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75 ans d’Israël: un pays en quête d’identité

Le 14 mai, Israël a célébré les 75 ans de sa fondation dans un contexte encore marqué par la violence. Ces dernières années, les Israéliens ont été appelés plusieurs fois aux urnes, mais ne sont pas parvenus à dégager une majorité claire. Le pays semble plus que jamais divisé avec une question coloniale toujours sans réponse.

Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican

Cet anniversaire est passé presque inaperçu: les affrontements de la semaine dernière entre l’armée israélienne et les factions palestiniennes de la bande de Gaza n’ont pris fin temporairement que samedi soir, veille du 75e anniversaire de la fondation d’Israël. Le pays rêvé par les pères fondateurs n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’il était en 1948. Créé sur «des valeurs de solidarité entre juifs», il est aujourd’hui marqué par «une fracture profonde entre des gens qui veulent un État beaucoup plus nationaliste et religieux et ceux qui ont une vision beaucoup plus libérale et laïque» explique Thomas Vescovi, chercheur sur Israël, auteur de Gauche israélienne: l’échec d’une utopie, aux éditions La Découverte.

La question coloniale, quant à elle, continuer de «gangréner cet État créé sur l’expulsion de 800 000 Palestiniens pour être à majorité juive», sans compter la discrimination dont ont fait l’objet au début les 150 000 non-juifs, c’est-à-dire les arabes palestiniens devenus citoyens d’Israël dès 1948 et qui n’ont vu leurs droits s’élargir que progressivement. Cette question coloniale, autrement dit, «comment faire pour maintenir un État à majorité juive et où la population juive continuerait de bénéficier de la majorité des privilèges», fait qu’aujourd’hui «on a un État qui ne sait plus qui il est», précise le chercheur.

Du kibboutz à la start-up

La colonisation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza après 1967 a bouleversé l’économie, conduisant à sa libéralisation, poursuit Thomas Vescovi. De nouveaux débouchés pour les entreprises israéliennes sont alors apparus et s’en sont suivies plusieurs libéralisations. Au final, «on est passé du modèle du kibboutz à la start up», et «l’idéal sioniste de la création d’Israël, de solidarité entre juifs, s’est effrité au profit d’un individualisme qui s’enferme dans un certain nationalisme».

Deux modèles coexistent et s’affrontent dans les urnes, sans que l’un ou l’autre l’emporte clairement, comme le prouve la succession d’élections législatives qui ne débouchent sur aucune majorité parlementaire claire. D’un côté, la droite et l’extrême-droite qui penchent vers un État basé sur les valeurs religieuses et où les juifs domineraient et bénéficieraient de tous les droits, de l’autre, la gauche plus encline à partager les droits avec les non-juifs et en faveur d’un État séparé de la synagogue.

La difficile relation avec les Palestiniens

La question palestinienne, dans ce contexte, est «sous-jacente» et revient périodiquement «comme un boomerang en pleine tête» estime Thomas Vescovi. «Israël a tout fait pour masquer la présence des Palestiniens», poursuit-il. Ces derniers, face à l’absence de justice et de perspectives politiques, sont poussés à la révolte, ce qui est perçu par les Israéliens comme des «attaques contre eux». Or, ce n’est pas cela, affirme le chercheur pour qui il s’agit d’un «mouvement nationaliste qui cherche à s’émanciper».

«Cette incompréhension pousse régulièrement Israël à reparler des Palestiniens et à y répondre, surtout depuis les années 2000, par la force, par la répression, alimentant du même coup chez les Palestiniens une envie de vengeance et à chercher une réponse via les armes», continue-t-il. Sans qu’aucune perspective de paix sérieuse n’apparaisse pour le moment.

Entretien avec Thomas Vescovi, chercheur sur Israël

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16 mai 2023, 08:30