La Moldavie prise en étau entre l’Europe et la Russie
Entretien réalisé par Jean Charles Putzolu - Cité du Vatican
Dimanche 19 février, des manifestations ont eu lieu à Chisinau, la capitale, pour demander au gouvernement des mesures contre la vie chère. Dans la foule de manifestants, des drapeaux russes ont été hissés, et une majorité de l’opinion publique est aujourd’hui favorable à une négociation avec Moscou pour ramener les factures de gaz et d’électricité à des niveaux raisonnables.
Les yeux tournés vers l’occident
Négocier avec Moscou n’est cependant pas au programme de la présidente, Maia Sandu, qui poursuit une politique pro-européenne, et dénonce une volonté de déstabilisation de la part des russes. Pour Florent Parmentier, chercheur est enseignant à SciencesPo, spécialiste des pays de l’ancien bloc soviétique, les récentes manifestations sont davantage liées à des questions intérieures qu’à des pressions de Moscou: «une partie de l'opinion publique ne se demande pas qui a commencé la guerre en Ukraine, mais plutôt comment faire pour résoudre ce problème quotidien en quelque sorte, qui est celui de payer ses factures».
Candidature à l’Union Européenne
Ces mêmes préoccupations ont conduit le 10 février le gouvernement pro-européen de la première ministre Natalia Gavrilita à jeter l'éponge. Cependant, malgré la crise et les manifestations, 58 % des Moldaves restent en faveur de l'intégration européenne, et la Moldavie a officiellement obtenu le 23 juin dernier son statut de candidat à l’UE. C’est sur l’observation de cette tendance que la présidente Maia Sandu a nommé un nouveau premier ministre lui aussi favorable à l’intégration européenne. Dorin Recean doit maintenant répondre à la baisse du pouvoir d’achat avec une opinion publique partagée, entre un désir d’Europe et un certain pragmatisme, qui bien qu'admettant la responsabilité russe dans le conflit ukrainien, la fait pencher en faveur du gaz et du pétrole russes, moins cher.
Les risques d’invasion russe
Dès les premières heures de la guerre en Ukraine, la Moldavie, constitutionnellement neutre, faiblement armée et occupée sur son flanc ouest par une république pro-russe autoproclamée, la Transnistrie où stationnent 1 500 soldats russes, s’est rapidement vue comme la prochaine cible de Moscou. Même les ukrainiens fuyant la guerre, de peur de subir une deuxième invasion, ont pour l’écrasante majorité fait le choix de ne pas rester à Chisinau. Or, explique Florent Parmentier, ce risque d’invasion reste faible pour plusieurs raisons: d’abord parce qu’il faudrait que l’armée russe arrive au sud, à Odessa, puis jusqu’à la frontière moldave pour envisager une opération militaire contre Chisinau. Or, les soldats russes en Transnistrie sont en nombre insuffisants aussi bien pour lancer une offensive contre l’Ukraine, qu’une attaque contre le Moldavie.
De fait, Moscou ne les a pas mobilisés. Ensuite, si la sécurité de la Transnistrie est effectivement garantie par Moscou, sa prospérité dépend de l’Ukraine et de la ville d’Odessa en particulier. «La Transnistrie est plutôt dans une situation où elle a peur finalement de se trouver dans une forme d'isolement entre l'Ukraine qui à présent lui est hostile, et le reste de la Moldavie, qui est de plus en plus soutenue, y compris militairement, par des états membres de l'OTAN», souligne Florent Parmentier avant d’ajouter que «la Transnistrie en tant que telle va essayer de maintenir une forme de statu quo».
Une situation à observer de près
Il n’y a pas que la Transnistrie qui trouve son intérêt, au moins temporairement, dans une forme de statu quo: aussi bien du côté des Moldaves que des Russes, tant que ces derniers n’atteignent pas la frontière de la Transnistrie, que du côté des Européens et des Américains, personne n’a nécessairement envie d’ouvrir un nouveau front. Cependant, «il faut observer de manière extrêmement étroite ce qui se passe en Moldavie, mais il y a une différence entre être attentif et être préoccupé», dit Florent Parmentier. «Pour l’instant, conclut-il, la Moldavie est à surveiller de près. Elle est à soutenir à travers différentes mesures de soutien macroéconomique, de résilience de sa capacité de défense. Mais à mon sens, elle n’est pas au bord d'une invasion de la Russie, en tout cas pas dans un futur très proche».
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici