En Égypte, une COP27 particulièrement attendue par les pays du Sud
Marine Henriot – Cité du Vatican
«Toutes les crises sont importantes, mais aucune n’a autant d’impact». Lors de l’ouverture de la COP27, Simon Stiell, le patron de l’ONU-Climat a voulu donner le ton: «La crainte est que nous perdions un autre jour, une autre semaine, un autre mois, une autre année: nous ne pouvons pas nous le permettre». Des mots fermes et limpides qui révèlent la crainte des organisateurs de cette 27e conférence des États signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques: que les dirigeants du monde, empêtrés dans la guerre en Ukraine, la crise énergétique, l’inflation ou le spectre de la récession, ne fassent de la lutte contre le réchauffement climatique une priorité.
Car si les chefs d’États multiplient les déclarations sur l’importance de cette COP et de la lutte contre les bouleversements du climat, les engagements actuels des différents pays sont loin d’être à la hauteur des objectifs de l’accord de Paris de 2015, dans lequel les 195 États signataires s’étaient engagés à mettre en place des mesures pour contenir «l'élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et poursuivre l'action menée pour limiter l'élévation de la température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels». La période préindustrielle se situant entre 1850 et 1900, avant que l'homme ne brûle les énergies fossiles à grandes échelles.
À Charm el-Cheikh, du 6 au 18 novembre, il s’agit donc de rattraper le temps perdu, alors que la planète se dirige vers une augmentation de 2,4°c d’ici la fin du siècle, si les pays respectaient leurs engagements. En revanche, dans l’état actuel des choses, avec les politiques menées à présent, le monde s’avance vers un réchauffement catastrophique de +2,8°C, selon les Nations unies.
Or, avec les crises en cours, les pays sont moins enclins à respecter leurs engagements. L’année dernière, lors de la COP26 à Glasgow, un pacte avaient été adopté pour rehausser les plans de réductions: seuls 29 pays ont déposé leurs mesures pour atteindre cet objectif.
La question des pertes et dommages
Une problématique particulièrement portée par les pays dits «du Sud», les plus vulnérables aux changements climatiques, tandis que les pays du G20 sont responsables de 80% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Après d’âpres négociations, cette question, qui est selon de nombreuses ONG au cœur de la lutte contre les changements climatiques, est finalement à l’agenda de la COP de Charm el-Cheikh.
«Les parties et les pays doivent se mettre d’accord pour établir un mécanisme de financement pour indemniser les personnes déjà touchées les changements climatiques», détaille à notre micro David Knecht, responsable des questions énergétiques et de la justice climatique chez Action de Carême.
C’est là le grand défi de cette conférence internationale au chevet du climat, selon l’œuvre d’entraide catholique suisse, «restructurer les financements pour qu’ils soient efficaces, Ce n’est pas que la quantité du financement mais aussi la qualité du financement. Cela implique aussi que ces financements ne soient pas des prêts mais des dons, pour ne pas créer un cercle vicieux de dettes.»
Dans une démarche de compensation financière envers les pays les plus vulnérables lors de la COP de Copenhague en 2009, les pays occidentaux s’étaient engagés à verser chaque année, à partir de 2020, une aide de 100 de milliards de dollars au pays du Sud pour les aider dans la lutte contre les changements climatiques. Une promesse non honorée, si bien qu'à la COP de Paris en 2015, le délai pour mettre en place le financement a été repoussé à 2025.
Compte à rebours
Face au réchauffement climatique qui s’accélère, l’humanité doit «coopérer ou périr», a mis en garde lundi 7 novembre le secrétaire général des Nations unies, à la tribune de la COP. «C'est soit un Pacte de solidarité climatique soit un Pacte de suicide collectif.»
Cette conférence est aussi un rendez-vous politique, et le regain de tensions entre les deux principaux pollueurs mondiaux, Chine et Etats-Unis, pèse déjà sur cette conférence. Le président chinois Xi Jinping ne viendra pas et l'Américain Joe Biden devrait passer rapidement après les élections de mi-mandat du 8 novembre. Les deux pourraient toutefois se voir en marge du G20 à Bali, pendant la deuxième semaine de la COP.
Or, à presque 1,2°C de réchauffement actuellement, les impacts catastrophiques se multiplient déjà, comme l'a montré 2022: terribles inondations au Pakistan avec un tiers du pays sous les eaux, ou au Nigeria, canicules, mégafeux et sécheresses affectant les récoltes… Dans un monde où la population atteindra officiellement 8 milliards d’habitants le 15 novembre.
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