Migrants en Méditerranée: sœur Bipendu récompensée pour avoir sauvé des vies
Stanislas Kambashi, SJ – Cité du Vatican
Du 6 au 9 septembre, le Festival des journalistes méditerranéens d’Otrante, qui en est à sa XVe édition, a réuni sur la scène du Largo Alfonsina, dans le célèbre centre touristique de Lecce, des protagonistes du monde de l’information, des universitaires, des représentants d’institutions et de la diplomatie, pour débattre des questions relatives au bassin du Mare Nostrum. Ce rendez-vous culturel qui a lieu à la fin de chaque été sur les rives italiennes de la mer Adriatique, est devenu depuis 2009 un point de référence pour la réflexion sur l’actualité italienne et internationale et sur les défis auxquels sont confrontés les opérateurs de la communication.
Sœur Angel Bipendu a reçu le prix «Caravella»
L’une des questions épineuses concernant la mer Méditerranée est celle des migrants. Un grand nombre d’entre eux qui ont tenté de rejoindre l’Europe par cette voie y ont péri, au point que le Pape François a qualifié la Méditerranée d’un des plus grands cimetières de notre temps. Aux efforts des gouvernements et des institutions se joignent ceux des personnes éprises du sens d’humanité, qui participent notamment à des opérations de sauvetage et qui apportent les soins et des biens de première nécessité.
C’est le cas de sœur Angel Bipendu qui, de 2016 à 2019, a travaillé à Lampedusa, l’île italienne réputée pour l’accueil des migrants d’origines africaines. Pendant plus de deux ans, cette religieuse et médecin originaire de la République démocratique du Congo a participé à des opérations de sauvetage qui ont valu la vie sauve à 47 282 migrants. De nombreux autres sont malheureusement morts, a-t-elle regretté au micro de Vatican News. Pour ce travail, elle a reçu l'une des récompense du festival, le prix «Caravella».
Au service des migrants et des malades de Covid-19
Membre de la Congrégation des Disciples du Rédempteur, sœur Bipendu œuvre actuellement à Bergame. Dans cette ville italienne située au nord-est de Milan, qui était le premier épicentre de la pandémie de Covid-19 en Italie, elle a également apporté de l’aide aux personnes qui ont souffert de cette maladie, en un moment où le monde ne savait comment s’y prendre.
La religieuse congolaise a été invitée par les organisateurs du Festival des journalistes méditerranéens d’Otrante à faire part de toute cette expérience. Interviewée par Radio Vatican-Vatican News, elle a confié avoir été embarquée dans des bateaux de la Guardia Costiera - les garde-côtes italiens - où elle a travaillé pendant deux ans à des opérations de sauvetage des migrants d’origine africaine en Méditerranée, afin de les porter en Europe sains et saufs. «C’est une expérience, personnellement, qui m’a rendue sage et qui m’a donné le courage d’aller au-delà des peurs que j’avais», a-t-elle confié.
Pèlerins sur la Méditerranée, à la recherche des migrants en difficulté
Sœur Bipendu a raconté avoir œuvré à Lampedusa d’abord comme religieuse, en se donnant pour le bien des autres. Elle y a aussi travaillé comme médecin, dont la première tâche dans ces bateaux de sauvetage était de faire le tri, afin de savoir qui était malade et qui ne l’était pas; et d’isoler et soigner ceux qui souffraient des maladies contagieuses comme la tuberculose. Elle devait ensuite rédiger un rapport vu que certaines pathologies portées par les migrants ne sont pas connues ou «n’existent plus en Europe».
Sa deuxième mission sur les bateaux de sauvetage, qu’elle considère comme la partie la plus importante, était d’encourager les migrants qui réussissaient à atteindre Lampedusa, en leur apportant d’abord un soutien psychologique. Avec d’autres personnes engagées dans ces opérations, elle embarquait dans des bateaux qui naviguaient sur la Méditerranée, en partant de cette île vers d’autres ports du sud de l’Italie comme Catane, Palerme, Naples, et la Calabre et ramenaient tous ceux qu’ils réussissaient à sauver.
Des migrations causées par le terrorisme et la recherche des meilleurs conditions de vie
Aujourd’hui, la religieuse congolaise estime que 70% des migrants qui ont bénéficié de son assistance directe ont réussi à bien intégrer la vie en Europe. Les 30 autres, avec qui elle a gardé contact, se cherchent encore. La plupart de ces personnes ne sont pas restées en Italie, qu’elles «ont utilisée comme porte d’entrée»; mais sont installées dans d’autres pays européens comme la Belgique et la France.
Concernant les raisons de leur aventure périlleuse, 60% de ces migrants ont déclaré avoir fui le terrorisme comme celui de Boko Haram au Nigeria ou d’autres conflits armés au Mali ou en Somalie. D’autres, provenant du Ghana ou d’autres pays, ont confié être à la recherche de meilleures conditions de vie.
Améliorer les conditions de vie des populations africaines pour limiter les migrations forcées
Pour éviter à leurs ressortissants de continuer à risquer leurs vies dans la migration forcée, la sœur Bipendu appelle les pays africains à améliorer leurs politiques «puisque la vie est sacrée». «Quand la politique d'un pays ne marche pas, ce sont ces conséquences que nous nous vivons», a martelé la religieuse. Pour elle, si les citoyens ne vivent pas paisiblement comme ils doivent vivre chez eux, beaucoup seront forcés de partir. La majeure partie de ces migrants qui ont reçu son assistance étaient des jeunes, dans la tranche d’âge de 18 à 27 ans. Certains d’entre eux ont également choisi de partir car ils trouvent que leurs politiciens vivent dans le luxe, en concentrant entre leurs mains les richesses de leurs pays, alors que les populations gisent dans la pauvreté.
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