La longévité de Mark Rutte au pouvoir aux Pays-Bas

Marie Duhamel - Cité du Vatican

Impression de déjà-vu avec l’investiture du nouveau gouvernement néerlandais la semaine dernière aux Pays-Bas. L’actuel exécutif est en effet composé des quatre partis formant la coalition précédente -des partis représentés pour certains par les mêmes personnalités politiques. L’équipe est en outre pilotée par le même Premier ministre. Le 10 janvier dernier, Mark Rutte en poste depuis 2010, a monté les marches du Palais Royal de La Haye au premier jour de son 4ème gouvernement consécutif.

Mark Rutte, incontournable

Le chef de file du parti de centre-droit VVD, 54 ans, se déplace en vélo jusqu’à son lieu de travail. «Dynamique et énergique», doté «d’un réel charisme», pour Christophe de Voogd, spécialiste des Pays-Bas et directeur du Conseil scientifique de la Fondapol (Fondation pour l’innovation politique), Mark Rutte est également un politique habile. «Il y a une expression aux Pays-Bas qui le caractérise bien. On l’appelle ‘le Premier ministre Téflon’ comme une poêle à frire sur laquelle tout glisse et rien n’accroche. Il a un art consommé de se sortir de situations difficiles», poursuit l’auteur d’une Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, publié chez Fayard.

Christophe de Voogd cite en particulier le scandale des allocations qui a contraint le 3eme gouvernement de Mark Rutte à présenter sa démission en janvier dernier. Un rapport parlementaire rapportait alors que des fonctionnaires avaient mis fin aux allocations familiales de 26 000 parents accusés à tort de fraudes. Obligés de rembourser la somme qui leur était due, ils se sont pour certains retrouver dans de graves difficultés financières. Certaines familles avaient en outre fait l’objet d’un profilage ethnique.

Une enveloppe de 35 milliards sur dix ans pour le climat

En dépit du scandale, le parti de Mark Rutte remporte les élections anticipées organisées en mars. Les négociations visant à former le nouveau gouvernement s’enlisent. Les chrétiens-démocrates et les membres du D66, le parti du centre-gauche, ne parviennent pas à s’entendre sur des questions sociétales liées aux traitements des embryons ou à l’euthanasie, explique Christophe de Voogd. Aucune décision sur ces problématiques n’est prise. Au terme de près de 10 mois de tractations, la coalition gouvernementale est formée. L’équipe promet de la gratuité des crèches, la création de 100 000 logements par an, mais les promesses majeures de l’exécutif concernent le réchauffement climatique et l’Europe. Le pays fortement dépendant au gaz, va construire deux centrales nucléaire supplémentaires, le pays devrait être climatiquement neutre d’ici 2050. Pour la première fois, un ministre pour l’Énergie et le Climat est nommé.

Sur les questions européennes, Mark Rutte est connu pour s’être montré inflexible avec les pays du sud de l’UE lors du plan de relance post-Covid négocié à Bruxelles. Un changement de cap est attendu. Le D66, favorable à une Union européenne forte, est en effet devenu le deuxième parti du gouvernement non loin derrière le VVD.

Une femme puissante

«Jusque là, le parti libéral dominait de la tête et des épaules la vie politique néerlandaise», et ce n’est plus le cas, souligne Christophe de Voogd. Selon lui, l’enjeu est celui de la survie de la coalition et plus précisément des relations entre le Premier ministre et sa vice-première ministre, Sigrid Kaag.

Ancienne diplomate, la politique de 60 ans est aujourd’hui la première femme à occuper le poste «très important» de ministre des Finances. Soucieuse de la place des femmes dans la vie publique, de l’environnement ou des affaires internationales, Sigrid Kaag «rééquilibre la coalition à gauche» et elle ne cache pas ses ambitions de devenir un jour Premier ministre.