Dans les camps de Rohingyas, la Caritas Bangladesh tente de raviver l’espoir
Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican
Il s’agit de la plus grande implantation de réfugiés au monde. Répartis dans 33 camps dans le district de Cox’s Bazar, un million de réfugiés rohingyas tentent de survivre depuis de nombreuses années dans le sud du Bangladesh, après avoir fui leur pays d’origine, la Birmanie. Plus de 75% d’entre eux sont des femmes ou des enfants selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
Un incendie dévastateur début janvier 2024
Début janvier, un incendie a ravagé cinq camps et détruit plus de 800 abris. 7000 personnes ont perdu leurs maisons dont 4200 enfants. Les infrastructures de santé, d’éducation ainsi que plusieurs mosquées sont partis en fumée témoigne Sebastian Rosario, directeur de Caritas Bangladesh. La Caritas Bangladesh prend en charge neuf des 33 camps de Rohingyas de Cox’s Bazar dont aucun n’a été touché par l’incendie. Mais Sebastian Rosario assure que «du matériel de reconstruction, des kits de santé et des barres ultra-protéinés sont prêts à être envoyés» aux victimes de l’incendie pour assurer leur survie et la reconstruction.
Devant l’ampleur des besoins du million de Rohingyas réfugiés, Caritas a choisi de prioriser deux aides: «la construction ou reconstruction d’abris ainsi que l’éducation». Concernant la reconstruction, Caritas Bangladesh met à disposition des spécialistes du bâtiments ainsi que des matériaux indispensables. Une aide qu’elle est habituée à fournir depuis plus de 50 ans auprès des populations de Rohingyas.
L’accès au savoir indispensable pour une vie future
Caritas tente également de donner un minimum d’éducation aux enfants vivant dans les camps. Sebastian Rosario explique: «Aujourd’hui, nous pouvons offrir une instruction jusqu’au collège. Nous sommes en négociation avec le gouvernement pour donner des cours jusqu’au lycée». Les élèves acquièrent dans les écoles de Caritas des connaissances scientifiques, des repères moraux mais aussi des compétences professionnelles afin «qu’ils ne soient pas un poids pour la société lorsqu’ils seront devenus grands». Un effort d’intégration indispensable, mais qui n’a pas été fourni par toute la population rohingyas réfugiée au Bangladesh depuis 1970 selon Sebastian Rosario.
Caritas forme à la broderie, à la couture et à l’aide auprès des personnes âgées ou handicapées. Toutefois, les jeunes formés ne peuvent travailler en dehors des camps de réfugiés. Caritas négocie actuellement avec le gouvernement pour pouvoir fournir produits et services à l’extérieur des camps, explique son directeur.
Le gouvernement demande le retour en Birmanie des réfugiés rohingyas
Les 750 000 Rohingyas issus de la dernière vague d’arrivée en 2017, à la suite d'une violente répression militaire dans l'État de Rakhine en Birmanie, ont rejoint ceux réfugiés au Bangladesh depuis les années 1970. Pour faire face à cet afflux massif de population, les diverses organisations humanitaires collaborent avec le gouvernement bangladais, en respectant le plan de ce dernier sous peine de ne plus avoir la possibilité d’agir sur le terrain. Une stratégie que ces organisations suivent sur fond de concurrence entre elles poursuit Sebastian Rosario.
Pour le gouvernement bangladais, la situation des réfugiés rohingyas reste un problème épineux. Les élections du 7 janvier 2024 ont reconduit pour un quatrième mandat la présidente Sheikh Hasina, de la ligue Awami. Ce qui fait dire à Sebastian Rosario que le gouvernement sera sensiblement identique et ne changera donc pas de ligne politique. C’est pourquoi, avec les autres ONG, il appelle le gouvernement à «ne pas considérer les Rohingyas comme un fardeau mais comme des personnes humaines en leur donnant une éducation et un moyen de subsistance».
Vers une intégration dans d’autres pays?
Selon Sebatian Rosario, «distinguer un Rohingyas d’un Bangladais par son physique est impossible car les deux peuples se ressemblent beaucoup». Toutefois, le gouvernement bangladais continue de demander le retour en Birmanie de cette population et s’oppose à une intégration complète dans un pays qui compte plus de 170 millions d’habitants. D’autres options sont envisagées, notamment en raison de la crise politique et militaire que connait la Birmanie ces derniers mois. Lors du dernier Global Refugee Forum, une réflexion a été menée par les participants autour d’une intégration des Rohingyas dans les pays voisins comme la Malaisie ou l’Indonésie selon Sebastian Rosario, ce qu’il voit d’un bon œil. Cette solution est pourtant étudiée depuis plusieurs dizaines d’années.
En attendant, les réfugiés rohingyas continuent de survivre dans leurs camps dans des conditions très difficiles. Malgré l’aide des ONG, l’insécurité plane en permanence sur les camps de Rohingyas. «Il y a parfois des luttes armées entre gangs. Début janvier, nous n’avons pas pu pénétrer dans un camp en raison d’échanges de tirs à l’intérieur en pleine journée. C’est un véritable obstacle pour nos volontaires qui interviennent dans les camps», déplore le directeur de la Caritas Bangladesh.
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