Le ministre ukrainien des Affaires étrangères, touché par les larmes du Pape
Salvatore Cernuzio - Envoyé à Kiev (Ukraine)
Répondant aux questions des journalistes, y compris des médias du Vatican, en commençant par la possibilité d'une visite du Pape François en Ukraine, un pays meurtri par la guerre, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, a expliqué que «cette visite serait accueillie par une section beaucoup plus large de la société ukrainienne, et pas seulement par ceux qui appartiennent à l'Église catholique grecque, car il est un symbole de compassion et de soutien spirituel. Nous sommes impatients de l'accueillir», a-t-il assuré. En Ukraine, souligne le ministre, de nombreux fidèles dans l'Église catholique romaine et celle catholique grecque, et même au-delà, accordent de la considération au Pape François.
Toutefois, le ministre Dmytro Kuleba a affirmé n’avoir pas compris à certaines occasions, les points de vue exprimés par le Souverain Pontife sur la guerre en cours. Il a tenu néanmoins a félicité François «pour sa compréhension», fruit des «nombreuses conversations qu'il a eues avec les gens». «Il ne s'est pas laissé influencer par des concepts qui ne fonctionnent pas et ne répondent pas à la réalité, mais s'est toujours engagé à rechercher la vérité», a-t-il ajouté.
Les larmes du Pape
Commentant le moment d'émotion publique du Pape François lors de la prière à l'Immaculée Conception le 8 décembre, lorsque, interrompu par des larmes, il a porté la souffrance du peuple ukrainien aux pieds de Marie sur la Piazza di Spagna, l’une des principales places touristiques de Rome, le ministre ukrainien des affaires étrangères s’est dit touché: «Cette compassion signifie beaucoup pour nous et va droit au cœur des Ukrainiens, bien sûr nous attendons votre visite», a-t-il affirmé.
L'appel du 2 octobre
Dans cette interview, Dmytro Kuleba est aussi revenu sur l'Angélus du 2 octobre dernier, qui était essentiellement consacré au conflit en Ukraine, le Pape ayant lancé un appel fort au président russe Vladimir Poutine, à mettre fin au conflit le plus rapidement possible. Mais l’appel simultané de François au président ukrainien Volodymyr Zelensky à être ouvert à une proposition de paix sérieuse pourrait, selon le ministre ukrainien, faire douter que Zelensky ne soit pas ouvert à la paix. Une «proposition de paix sérieuse», ajoute-t-il, «est basée sur l'intégrité territoriale de l'Ukraine».
Relations avec le Saint-Siège
La rencontre entre le ministre ukrainien des Affaires étrangères et Mgr Paul Richard Gallagher, secrétaire du Saint-Siège pour les relations avec les États, à l'occasion de la 29e réunion du Conseil des ministres des Affaires étrangères de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), tenue le 1er décembre en Pologne, a favorisé «une conversation intensive sur les relations bilatérales entre l'Ukraine et le Saint-Siège». Les questions liées à la guerre étant prioritaires, Dmytro Kuleba a réitéré son engagement à travailler avec le Vatican pour la paix.
Le ministre a tenu cependant à clarifier quelques points pour éviter ce qu'il considère comme des «erreurs» et qui, selon lui, conduisent à des récits erronés. En commençant par le concept de «fraternité» entre Russes et Ukrainiens, «il faut toujours se rappeler que la Russie est l'agresseur et que l'Ukraine est la victime de l'agression», a-t-il déclaré.
Fractures entre les religions
L'agression de la Russie contre l'Ukraine a provoqué des «fractures» au sein du monde religieux des deux pays, a relevé Dmytro Kuleba, «non pas seulement dans le monde catholique chrétien, mais aussi entre juifs et musulmans». Le ministre a aussi souligné la grande contribution du regard et du soutien, que la foi peut offrir aux gens dans un moment aussi dramatique: «Les perspectives des confessions sont avant tout, consoler les gens, les aider spirituellement. C'est un fait que la plupart des gens ne se tournent vers Dieu qu'en cas de difficulté, mais quand tout va bien, ils l'oublient. Aujourd'hui, dans la société, il y a une plus grande demande d'aide spirituelle».
Jugeant «inacceptable» qu'il y ait des prêtres qui bénissent la guerre, Dmytro Kuleba espère une plus grande coordination «pour donner de la force aux gens», et pour «consoler et réconforter ceux qui souffrent».
«Ce n'est pas le moment pour la médiation»
«Cette guerre a fait voler en éclats de nombreux fondements de l'ordre politique mondial», a déploré le ministre. Concernant les propositions de médiation faites par 90 % des pays du monde depuis le 24 février, qui n'ont jusqu'à présent jamais été concrétisées pour diverses raisons, il déclare: «La triste vérité est que le temps d'une large médiation n'est pas encore venu. En témoignent les quelque "cent missiles tirés chaque semaine pour détruire les infrastructures", les soldats qui continuent d'arriver dans le Donbass, les violences contre la population. On ne fait pas toutes ces choses quand on cherche une solution pacifique. Le jour d'une grande médiation viendra, mais nous n'en sommes pas encore là, à notre grand regret...», a-t-il conclu.
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