Pologne: à Lublin, «la ville entière est mobilisée pour accueillir les réfugiés»

Entretien réalisé par Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican

Depuis une semaine, à Lublin, ville de 340 000 habitants de l’Est polonais, «l’ambiance est lourde, la guerre est le sujet central». Urszula Paprocka-Piotrowska, enseignante en linguistique et ancienne vice-présidente de l’université catholique Jean-Paul II, en témoigne. D’après ses observations, «la ville entière est mobilisée pour accueillir les réfugiés». Au total, ils sont plusieurs centaines de milliers à avoir franchi la frontière, située à une soixantaine de kilomètres, pour fuir l’Ukraine à feu et à sang.

Moyens déployés

Sur le sol polonais, un grand élan de solidarité permet de faire face à cet afflux. «C’est la première fois que je vois une telle mobilisation organisée mais aussi spontanée pour aider (…) les réfugiés, contrairement à ce que l’on aurait pu dire des Polonais», explique Urszula Paprocka-Piotrowska.

L’accueil est organisé en plusieurs étapes, que nous décrit l’enseignante polonaise, notamment neuf points d’accueil répartis dans la région. Dans la ville, les habitants n’hésitent à prêter main forte dans les bâtiments publics tels que les gares.

L’université saint Jean-Paul II a elle aussi mis en place de quoi soutenir les réfugiés et la population ukrainienne: collecte de produits de première nécessité, résidence pour étudiants réquisitionnées, aide des proches d’étudiants et de collègues ukrainiens, aide matérielle, et sollicitation de la cellule de crise. «La mobilisation est vraiment générale», assure Urszula Paprocka-Piotrowska.

Selon l’ONU, quatre millions de personnes en provenance d’Ukraine devraient bientôt être sur les routes de l’exil. Un mouvement de population inédit, si bien que les Vingt-Sept ont accepté hier à l'unanimité d'accorder une «protection temporaire» dans l'Union Européenne aux réfugiés, qu'ils soient ressortissants ukrainiens ou résidents de longue date dans le pays.

Crainte d’un vaste plan de conquête

L’hospitalité des Polonais est toutefois teintée d’inquiétude. Urszula Paprocka-Piotrowska se demande «quelles sont les idées dans la tête de Poutine», et redoute un dérapage vers un conflit nucléaire.

Pays sous dominance soviétique jusqu'en 1989, et membre de l'Otan depuis 1999, la Pologne craint pour sa propre sécurité, notamment depuis l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014. L’invasion russe semble d'ailleurs peser dans les décisions du gouvernement : celui-ci portera son budget militaire à 3% du PIB l’année prochaine, contre 2,2% cette année, a-t-il été annoncé le 3 mars.

L'ancienne vice-présidente de l’université de Lublin ne peut s’empêcher d’imaginer le pire. La ville jusqu’à présent paisible de l’Est polonais se retrouverait en première ligne si l’armée russe franchissait la frontière, «mais nous espérons malgré tout que cela n’arrivera pas et que cette guerre se terminera au plus vite». Urszula Paprocka-Piotrowska dit compter plus que tout sur la prière, car, précise-t-elle, «je ne suis pas tout à fait sûre que ce soit dans la possibilité humaine» de mettre fin à ce conflit meurtrier.