Journée mondiale des AVC: De l’urgence à prévenir les facteurs de risque
Entretien réalisé par Christian Losambe, SJ – Cité du Vatican
A l’occasion de la célébration de la Journée mondiale des accidents vasculaires cérébraux, Dr. Diakité a accordé un entretien à Radio Vatican – Vatican News. Le spécialiste en neurologie a, tout d’abord, commencé par expliquer ce que l’on entend par «AVC» et ses différentes formes. Ensuite, il a évoqué les diverses causes à la base des accidents vasculaires cérébraux, particulièrement en Afrique, en faisant un excursus sur les facteurs de risque qui pourraient déclencher à long terme une quelconque attaque cérébrale. En conclusion de cet échange, il a martelé sur la nécessité de prévenir les facteurs de risque, à savoir l’hypertension artérielle, l’inactivité physique, la consommation excessive de stupéfiants et le diabète, afin de réduire le taux des crises d’accidents vasculaires cérébraux dans le monde. Nous vous proposons l’intégralité de cet entretien.
Pouvez-vous nous expliquer ce que l’on entend par AVC?
L'accident vasculaire cérébral, abrégé AVC, est une maladie aiguë en rapport avec une interruption brutale de la circulation sanguine dans une partie du cerveau.
Combien de formes d’AVC existe-t-il dans le monde?
Cette interruption brutale est à l'origine de deux types d'AVC: ischémique et hémorragique. Le plus fréquent est l'AVC ischémique, qui se caractérise par une obstruction d'une veine dans le cerveau. Toutefois, qu’il s’agisse de l'AVC ischémique ou de l'AVC hémorragique, les symptômes vont se révéler par la survenue brutale d'une paralysie ou la perte de la sensibilité d'un côté du corps, une difficulté à articuler, de fortes céphalées ou une perte de connaissance.
Quelles en pourraient être les causes majeures, surtout en milieu africain?
Avant de vous parler des causes, j'aimerais marteler sur la gravité de cette maladie. Vous devez savoir que l'AVC constitue l’un des problèmes de santé publique. Et selon des études menées, on dénombre un AVC chaque quatre secondes quelque part dans le monde. Les AVC représentent le premier motif d'hospitalisation dans le secteur neurologique dans nos milieux de travail, ici en Côte d’Ivoire, et avec une proportion de 38%. Il s’agit d’une maladie grave en ce sens qu'elle est responsable de la première cause de handicap sur le sujet jeune, la deuxième cause de démence après la maladie d'Alzheimer et la deuxième cause de mortalité.
Pour revenir sur les causes, nous parlerons plutôt des facteurs de risque. Ce sont les éléments qui favorisent la survenue d'un AVC. Il s’agit de l'hypertension artérielle, qui est le plus grand facteur de risque, l'inactivité physique, la sédentarité, la consommation d'alcool et de stupéfiants, et certaines maladies cardiaques, sans oublier le diabète.
Pensez-vous que dans quelques années, les risques d’AVC pourraient augmenter dans nos pays africains en proie à la pauvreté?
A l'époque, les maladies infectieuses dominaient un peu le pattern des maladies que nous avions en Afrique. Mais depuis quelques années, nous assistons à une transition épidémiologique. Les maladies infectieuses ont tendance à être remplacées par les maladies cardiovasculaires, telles que les AVC et les infarctus du myocarde. Et quand on essaie de démembrer un peu les facteurs des risques de cette maladie cardiovasculaire, il y a la sédentarité et la mauvaise alimentation.
Avec la pauvreté, on pourrait dire que dans notre contexte de travail ou dans notre milieu africain, la population n'arrive pas à survivre à cet éleveur quotidien alimentaire. Pourtant, il est dit qu'après chaque repas, il nous faut des fruits et des légumes; et cela n'est pas à la portée de tous. La mauvaise alimentation est donc un facteur favorisant, et également la consommation du tabac, des stupéfiants puissants parfois même dans nos milieux estudiantins, qui sont des conséquences de la pauvreté.
