Décès de Mikhail Gorbatchev. Les condoléances de François
Le Pape François a adressé mercredi un télégramme de condoléances à Irina Gorbatchev, la fille de l'ancien homme d'État soviétique. le souverain pontife exprime sa «proximité spirituelle» en cette période de deuil et a adressé ses «sincères condoléances» aux membres de sa famille et à tous ceux qui voyaient en lui un homme d'État de valeur.
«Alors que nous nous souvenons avec gratitude de son engagement clairvoyant en faveur de la concorde et de la fraternité entre les peuples, ainsi que du progrès de son propre pays à un moment de changements importants, j'élève des prières de suffrage, invoquant pour son âme la paix éternelle du Dieu bon et miséricordieux», écrit le Saint Père dans le télégramme envoyé à Irina Gorbatchev, la fille de l'ancien président de l'URSS.
Adulé à l'ouest, impopulaire à l'est
Les deux facettes d’un même homme, aimé par les uns, méprisé par les autres, Mikhail Gorbatchev est décédé dans un hôpital de Moscou, à l’âgé de 91 ans. Si d’un côté il représente l’homme de paix qui annonça le 7 décembre 1988 à l’ONU une réduction des troupes soviétiques en Europe de l’est, et donc la fin de la guerre froide; il est pour les russes, majoritairement nostalgiques de l'URSS, le principal responsable de l’effondrement de l’Union Soviétique, et de la profonde crise économique qui a suivi.
Pour l’occident, qui lui décerna le Nobel pour la paix en 1990, il est aussi celui qui refusa au président Est-Allemand Erich Honecker, le soutien des troupes soviétiques pour mater les manifestations anti-communistes. Quelques mois plus tard, il laisse le mur de Berlin tomber et l’Allemagne se réunifier. Mais sa politique de Glasnost et Perestroika, transparence et restructuration finit hors de contrôle. Il enverra les chars russes en Lituanie 8 mois après la déclaration d’indépendance du petit état balte. Il échappera à un coup d’état manqué des communistes conservateurs en aout 91 et constatera le 8 décembre de la même année la fin de l’union soviétique. Il démissionne de ses fonctions de président de l’URSS le 25 décembre 1991.
Rencontre historique avec Jean Paul II
Le 1er décembre 1989, le Pape polonais Jean-Paul II recevait au Vatican le président de l’URSS. Depuis le pontificat de Jean XXIII, des contacts existaient entre le Vatican et l’Union soviétique, mais cet entretien fut l’occasion de la première rencontre directe entre le chef de l’Eglise catholique et le leader du monde communiste.
Jean-Paul II, qui à cette occasion avait pris des cours particuliers pour approfondir ses notions de russe, tenait à développer une relation de confiance avec le président soviétique, qui venait de rétablir la liberté religieuse en Russie et dans les Etats satellites.
A l'occasion du 25e anniversaire de cette rencontre, nous avions enregistré et diffusé un entretien avec Bernard Lecomte, biographe de Jean-Paul II et de Mikhail Gorbatchev. Il détaillait la relation entre ces deux hommes qui ont marqué la fin du XX siècle.
Les deux hommes ne se connaissaient pas. Bien entendu, on avait parlé à Gorbatchev de ce Pape polonais qui avait quand même fait remuer les foules polonaises et qui avait, en quelque sorte, redonné confiance à la population polonaise. Et de même, bien sûr, Jean-Paul II savait très bien qui était Gorbatchev. Et Jean-Paul II savait que Gorbatchev, au fond, était plutôt sincère quand il disait qu’il fallait arrêter la guerre froide et qu’il fallait revoir la fameuse doctrine de la souveraineté limitée. Donc, Gorbatchev et Jean-Paul II ne se connaissaient que de loin. Simplement, c’est l’histoire qui a fait que trois semaines après la chute du Mur, ces deux-là se retrouvent au Vatican, dans la bibliothèque privée du Saint-Père et se découvrent mutuellement. Mais des deux côtés, on est surpris par l’interlocuteur. Le Pape Jean-Paul II est surpris d’entendre Gorbatchev lui dire « nous ne prétendons plus avoir la vérité sur tout ». Et Jean-Paul II, l’ancien archevêque de Cracovie sait bien que c’était cela la clef du marxisme- léninisme. C’était ça la clef du totalitarisme. Et dans l’autre sens, Gorbatchev a été très surpris d’entendre Jean-Paul II dire « Quand vous dites que les américains ne doivent pas exercer leur tutelle politique, économique ou culturelle sur l’Europe, je suis d’accord avec vous ». Gorbatchev a été surpris de voir qu’au fond, les idées européennes du Pape correspondaient à son rêve un peu flou de maison commune européenne. L’essentiel était de se dégager de la tutelle américaine. Et là-dessus, Gorbatchev a été très surpris d’entendre Jean-Paul II lui dire « je suis d’accord avec vous ».
Est-ce que l’hypothèse d’un voyage de Jean-Paul II en URSS avait été sérieusement étudiée à l’époque ?
Lorsque Gorbatchev et Jean-Paul II sont sortis de la bibliothèque privée, Gorbatchev a surpris tout le monde parce qu’il a ajouté à son discours une invitation au Saint-Père à se rendre à Moscou. Et tout le monde a remarqué que Jean-Paul II, dont s’était pourtant le rêve, n’a rien répondu à ce moment-là. Jean-Paul II savait très bien qu’il ne suffisait pas que Gorbatchev l’invite à Moscou pour qu’il y aille. Encore fallait-il que Gorbatchev convainque le patriarcat de Moscou, c’est-à-dire l’Église orthodoxe russe. Et Jean-Paul II qui les connaissait bien savait que c’était une autre paire de manche. Et comme vous le savez, il n’ira jamais à Moscou.
Après le 1° décembre 1989, est-ce qu’il y a eu d’autres relations ? Est-ce qu’une fois la Russie, redevenue la Russie indépendante, il y a eu des rencontres entre Jean-Paul II et Gorbatchev ?
Oui, je pense à deux contacts importants puisque Gorbatchev, après avoir quitté le pouvoir, est revenu au Vatican rencontrer Jean-Paul II. C’est là où Gorbatchev en sortant a dit « je viens de rencontrer l’homme le plus socialiste du monde » parce qu’il a une doctrine sociale très engagée. Et puis, il y a eu surtout cet article écrit par Michael Gorbatchev, après qu’il fût sorti du pouvoir, article publié en 1992 dans pas mal de journaux européens où Gorbatchev dit « Sans ce Pape-là, les choses auraient été différentes ». Gorbatchev a compris et son entourage également que le rôle de Jean-Paul II dans la chute du communisme avait été, en réalité, un rôle majeur et pas seulement, en Pologne. Ce Pape a eu évidemment un impact extrêmement important sur toutes ces populations et donc, sur l’histoire.
Bernard Lecomte est aussi l'auteur d’un ouvrage de référence sur les relations entre le Vatican et le monde communiste : La Vérité l’emportera sur le mensonge, publié aux éditions Jean-Claude Lattès.
Précisons que Mikhail Gorbatchev a revu Jean-Paul II après la fin de l’Union soviétique. Dans le cadre du Jubilé de l’an 2000, Mikhail Gorbatchev avait participé au jubilé des responsables politiques à Rome. Il n’avait toutefois pas pu se rendre aux obsèques du Pape polonais en 2005.
dernière mise à jour, 01 septembre 2022 6h40
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