Kenya: l’opposition déterminée à poursuivre ses manifestations contre la vie chère
Entretien réalisé par Myriam Sandouno - Cité du Vatican
Selon la coalition Azimio, au moins 50 personnes ont été tuées depuis mars, lors de ces manifestations organisées par l’opposition kenyane, qui a dénoncé aujourd’hui «des violences policières sans précédent». Les opposants accusent le gouvernement de dissuader le mouvement par une répression brutale. Mercredi dernier, plus 300 personnes ont été arrêtées à la suite d’échauffourées entre manifestants et forces de l’ordre.
De son côté, le président Kenyan William Ruto parle d’incitation à la violence, affichant son soutien à la police qui selon lui, «doit s'assurer qu'elle est ferme envers les criminels, les gangs, les anarchistes et tous ceux qui veulent semer le chaos».
Les appels au dialogue
Dans une déclaration, les États-Unis, le Royaume-Uni et d’autres pays occidentaux ont exprimé leur préoccupation face au niveau de violence. L'ONU, le secrétariat du Commonwealth et l’Église ont appelé au dialogue la semaine dernière. L’ONG Human Rights Watch a exhorté le pouvoir en place à protéger le droit des citoyens à manifester publiquement.
Cherté de la vie, nouvelles taxes et dettes
Les tensions persistent entre le pouvoir actuel et l’opposition dans ce pays d’Afrique de l’Est où les populations peinent à joindre les deux bouts. «La vie est vraiment très chère pour le moment au Kenya, c’est contre cela que la population locale réagit», souligne professeur Jean-Claude Loba Mkole, conseiller international de l’Alliance biblique à Nairobi. Autre raison évoquée, la loi des finances qui introduit de nouvelles taxes. «Les gens voudraient que cette loi soit retirée tout simplement, qu'elle soit revue, et que ces nouvelles taxes ne puissent pas avoir des conséquences néfastes sur la vie sociale», explique-t-il, ajoutant ensuite que face un pouvoir d’achat «très faible» au Kenya, les citoyens peinent à s’en sortir.
«Autre chose que les gens ne dénoncent pas directement: ce sont les dettes. Le Kenya comme plusieurs pays africains ont des dettes colossales, notamment envers les pays occidentaux y compris la Chine», fait remarquer professeur Mkole, ajoutant: «quand le gouvernement se met à payer les dettes, c’est la population qui en souffre».
Face à une inflation continue, quelles sont les mesures atténuantes prises par le gouvernement devant la baisse du pouvoir d’achat?
La première mesure c’est le fait que le gouvernement ait diminué le prix du carburant. C’est un petit geste disons, une petite mesure qui montre la bonne volonté de la part du gouvernement pour essayer d’endiguer la situation. Il y a bien sûr des mesures qui pourraient porter des fruits à long-terme, mais dans l’immédiat la population ne se retrouve pas.
Certains observateurs estiment que pour des Kenyans qui vivent au jour le jour, demander trois jours de manifestations en une semaine serait un peu trop. Qu’en dites-vous?
Ça peut paraître trop, mais chaque camp essaie de justifier ses actions. L’opposition par exemple peut dire que le gouvernement n’écoute pas, que de telles manifestations peuvent faire bouger la ligne etc. Bien sûr tout le monde n’est pas d’accord avec cela. Le gouvernement penserait qu’il est entrain de travailler justement afin que la population puisse avoir des conditions de vie meilleure, par rapport à ce qu’elle vit actuellement. Mais il faut attendre, parce que ça prend du temps.
Le bilan des manifestations ce mois-ci fait état d’au moins 35 civils tués, il y a eu aussi la semaine dernière des centaines d’arrestations, est-ce qu’il y a eu une volonté des autorités et de l’opposition d’arriver à un dialogue sincère et franc?
En fait, il y a des voix qui s’élèvent pour appeler à un dialogue sincère entre le pouvoir et l’opposition. La société civile, plusieurs organisations et l’Église catholique appellent à ce dialogue entre le pouvoir et l’opposition, jusque-là ils n’ont pas encore commencé les assises directes par rapport à ce dialogue.
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