France: de jeunes chrétiens mobilisés contre un oléoduc en Ouganda
Claire Riobé - Paris
EACOP: c’est le nom du méga chantier pétrolier lancé en février 2022 par le géant pétrolier TotalEnergies. Il ne cesse depuis de faire parler de lui. L’oléoduc chauffé de 1443 kilomètres, en cours de construction, traverse l’Ouganda d’Est en Ouest jusqu’aux côtes tanzaniennes. Soutenu par l’état ougandais et CNOOC, la première compagnie pétrolière de Chine, il vise à extraire de grandes quantités d’or noir présentes sous forme de gisements dans la région, manne précieuse et source de toutes les convoitises.
Un projet largement condamné à l’international
Bien que les autorités locales voient dans le projet une grande opportunité de développement pour l’Ouganda, il suscite ces derniers mois de vives oppositions tant parmi les locaux, que les ONG internationales et diverses institutions financières (parmi lesquelles de grandes banques françaises telles que BNP Paribas, la Société Générale et le Crédit Agricole), qui ont publiquement refusé son financement. Dénoncé le 15 septembre dernier par une large majorité de députés au parlement européen, c’est à présent en France que surgit une vague de contestations. Dans une tribune publiée ce lundi 3 octobre, plusieurs centaines de chrétiens âgés de 18 à 35 ans expriment leur inquiétude devant les conséquences humaines et environnementales dramatiques du chantier, porté par la multinationale française. Leur texte, relayé par le quotidien La Croix, pointe du doigt un projet «incompatible avec la recherche du bien commun».
Interpeller les évêques de France
Cette tribune intervient quelques mois après l’audience accordée par le Pape François à des chrétiens ougandais au Vatican, en mars 2022. Le dicastère pour le Service du développement humain intégral a par la suite condamné la construction de l’oléoduc, appelant les gouvernements concernés à être attentifs à «notre maison commune», et à investir dans des projets respectueux de l'environnement. Pour Pierre-Louis Choquet, catholique de 33 ans et co-rédacteur de la tribune, il est essentiel que «ce discernement mené à Rome [au sujet du chantier EACOP, ndlr] se répercute aujourd’hui dans l’Église de France.»
Le texte salue ainsi les initiatives de conversion écologique déjà amorcées ces sept dernières années au sein de l’Église, depuis la publication de l’encyclique Laudato Si'. Ses signataires demandent cependant à l’institution «d’aller plus loin, en [se] prononçant sur des options matérielles qui engagent la société toute entière.» Ils se disent «convaincus que l'Église de France ne peut rester silencieuse à propos de la plus grande entreprise de notre pays», et appellent les évêques à prendre publiquement position contre le pipeline.
Conséquences humaines et environnementales
Le coût humain et environnemental du projet EACOP est déjà bien connu. Le chantier doit mener à la création de six champs pétrolifères et au forage d’environ 400 puits de pétrole, témoigne Mathilde, juriste de 23 ans et signataire de la tribune. Cela représente 33 millions de tonnes de CO2 émises chaque année, soit trente fois les émissions annuelles de l’Ouganda et de la Tanzanie réunies.
La trajectoire du chantier doit par ailleurs traverser 16 aires naturelles protégées, parmi lesquelles des parcs nationaux, des forêts, des réserves et des terres agricoles, espaces-clés de biodiversité gravement menacés. Enfin, les premiers mois du chantier ont d’ores et déjà forcé au déplacement des milliers d'agriculteurs, et bouleversé leurs moyens de subsistance. Il pourrait causer des dommages similaires à plusieurs millions d'Ougandais et de Tanzaniens, alarment des ONG sur place.
«Nous avons la conviction que nous, chrétiens, devons promouvoir une fraternité universelle fondée sur la justice et le respect de la Création», conclut la tribune. «Cette conviction est pour nous renforcée, dans le cas d’EACOP, par les voix qui tentent de se faire entendre depuis cette lointaine Afrique de l’est, et qui émergent notamment des églises locales.»
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