En Haïti, la mission de soeur Paësie dans les bidonvilles
Marine Henriot – Cité du Vatican
«Tu vois, ces enfants, ils ne m'aiment pas. Et parce qu'ils ne me connaissent pas, va apporter ma lumière parmi eux. Leurs âmes sont souillées par le péché.» Ce sont ces mots de Jésus rapportés par Mère Teresa qui ont interpellés sœur Paësie, elle en a fait le credo de sa mission en Haïti. Depuis 2017, la religieuse française est au service des enfants du bidonville de Cité Soleil, le plus grand de la capitale haïtienne.
D’abord envoyée par sa congrégation des Sœurs missionnaires de la Charité en 1999 pour œuvrer dans un orphelinat et dispensaire, sœur Paësie a par la suite fondé sa propre communauté religieuse en 2017, la famille Kizito: «J'ai vu les enfants qui traînaient dans les rues, exposés aux dangers, et j'ai vraiment senti que le Seigneur me demandait de faire quelque chose pour les protéger».
Un foyer pour les enfants des rues, puis deux… Aujourd’hui la famille Kizito , composée de six sœurs, compte quatre foyers pour les garçons et deux pour les filles à Cité Soleil, où survivent entre 400 000 et 1 million de personnes. Sur place, dans le marasme des tôles, de nombreux enfants sont livrés à eux-mêmes, proies facile des gangs.
Protéger les enfants
En Haïti, lorsqu'un un garçon est un élève, il est moins facilement inquiété par les groupes armés, explique sœur Paësie, «En revanche, pour un garçon dans la rue, c'est très facile qu'il se fasse enrôler.» La mission de la famille Kizito est de procurer aux enfants du bidonville un lieu de sécurité. A Cité Soleil, en plus des foyers, la communauté religieuse a mis en place des cours de rattrapage et de mise à niveau, huit petites écoles (qui accueillent 1 500 enfants), des cantines, des centres d’activités extra-scolaires comme la danse ou la broderie et des maison Marcel Van: un sanctuaire qui accueille les enfants en phase de reconstruction des liens familiaux.
Avec douceur et aplomb, sœur Paësie relate notamment avoir accueilli un enfant dont le père était chef de gang, «cet enfant avait compris qu'il serait peut être contraint de prendre la même voie… Il est venu chez nous pour se cacher et être protégé de ce destin. Aujourd'hui, il est chef scout.»
Des centres de catéchisme ont également poussé à Cité Soleil. Dans un quotidien rongé par la violence, l’évangélisation représente un pari sur l’avenir, explique la religieuse: «La seule réponse à long terme (…) c'est de transmettre les valeurs de l'Évangile: le pardon, le sens du bien commun le plus fort protège le plus faible. Une société ne peut pas être construite sans ces valeurs chrétiennes».
Explosion de la violence
Depuis 24 ans en Haïti, sœur Paësie a vu l’île plonger dans le chaos. Les gangs contrôlent maintenant plus la moitié de la capitale Port-au-Prince. Entre le 1er juillet et le 30 septembre de cette année, la police nationale a signalé 1 239 homicides, contre 577 au cours de la même période en 2022. Et de juillet à septembre, 701 personnes - dont 221 femmes, 8 filles et 18 garçons – ont été enlevées, soit 244% de plus qu'en 2022 à la même période. Par ailleurs, 388 personnes ont été lynchées entre le 24 avril et le 30 septembre en raison de leur appartenance présumée à des bande, selon des chiffres des Nations unies.
Les enlèvements contre rançon sont monnaie courante, et ils se font désormais en plein jour, en toute impunité. Personne n’est épargné, ni même les religieux sur place. En avril 2021, sept religieux catholiques avaient été enlevés, avant d’être relâché une vingtaine de jours plus tard.
Quant à savoir si sœur Paësie a peur pour elle-même ou sa communauté, elle balaie la question d’un sourire et préfère raconter cette anecdote: quelques jours avant notre entretien, alors que la religieuse et un chauffeur devaient conduire des enfants à un baptême, la voiture a été volée par un gang; «Je me suis rendue auprès du gang. J'ai vu plusieurs personnes cagoulés, armés avec des armes de guerre et kalachnikov (…) Le chef de gang arrive sur une moto, je lui dit ‘’Bonjour, je vois qu'il y a ma voiture qui est garée là. En fait, j'en aurais besoin parce que nous allons à un baptême". (…) Et la réponse du chef de gang fut ‘’Excusez-moi ma sœur, on ne savait pas que c'était votre voiture (…) Cela ne se reproduira pas. Priez pour moi, ma sœur.’’»
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