Sœur Oleksia Pohranychna, un ange dans l’enfer de Kharkiv
Svitlana Dukhovych – Cité du Vatican
«Très souvent, je ne sais pas comment aider les personnes qui ont tout perdu, les personnes désespérées, mais je pense qu'il est important de leur consacrer du temps et de les écouter avec compassion raconter leur douleur». Ce témoignage est celui de sœur Oleksia Pohranychna, de la Congrégation grecque-catholique de Saint-Joseph, qui, avec une de ses sœurs, vit et sert à Kharkiv, l'une des villes de l'est de l'Ukraine parmi les plus durement touchées depuis le début de l'invasion russe en février dernier.
Dans la guerre, racontent les deux religieuses, il est impossible d'avoir un plan pastoral ou de développer d’autres activités: chaque jour, elles essaient de répondre aux besoins concrets des personnes. Elles opèrent principalement dans la cathédrale grecque-catholique de Saint-Nicolas. Dans cette église, chaque jeudi, la Caritas locale distribue de l'aide humanitaire. Dès les premières heures du matin, une longue file d'attente se forme: en général, plus de deux mille personnes se présentent chaque jour et les sœurs aident à distribuer des colis alimentaires, des médicaments, des produits d'hygiène, tout en offrant un sourire et en prenant le temps d’échanger quelques mots.
«Certains jours, raconte sœur Oleksia, nous nous rendons dans les territoires précédemment occupés par les Russes et apportons de la nourriture aux personnes qui n'ont rien. Malheureusement, presque tous les villages libérés ont été complètement détruits».
Prier et passer du temps avec les enfants
Sœur Oleksia, avec une voix et des yeux rayonnant de vivacité et de joie, souhaite partager son expérience de Dieu qui est avant tout un Père aimant. «Chaque jour, nous prions avec les gens dans la cathédrale, dit-elle, et deux fois par semaine, nous organisons des rencontres avec les enfants pour les distraire un peu des images des bombardements. Nous leur racontons des histoires, nous chantons et dansons ensemble, nous leur offrons des bonbons et passons simplement un peu de temps en leur compagnie: nous voulons leur faire ressentir quelque chose de complètement différent de ce qu'ils voient dans les rues, quelque chose de positif».
La religieuse explique que la plupart des enfants qui ont commencé à venir à la paroisse après le début de la guerre ne savent presque rien de Dieu; leurs parents ne sont généralement pas croyants et n'amènent leurs enfants vers les religieuses que parce qu'ils ne veulent pas qu'ils restent tout le temps enfermés dans les abris. Pour les habitants de Kharkiv et de sa région, dont la vie spirituelle a été asséchée et éteinte par le régime soviétique, la religion et l'Église sont désormais des réalités à redécouvrir. En ces heures sombres, les gens font l'expérience de la proximité et du soutien concret des évêques, des prêtres, des frères, des religieuses et des membres des différentes communautés qui ont fait le choix de rester en ville.
Sœur Oleksia se souvient d'une petite fille qui, après avoir vu la boîte à offrandes dans l'église, a décidé qu'elle pourrait y envoyer des lettres à Dieu et est venue avec une petite lettre à poster. «Les enfants sont ouverts, ajoute la religieuse, et ils apprennent progressivement à connaître le Seigneur».
Rencontrer, écouter, aider
Malgré la nature vive et joyeuse de Sœur Oleksia, des moments plus sombres de grande tristesse sont aussi son quotidien, par exemple lorsqu'elle est confrontée aux personnes qui ont tout perdu: «devant un bâtiment gravement endommagé par les bombardements, se souvient-elle, j'ai rencontré une femme qui m'a dit qu'elle voulait continuer à vivre ici, même s'il n'y avait plus de fenêtres, car elle n'avait nulle part où aller. Il existe d’innombrables histoires similaires. D'une part, nous leur offrons de l'aide, mais nous comprenons qu'avec cela, ils ne peuvent pas tenir longtemps, et nous nous sentons donc souvent impuissants. Mais d'un autre côté, je pense que ce que je peux faire, c'est essayer d'entrer dans leur histoire avec compassion».
Le désir d'être proche des gens a conduit sœur Oleksia à aller dans l'un des grands abris installés dans l'une des usines de Kharkiv, où vivent les personnes qui ont perdu leur maison: «là, j'ai rencontré une famille, une femme, un mari et le père du mari: ils ont été blessés en essayant de s'échapper en voiture de leur village, leurs blessures ne sont pas encore guéries. Ce qui m'a frappé, c'est de voir, dans ce qui était leur chambre, des fleurs fraîches dans un vase. La femme m'a dit qu’elles lui avaient été offertes par son mari. J'ai pensé que même dans des conditions extrêmement difficiles, ces gens qui ont tout perdu, conservent toujours un espace de beauté, pour quelque chose de positif».
«C'est triste de voir toutes ces personnes qui vivent là, mais, ajoute la religieuse, pour elles, il est important d'avoir à leur côté quelqu'un qui puisse les écouter, qui puisse entrer dans leur situation et avoir de l'empathie. Et je suis là pour ça. Ce n'est pas une tâche facile car cela demande du temps et de l'engagement, mais c'est ma mission, c'est mon service: écouter et aider».
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