En Syrie, le dernier couloir humanitaire menacé de fermeture
Claire Riobé - Cité du Vatican
Sa fermeture serait une «catastrophe» pour quelques quatre millions de Syriens de la région. À quelques jours d’une réunion du Conseil de sécurité qui devrait trancher le sort du couloir humanitaire de Bab al-Hawa, ouvert par l’Onu en 2014, des responsables onusiens mettent en garde sur les conséquences d'un tel acte.
«Il s'agit de l'une des populations les plus vulnérables au monde. Il est absolument essentiel que nous maintenions cette bouée de sauvetage», alerte ainsi Mark Cutts, coordinateur adjoint régional de l'Onu pour la Syrie, dans une interview donnée le 4 juillet à l’AFP. Bab al-Hawa est le dernier dispositif humanitaire que l'organisation est autorisée à utiliser dans le pays, éprouvé par 11 ans de guerre. Il a permi pendant huit ans le passage de l’aide internationale à la frontière syro-turque, contrôlées par les jihadistes et les rebelles, tout en évitant les zones contrôlées par le régime syrien. Son autorisation doit cependant expirer le 10 juillet prochain.
Crainte d'un véto de la Russie
La Russie, alliée de Damas et militairement présente en Syrie, pourrait opposer son véto au renouvellement de l'aide internationale. Selon des sources diplomatiques à New York, elle a remis à ses 14 partenaires du Conseil de sécurité un projet étendant pour seulement six mois cette autorisation, estimant que cet arrangement porte préjudice à la souveraineté de l’État syrien, par qui devrait passer toute aide humanitaire.
Les craintes sont d'autant plus fortes que Moscou a déjà restreint à plusieurs reprises ces dernières années les accès transfrontaliers, avec utilisation de son droit de veto. Si la Norvège et l'Irlande, gestionnaires de ce dossier, ont proposé de leur côté un prolongement d'un an du mécanisme de Bab al-Hawa, cette fois-ci «il y a davantage de politisation que les années précédentes. Les tensions sont très fortes avec la guerre en Ukraine», a admis M. Cutts.
Les déplacés «abandonnés à leur sort»
Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), plus de 4 600 camions d'aide, transportant principalement de la nourriture, ont traversé le passage de Bab al-Hawa au cours de l’année 2021-2022. Ces livraisons sont cruciales, les besoins humanitaires en Syrie ayant atteint leur plus haut niveau depuis le début d'un conflit, en 2011.
Dans son récent rapport décrivant les conditions de vie des Syriens au nord-ouest du pays, Amnesty Internationale fait état des situations d’extrême vulnérabilité dans lesquelles se trouvent les réfugiés, placés dans des camps de déplacés. Près de 1,7 million de personnes y vivent aujourd'hui, dont 58 % d'enfants. Leur survie, alerte Amnesty Internationale, dépend entièrement des organisations humanitaires. L'organisation accuse le gouvernement syrien d'abandonner à leur sort les Syriens déplacés dans des zones hors de son contrôle.
Des alternatives insuffisantes à long-terme
Plusieurs alternatives sont envisagées par des ONG en cas de non-renouvellement de l'autorisation. Parmi les hypothèses, celle d'un renforcement des livraisons depuis Damas, la capitale, ou encore la formation d'un consortium d'organisations internationales qui fourniraient de l'aide depuis la Turquie, à la place de l'Onu. Ces deux solutions resteraient cependant insuffisantes devant l'ampleur des besoins. En attendant la décision du Conseil de sécurité, entre le 7 et le 10 juillet, l'objectif de l'Onu reste «de veiller à ce que l'aide ne soit pas détournée vers un groupe armé», ont indiqué les responsables de l'organisation.
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