Syrie: Amnesty International dénonce le blocage de l’aide humanitaire
Entretien réalisé par Myriam Sandouno - Cité du Vatican
Le blocage de l’aide humanitaire à Alep demeure une situation préoccupante, mettant des vies en danger, alerte dans une déclaration Amnesty International. «Le gouvernement syrien et les groupes d’opposition armés soutenus par la Turquie doivent cesser de bloquer ou de détourner l’aide humanitaire» destinée à alléger les souffrances de dizaines de milliers de personnes dans la ville d’Alep déchirée par le conflit, a déclaré l’organisation, un mois après le séisme qui a dévasté cette région le 6 février dernier.
L’ONG affirme avoir constaté qu’entre le 9 et le 22 février, le gouvernement syrien a empêché au moins une centaine de camions transportant de l'aide essentielle, telle que de la nourriture, des fournitures médicales et des tentes, d'entrer dans les quartiers à majorité kurde de la ville d'Alep. «Ces camions ont été bloqués, raconte Aymeric Elluin, chargé de plaidoyer Armes et conflits à Amnesty International, ils en ont laissé passer finalement une vingtaine». Au cours de la même période, note l'organisation dans son communiqué, des groupes d'oppositions armés soutenus par la Turquie, qui font partie d'une coalition armée appelée Armée nationale syrienne (ANS), ont également empêché au moins 30 camions d'aide d'entrer à Afrin, une ville du nord du gouvernorat d'Alep occupée par la Turquie. Dans les deux cas, l'aide était envoyée par les autorités kurdes, avec lesquelles le gouvernement syrien et les groupes armés soutenus par la Turquie se sont battus pour le contrôle de territoires dans le nord de la Syrie.
«Une tactique de guerre pour affamer Alep»
D’une certaine façon, souligne Aymeric Elluin, le conflit en Syrie n’a jamais cessé, le gouvernement syrien contrôle 70% à peu près du territoire, et il existe encore des poches de conflictualités. «Et en fait sous couvert d’accepter cette aide internationale, ajoute-t-il, le régime syrien se sert de cette aide pour lutter encore contre ce qu’il considère comme étant encore l’opposition». Il estime que cette aide, en particulier en provenance des zones kurdes, est «instrumentalisée».
Amnesty International dénonce un blocus armé qui consiste à «la mise en place d'une tactique de guerre, visant à assiéger une ville et à l’affamer». Ce que fait le régime syrien, déclare Aymeric Elluin, «est absolument abominable et contraire aux droit international. On n’assiège pas une ville pour asseoir sa domination», et faire en sorte que «le supposé opposant rejoigne l’origine», déplore le chargé de plaidoyer Armes et conflits à Amnesty international.
Des vies humaines en danger
Ce blocage de l’aide humanitaire n’est pas sans conséquences, relève-t-il. «Quand vous empêchez l’aide de venir sur place, vous ne pouvez pas faire tourner les générateurs, vous ne pouvez pas faire tourner les machines qui permettent aux sauveteurs d’agir dans ces zones et de secourir encore des personnes qui ont subi le séisme». Ce qui conduit à enlever autant de chances de survie à des victimes qui ont été impactées par ce séisme. Ensuite, ajoute-t-il, tout ce qui est aide médicale, sanitaire, aide alimentaire, «toute cette aide est absolument fondamentale», parce que le séisme vient aggraver une situation qui «était absolument grave». La zone du Nord de la ville d’Alep est touchée par un blocus qui empêche l’acheminement de l’aide humanitaire depuis 2022.
Fin janvier, dans cette zone, dans ces quartiers à majorité Kurdes, les personnes, raconte-t-il, étaient obligées de brûler des objets en plastique pour pouvoir se chauffer. «Imaginez, lance-t-il, les conditions sanitaires dans lesquelles ces gens-là se retrouvent, et les conditions médicales, puisque cela entraine des conséquences physiques sur les personnes qui inhalent des fumées toxiques». Par ailleurs, l'absence de denrées de première nécessité «fait que les gens petit à petit meurent de faim». Il souligne également l’absence de médicaments pour traiter des pathologies, comme l’hypertension. Ce blocus vient donc aggraver le sort de dizaines de milliers de personnes.
Selon Aya Majzoub, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International, les séismes ont fait basculer des dizaines de milliers de personnes à Alep dans un plus grand dénuement encore, alors qu’elles faisaient déjà face à d'importantes difficultés en raison des dix années de conflit armé.
Le 6 février, des séismes de magnitude 7,7 et 7,6 ont respectivement frappé le sud-est de la Turquie et le nord de la Syrie. Au moins 6 000 personnes en Syrie ont été tuées selon l’ONU, et plus de huit millions ont besoin d’une aide urgente.
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