Un an après la mort de Mahsa Amini, le nouveau visage de l’Iran

Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican

Pendant plusieurs semaines, à l’automne 2022, les yeux du monde entier se sont tournés vers l’Iran, traversé par des manifestations à travers tout le pays pour protester contre la mort de Mahsa Amini, tuée par la police après son arrestation pour «port de vêtements inappropriés». Malgré la répression meurtrière, des rassemblements par les forces de l’ordre, la chasse aux opposants qui s’en est suivie, avec des centaines de condamnations à mort, la société iranienne est toujours en ébullition et le pouvoir craint, à l’occasion de cet anniversaire, de nouvelles protestations.

Un an après, l’Iran des mollahs a changé, et assez profondément, estime Azadeh Kian, sociologue à l’université Paris-Cité. Premier changement, selon cette Franco-iranienne, «la construction d’une solidarité inédite entre différentes catégories sociales, d’abord au sein des femmes» puis avec les hommes qui les soutiennent dans cette entreprise.

Autre fait marquant dans un pays multiethnique et pluriconfessionnel: les manifestations, qui ont eu lieu du Kurdistan au Baloutchistan, «ont montré que des pans entiers de la population iranienne, indépendamment de leur religion ou leur ethnie, étaient solidaires contre le régime et ont revendiqué son changement» affirme Azadeh Kian. «Il y a une nouvelle définition d’iranité ou “qui est iranien” très inclusive qui a émergé» estime-t-elle également.

Une nouvelle question s’est imposée aussi sur le devant de la scène ces derniers mois: celle de l’égalité hommes-femmes mais aussi celle de l’égalité entre les minorités religieuses et la majorité chiite. «Les Iraniens ont compris que sans l’égalité hommes-femmes, on ne peut pas revendiquer ou obtenir la démocratie, ni sans l’égalité entre la majorité religieuse au pouvoir et les minorités religieuses», explique la sociologue.

Ces évolutions profondes de la société iranienne ont provoqué une vague de répression massive de la part des autorités qui craignent que le mouvement ne reprenne de la vigueur à l’occasion du premier anniversaire de la mort de Mahsa Amini. Selon Azadeh Kian, le pouvoir a bien compris la menace. Les conservateurs, et leur frange la plus dure, «se savent très impopulaires» à cause d’une situation économique «désastreuse» avec du chômage en augmentation ainsi qu’une inflation de 200% sur les produits de base notamment.

Les Iraniens n’ayant pas la possibilité d’exprimer réellement leur mécontentement et leurs revendications, la rue reste un exutoire pour beaucoup. La jeunesse du pays, connectée et ouverte sur le reste du monde, revendique, elle, sa liberté. L’addition de toutes ces colères est donc explosif, et «pour la première fois, les Iraniens sont persuadés que ce régime n'est pas réformable» estime Azadeh Kian. Peut-être la pire des menaces pour le pouvoir.