Forum des mondes méditerranéens: la France mise sur les sociétés civiles
Entretien réalisé par Delphine Allaire - Marseille, France
La dynamique d'une politique méditerranéenne a d'abord été récemment réactivée au plan européen avec le processus de Barcelone en 1995, puis la création de l’Union pour la Méditerranée (UpM) en 2008, à l’initiative de la France. En juin 2019, le Sommet des deux rives, tourné vers les sociétés civiles, a marqué à son tour un renouveau de la politique méditerranéenne de la France en particulier.
Aujourd’hui, la Mare Nostrum, épicentre civilisationnel, est un espace de crises alimentées par des conflits au Proche-Orient, des tensions en Méditerranée orientale, les drames de la migration et des préoccupations environnementales. Des enjeux suivis de près par le Saint-Siège et le Pape François, qui va réunir fin février les maires et évêques des deux rives afin de tenter d’apaiser ces plaies.
La France, elle, reste motrice en la matière. Ces 7 et 8 février à Marseille, ville-carrefour entre Orient et Occident, a lieu un Forum des mondes méditerranéens. Une initiative que nous explique l’ambassadeur français à la Méditerranée, Karim Amellal.
Dans quelle volonté et quel cadre diplomatique s’inscrit la tenue du Forum des mondes méditerranéens?
Le Forum des mondes méditerranéens s’inscrit dans le prolongement du Sommet des deux rives, tenu à Marseille en 2019. À la différence près que le Forum des mondes méditerranéens n’est pas un événement institutionnel, mais centré sur la société civile. Il mobilise des acteurs de tout le bassin méditerranéen autour de thématiques «positives», qui peuvent fédérer: économie, emploi, culture et patrimoine, environnement. Le but est de dépasser les difficultés et les divergences que les États rencontrent entre eux. Ceux qui «fabriquent des solutions» appartiennent à la société civile: universités, entreprises, artistes, intellectuels, associations.
Une Méditerranée plus durable, prospère et intégrée d’ici 2030. Qu’est-ce que cela veut dire et à quoi cela ressemblerait concrètement?
Cela signifie d’abord que la Méditerranée est encore loin du compte sur ces trois aspects. Elle est l’un des espaces les moins intégrés du monde d’un point de vue économique. Elle est traversée par une multitude de fractures, économique, sociale, démographique. Les inégalités y sont criantes. Il y a des tensions, des crises, des conflits. Mer la plus polluée du monde, la Méditerranée va aussi mal sur le plan environnemental. Il faut essayer donc de tracer une perspective à long terme, d’ici 2030. Comment inventer les solutions nous permettant d’aller vers une Méditerranée plus vivable, durable, sûre… C’est ce que nous essayons de faire avec les institutions et les États, dans toutes les enceintes possibles.
Comment définir politiquement cet espace d’influence Méditerranée par rapport à des entités comme l’Union européenne par exemple?
Le Forum des mondes méditerranéens est un espace complémentaire. Il n’est pas institutionnel comme l’Union pour la Méditerranée ou l’Union européenne à travers son nouvel agenda pour la Méditerranée, c’est-à-dire «la politique de voisinage». Les ONG, comme Plan bleu, par exemple jouent aussi leur rôle. Nous, nous apportons une touche supplémentaire et complémentaire pour la société civile: un espace de dialogue et de réseau.
On dit que la géographie fait l’Histoire. N’est-ce pas la vocation originelle de cette mer d’une richesse infinie de part et d’autre, que de réunir les États qui la bordent?
Cet héritage nous oblige. La Méditerranée a toujours été un espace double et paradoxal: à la fois un formidable berceau de civilisations, un palimpseste de cultures, avec des gens qui, malgré leurs différences, ont appris à vivre ensemble autour de cette petite mer. Cet espace nous lie tous, car il y a une très forte identité méditerranéenne, par-delà religions et nationalités. Quelque chose de fort unit les peuples de cette mer. Et en même temps, déchiré, fracturé, cet espace souffre. Toute l’histoire de la Méditerranée revient à essayer de sublimer ce qui ne va pas pour en faire un espace apaisé. La tâche est longue et complexe, mais il faut garder l’espoir. Et mobiliser toutes les bonnes volontés.
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