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Basilique Notre-Dame de la Garde à Marseille. Basilique Notre-Dame de la Garde à Marseille.  Les dossiers de Radio Vatican

Lieux saints partagés, une exposition itinérante en Méditerranée

Un lieu peut-il être à la fois saint et partagé? C’est la question que tente d’illustrer l’exposition itinérante “Lieux saints partagés” sous le commissariat de Dionigi Albera et Manoël Pénicaud. Présentée en 2015 au Mucem de Marseille, elle sera installée sous une forme renouvelée au musée du sanctuaire Notre-Dame de la Garde à l’occasion des prochaines Rencontres méditerranéennes. Ce sera mi-septembre avant une grande étape romaine pour le Jubilé en 2025.

Delphine Allaire - Cité du Vatican 

C’est un musée d’un genre nouveau qui a vu le jour il y a dix ans au bord du Vieux-Port. Le Musée des civilisations européennes et méditerranéennes est inauguré à Marseille le 7 juin 2013 alors que la ville est capitale européenne de la culture.

À l’occasion de cette décennie d’existence et à l’approche des Rencontres méditerranéennes organisées dans la cité phocéenne autour d’une centaine d’évêques et de jeunes, focus sur une exposition aux 1001 vies. «Lieux saints partagés» a été présentée au Mucem en 2015. Elle a depuis sillonné la Méditerranée, du musée Bardo de Tunis (2016) à celui des Confluences de Marrakech (2017), en passant par Thessalonique (2017), Istanbul (2019) ou Paris au Musée de l’Histoire de l’immigration (2017). Elle reviendra à son berceau phocéen en septembre prochain pour les Rencontres méditerranéennes organisées par le diocèse marseillais. Sous une forme nouvelle, l’exposition prendra ses quartiers au musée du sanctuaire de Notre-Dame de la Garde que le Pape devrait visiter dans le cadre de sa venue en septembre. Un déplacement publiquement évoqué à deux reprises par le Saint-Père, mais pas encore officialisé par le Vatican.

Comment la diplomatie culturelle peut-elle représenter l’un des fers de lance d’un dialogue interreligieux fructueux? Éclairage de l’anthropologue de la Méditerranée, Dionigi Albera, commissaire de l’exposition itinérante sur les «Lieux saints partagés», directeur de recherche au CNRS.

Entretien avec Dionigi Albera, anthropologue et commissaire d'exposition

Quel a été le postulat de départ de l’exposition?

La Méditerranée est le berceau des trois religions monothéistes, qui éprouvent toutes les trois dans leur patrimoine génétique une certaine difficulté à interagir les unes avec les autres. Un effort est requis pour aller au-delà des barrières et des divisions. La théologie de la Méditerranée proposée par le Saint-Père ces dernières années se saisit de la Méditerranée comme d’un espace géographique, historique, marqué par des échanges, des transitions, des confrontations, et surtout, par la proximité des peuples habitant cette mer. La proximité peut créer autant de problèmes que de passerelles. Notre exposition a essayé humblement d’apporter une petite pierre en ce sens, d’apporter une meilleure connaissance mutuelle entre les populations de ce «lac».

 

Quels enseignements retirez-vous de cette exposition sur le plan du dialogue interreligieux?

Il y a tout autour de la Méditerranée des pèlerinages et des sanctuaires partagés par des fidèles de confessions différentes. En se concentrant sur ces phénomènes, l’exposition a permis de fournir au public une vision différente de la religion: non comme bloc identitaire, mais comme phénomène permettant des circulations interreligieuses. Les illustrations que nous avons choisies sont parfois peu visibles et silencieuses. Par exemple, l’île de Büyükada, l’une des neuf îles des Princes en mer de Marmara face à Istanbul, abrite un monastère orthodoxe consacré à saint Georges visité par de nombreux pèlerins musulmans. Des dizaines de milliers de personnes embarquent à bord d’un bateau pour se rendre sur cette île et accomplir le pèlerinage, chaque 23 avril, jour de la saint-Georges. Ces formes de brassage méritent d’être davantage connues, car elles sont facteurs d’espérance. Ces lieux sont souvent aussi en danger. Je pense aussi à la synagogue de la Ghriba à Djerba (Tunisie), plus ancien lieu de culte juif d’Afrique, frappée par un attentat le 9 mai dernier.

Quel destin méditerranéen se dessine à présent pour cette exposition?

Nous en préparons une version en lien avec les prochaines Rencontres méditerranéennes. À la demande du cardinal Jean-Marc Aveline, nous avons été associés à ce moment marquant pour la vie de Marseille. Inaugurée à la mi-septembre au musée du sanctuaire de Notre-Dame de la Garde, cette exposition se concentrera sur le rôle de Marie comme passerelle en Méditerranée. Nous évoquerons plusieurs sanctuaires mariaux autour de la Méditerranée comme Notre-Dame d’Afrique à Alger, Notre-Dame de Santa Cruz à Oran, à Éphèse, au Liban. Une couronne de sanctuaires consacrés à la Vierge, et autant de lieux d’hospitalité interreligieuse, car fréquentés par des fidèles musulmans, et dans quelques cas aussi, juifs.

Qu’apporte la spiritualité mariale au dialogue en Méditerranée?

La figure de Marie dépasse les frontières du monde chrétien pour interpeller des fidèles d’autres horizons religieux. Cette conversation avec la Vierge est particulièrement importante en relation à l’islam. Dans l’islam, Marie est une figure sainte et centrale d’une grande importance théologique. Elle est présente dans le Coran, et vue comme un exemple de sainteté. Cette prégnance théologique a fait que les fidèles musulmans se rendent dans des sanctuaires chrétiens pour prier. Le cas le plus emblématique et le plus ancien est celui de la basilique de la Nativité à Bethléem, où depuis le Xe siècle une présence musulmane est attestée.

Diriez-vous que la nécessité du dialogue et de la connaissance mutuelle en Mare nostrum passe aussi par cette «diplomatie de l’art»?

Pour créer ces passerelles et montrer aux gens qu’ils sont plus proches des personnes d’autres religions que ce qu’ils croient parfois, les instruments du dialogue interreligieux peuvent apparaître limités. Il est souvent le fait de personnes déjà aguerries. Il est important de s’adresser à un public large. Dans l’exposition, nous nous efforçons d’utiliser la force et la puissance des œuvres d’art pour communiquer des émotions. Des contenus issus d’une réflexion peuvent ainsi être mieux transmis s’ils sont véhiculés par des représentations s’adressant aux âmes. L’art permet cela, en arrivant immédiatement au cœur. De ce point de vue, lors de nos différentes éditions de ces aventures itinérantes, nous avons exposé à la fois des œuvres médiévales que contemporaines. L’art est un instrument important pour communiquer des contenus théologiques susceptibles d’effrayer les non-spécialistes.

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21 juin 2023, 14:00