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Afrique centrale: des enfants accusés de sorcellerie rejetés par leurs parents

Des milliers d’enfants accusés de sorcellerie sur le continent africain, particulièrement en Afrique centrale, vivent un calvaire sans précédent. Rejetés et abandonnés par leur entourage, ces enfants qui habitent essentiellement dans les quartiers les plus défavorisés de cette région, subissent des traitements ignobles, comme en témoigne Jean-Luc Mootoosamy, journaliste et directeur de Media Expertise Suisse.

Entretien réalisé par Myriam Sandouno – Cité du Vatican

En Afrique centrale, ces enfants dits «sorciers», dont l’âge varie entre 10 et 12 ans, sont très souvent accusés par leurs proches et leur entourage d’être les principaux responsables des drames vécus dans leur familles respectives, de détenir des pouvoirs mystiques visant à faire du mal à autrui.

De nombreux enfants sont à risque, notamment les orphelins, les enfants de la rue, les albinos, les enfants présentant un handicap physique ou une anomalie comme l’autisme, ceux qui possèdent un tempérament agressif ou solitaire, les enfants qui sont particulièrement doués, ceux qui sont nés prématurément ou dans une position inhabituelle, et les jumeaux.

Le phénomène des «enfants dits sorciers» profitent à certains prophètes et pasteurs «d’églises dites de réveil», qui, selon l’Unicef demandent entre 3 et 30 euros afin de les exorciser . Ces «hommes de Dieu», agissant sous couvert d’une lutte contre le mal, disent voir en eux un esprit maléfique, qui serait à l’origine de tous les malheurs de leurs familles.

Malgré les efforts fournis par certaines organisations et institutions religieuses le phénomène persiste et semble difficile à combattre. Cela en raison des croyances poussées en la sorcellerie dans ces sociétés africaines.

Jean-Luc Mootoosamy, journaliste et directeur de Media Expertise Suisse, déplorant cette situation, explique «qu’il suffit qu’il y ait un malheur dans une famille, un problème de perte d’emploi, de fermeture d’entreprises, de grands-parents qui meurent, de pères ou de mères qui décèdent pour qu’on accuse ces enfants». Souvent, raconte-t-il, ce sont des enfants qui sont soit en situation d’handicap, par exemple épileptiques, ou bien des enfants qui sont surdoués, capables de réaliser des choses, ce sont ces enfants-là qui sont ciblés, et accusés de choses qu’ils n’ont pas commises, ajoute-t-il.

Entretien avec Jean-Luc Mootoosamy

Quels sont les traitements qui sont infligés à ces enfants accusés de sorcellerie?

Ils sont mis de côté, battus et sont envoyés notamment au nom de Dieu chez certaines personnes qui se disent pasteurs et qui les prennent pour soit les obliger à avouer, pour essayer de faire partir le démon qui serait en eux. Alors ces enfants sont rejetés. Je prendrai l’exemple du jeune Joseph âgé de 4 ans que j’ai connu à Mbandaka en 2004. Il a été rejeté parce qu’un membre de la famille est mort, et donc, lui, il n’a jamais pu retrouver sa famille. Il a aujourd’hui 22 ans et il vit en brousse, c’est une vie qui s’arrête! Quand on a cette étiquette «d’enfants sorcier», c’est pour la vie qu'on la traînera.

Malheureusement oui! J’en ai été témoin à Mbandaka il y a eu des pasteurs d’Églises de réveil qui ont par exemple «enlevé» une petite fille. Ils lui ont brisé les jambes, jusqu’à ce que cet enfant qui n’avait que 6 ans avoue «qu’elle était sorcière». Nous adultes, si on nous on nous enlevait et qu’on commençait à nous briser les jambes, je pense qu’on avouerait beaucoup de choses que nous n’avons pas commises. Et ce sont ces personnes qui se disent «hommes de Dieu», qui commettent des crimes odieux sur ces enfants.

Quelles sont les principales causes?

C’est d’abord la situation économique. Souvent ce sont dans des endroits où le pays a lui-même souffert, où la communauté a souffert, par exemple en République démocratique du Congo. C’est aussi le cas en République centrafricaine, un pays qui a connu la guerre; aussi au Nigeria dans certains coins qui sont secoués, soit par des situations de terrorisme, ou de précarité. Également ou Togo en Afrique de l’Ouest, où il y a dans certains villages des enfants qui sont accusés de sorcellerie.

Comment l’Église s’organise-t-elle pour combattre cette dérive sociale?

L’Église tend les bras. J’ai vu comment elle accueillait ces enfants, elle essaie de leur donner de l’estime de soi. Donc ces enfants-là se retrouvent très souvent à être scolarisés par les religieuses dans les couvents, mais aujourd’hui l’Église catholique les assistent. Je sais que l’Église anglicane contribue énormément, l’Église presbytérienne également, l’Église Réformée dans certaines parties d’Afrique fait un énorme travail, mais certaines Églises de réveil ne collaborent pas toujours.

Les hommes politiques abordent très peu ce sujet, le laissant plutôt entre les mains justement de ces «Églises» dites de réveil. Les autorités sont très «frileuses», mais il y a quelques cas où des hommes et des femmes publics sont venus de l’avant, notamment en République démocratique du Congo, et ont osé élever la voix pour justement souligner que ces enfants sont des citoyens qu’il faut respecter, mais il y a beaucoup de frilosité.

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23 mars 2023, 18:17