Par ailleurs, face aux cas d'AVC, vous devez savoir que depuis plus d'une vingtaine d'années, ces derniers ont été classés comme maladies urgentes, nécessitant aussi une prise en charge immédiate. C'est-à-dire que quand je constate qu'un patient présente les symptômes que je vous ai cités plus haut, à savoir la paralysie d'un côté du corps, l'insensibilité d'un côté du corps, la difficulté à parler ou un coma qui s'installe brutalement, il faut automatiquement orienter le patient vers un centre de référence. Une fois dans le centre de référence, le patient va bénéficier d'une imagerie cérébrale, un scanner du cerveau ou une IRM du cerveau. À la suite de ces examens, on pourra savoir s’il s’agit d’un AVC ischémique ou hémorragique.
Que ça soit l'un ou l'autre, la prise en charge demeure une urgence médicale. Le professionnel de santé, quand il s'agira d'un AVC ischémique, fera recours à un nouveau traitement que nous avons depuis une vingtaine d'années, qui s'appelle la thrombolyse. Malheureusement le coût n'est pas à la portée de tous. Nous avons commencé cette technique à Abidjan, mais il faut savoir que le coût s’élève à 2,5 millions d'euros, ce qui n'est pas donné à tous.
D'après votre expérience en tant que neurologue, comment mieux prévenir aujourd'hui un AVC, particulièrement en milieu africain?
Nous n'avons pas le moyen de faire face à un AVC, il faut qu'on agisse plutôt en amont sur les facteurs de risque que nous venons de vous citer. Nous demandons à nos patients de se faire dépister parfois pour une hypertension artérielle qui serait mieux connue. Et quand on dépiste une hypertension artérielle, il faudrait prendre son médicament permanemment. Secondairement, il faudrait manger sainement, pratiquer une activité sportive quotidienne, au moins trente minutes par jour, cinq jours sur sept; éviter la sédentarité et arrêter la consommation de tabac et d'alcool. Si nous agissons sur ces mesures susmentionnées, nous allons lutter considérablement contre la surveillance des AVC dans nos milieux de travail. C'est le conseil que nous pouvons donner à notre population démunie.
Comment vivent les personnes qui ont connu des AVC?
Il faudrait savoir qu’après un AVC, nous serons en face de trois situations. La première situation est celle du patient qui, après son AVC, avec l'assistance de rééducation et la voie psychologique, va récupérer complètement de ses symptômes. Et il pourra reprendre tranquillement le travail sans contraintes. Le deuxième groupe de patients est celui de ceux qui vont récupérer à moitié et vont garder une séquelle, une situation qui pourrait être gênante en milieu de travail. Nous les accompagnons avec des rapports médicaux pour favoriser leur réinsertion professionnelle avec une adaptation du point de vue des heures de travail. Le troisième groupe est celui des malades qui ne vont pas recouvrer leur santé, qui seront en fauteuil à domicile et qui ne pourront plus travailler. Ce sont des cas difficiles pour des pères de famille, surtout en Afrique, qui doivent prendre plusieurs personnes en charge. Cela conduit parfois à la dépression ou au suicide.
Pour la catégorie des patients qui ne recouvreront pas leur santé, existe-t-il un traitement qui leur éviterait la dépression ou le suicide?
Nous essayons de faire contribuer la famille, les proches et mêmes les médecins psychologues à la prise en charge multidisciplinaire dont sera bénéficiaire le patient. La famille doit intervenir en premier lieu, en rassurant le malade que tout ira bien. Ensuite, il faudrait faire appel à un médecin psychiatre ou un neurologue, et aussi à un kinésithérapeute pour la rééducation des membres paralysés.
Auriez-vous un dernier mot ou un dernier conseil à prodiguer?
En guise de conclusion, nous dirons que l’AVC est une maladie grave et fatale qui constitue un problème de santé publique. Et la population africaine n’est pas encore prête à y faire face à cause de la prise en charge qui est coûteuse. A cet effet, nous devons agir en amont sur les facteurs de risque cardiovasculaires.
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici