Éthiopie: inquiétude croissante concernant le Tigré
Jacques Ngol avec Fides – Cité du Vatican
Après cinq mois de trêve, les frappes aériennes de l’armée ont repris il y a un peu plus d’un mois. L’armée gouvernementale affirme ne viser que des cibles militaires, mais des responsables de l'hôpital Ayder de Mekele, la capitale du Tigré, ont recensé la mort d’au moins 17 civils.
Il est impossible de savoir réellement ce qu’il se passe sur place. Un silence quasi-total car il n’y a eu «aucun rapport sur le conflit après que le gouvernement éthiopien a coupé les lignes téléphoniques et Internet dans la région du Tigré et a presque complètement bloqué l'accès aux médias pour cacher l'étendue des combats» lit-on dans Fides.
Sans nouvelle d'une centaine de religieux et religieuses
Le témoignage recueillis par l’agence des Œuvres pontificales missionnaires en est d’autant plus précieux. Une source anonyme au sein de l’Église catholique d’Éthiopie rapporte être sans nouvelle de l’évêque de l’éparchie d’Adigrat. «Depuis huit mois, nous sommes sans nouvelles de l'évêque de l'éparchie catholique, Tesfaselassie Medhimn. Nous savons qu'Adigrat a été bombardé ces derniers jours par les Érythréens, comme d'autres villages de la région d'Irob: Alitena, Dawan, Agarale. Il y a entre 70 et 80 religieux catholiques et environ 30 religieuses dont nous ne savons rien et que nous ne pouvons pas contacter», affirme ce contact sur place.
Si l’Église catholique d’Éthiopie reste sans nouvelle des ses fidèles, elle sait que la situation est critique: «Depuis trois ans le Tigré est sans médicaments, sans nourriture... les écoles sont fermées». Depuis la reprise des combats, toute possibilité de passage pour l’aide humanitaire est bloquée.
La situation suscite l’inquiétude du secrétaire général des Nations unies. Antonio Guterres a exprimé «sa profonde inquiétude face aux informations selon lesquelles les bombardements aveugles font de nombreuses victimes dans le nord de l'Éthiopie». Il y a un mois il appelait à la cessation immédiate des hostilités.
Le risque d’«une guerre mondiale d’Afrique»
Plusieurs réactions se dégagent, parmi lesquelles celle de Cameron Hudson. Pour l’ancien responsable des Affaires africaines du Conseil national de sécurité des États-Unis, interrogé par Fides, «l'Éthiopie est en train de devenir la guerre mondiale de l'Afrique, avec des dizaines de milliers de morts au cours des derniers mois, potentiellement non signalés». L’on soupçonne en effet une forte implication externe dans l’évolution de cette guerre. Selon l’analyste, de nombreux acteurs de toute la région sont impliqués «dans une situation explosive qui pourrait enflammer la Corne de l'Afrique». De ce même constat, «il est confirmé que des forces, volontaires ou non, combattent dans ce conflit à partir des États voisins». Ceci plonge Cameron Hudson dans un souvenir sombre, rappelant des conflits de cette même nature qui ont par le passé fait couler beaucoup de sang d’Africains. «Après les événements survenus au Congo il y a 25 ans, où pas moins de six pays africains ont engagé des troupes dans un combat qui a fini par tuer plus de cinq millions de personnes, l'Éthiopie est en passe de devenir la prochaine guerre mondiale de l'Afrique», conclut-il.
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