Résignation et espoir des Afghans un an après la chute de Kaboul
Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican
Les images de l’aéroport de Kaboul pris d’assaut par la population civile de Kaboul, tentant de fuir l’arrivée des talibans, ont stupéfié le monde entier. Le 15 août 2021, les institutions afghanes mises en place avec le soutien des occidentaux, en particulier des Américains et des Européens, s'effondrent et les combattants rebelles s'emparent de la capitale sans effort. Les occidentaux établissent un pont aérien pour évacuer au plus vite leurs ressortissants ainsi que quelques Afghans qui ont travaillé pour eux. C’est la fin de vingt ans de présence occidentale dans le pays, et la fin d’un système d’aide humanitaire qui a permis à l’Afghanistan de surnager, voire de se développer.
Statut de la femme en régression
Les nouveaux maîtres du pays jurent qu’ils n’appliqueront pas la charia, la loi islamique, avec la même férocité que lors de leur précédent passage au pouvoir. Les inquiétudes vis-à-vis des femmes afghanes sont en effet nombreuses parmi la communauté internationale, et le souvenir du régime totalitaire des années 1996-2001 est encore vif. Peu à peu, les nouvelles autorités rognent les libertés individuelles et font régresser le statut de la femme.
Ces évolutions, Victoria Fontan, vice-présidente aux affaires académiques de l’université américaine d’Afghanistan, un établissement privé, en est témoin. Présente en Afghanistan jusqu’à l’année dernière, son université poursuit sa mission en ligne auprès de 900 étudiants, dont la moitié vivent à l’étranger. Le principal changement, estime-t-elle, tient au fait que «les étudiantes et les jeunes filles n’aient plus accès à l’enseignement secondaire», mais également au fait que les étudiants doivent de plus en plus travailler «pour subvenir aux besoins de leurs familles», les privant de temps pour étudier. «Toute la population paie le prix fort» du retour des talibans, aussi bien les Afghans restés au pays que ceux en exil, affirme Victoria Fontan, pour qui les nouvelles restrictions concernant les femmes sacrifient «toute une génération».
Des taliban divisés
Des contacts qu’elle entretient avec les étudiants disséminés à travers tout le pays, la vice-présidente de l’université américaine d’Afghanistan voit que les talibans sont «morcelés en différentes factions». Certaines sont plus libérales que d’autres, plus pragmatiques que dogmatiques, note-t-elle. Dans certains districts, les filles peuvent ainsi toujours aller à l’école, laissant penser que certains talibans avaient compris la nécessité de disposer de fonctionnaires et de cadres pour gérer l’administration et le pays. «Pour cela, c’est plus positif que ce que nous pouvions l’imaginer il y a un an», concède l’universitaire.
Si la résignation, et parfois la peur, ont marqué les étudiants lors du retour des talibans, l’espoir l’emporte aujourd’hui confie Victoria Fontan. Ces jeunes, dont les études sont gratuites, financées par l’université et dont certaines bourses destinées aux filles sont financées entre autres par le HCR (Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés), continuent d’étudier en ligne, «et cela, on ne l’anticipait pas il y a un an», reconnait la vice-présidente. «Il y a une soupape vers le monde extérieur», poursuit-elle, même s’ils se considèrent comme «pris en otage» entre le régime des talibans et une communauté internationale jugée trop intransigeante, alors que la population civile est celle qui paie le plus lourd tribut.
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