde chercherait le prochain, et le président perdrait toute capacité d’agir. Mais cela ne veut pas dire qu’il se représentera réellement.
Tout le monde sait également que s’il ne se représente pas, la candidate naturelle, la dauphine, serait Kamala Harris. Mais aujourd’hui il y a beaucoup de doutes sur sa capacité à rassembler le Parti et à gagner une élection. Donc les ambitions de bien d’autres sont là. Elles ne s’expriment pas ouvertement, mais oui, la succession de Joe Biden est clairement posée au niveau du Parti démocrate. »
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