La schizophrénie: sensibiliser pour prévenir la sévérité des troubles
Entretien réalisé par Christian Losambe, SJ – Cité du Vatican
À l’occasion de la célébration de la Journée mondiale de la schizophrénie, la sœur Jacqueline Bukaka a accordé, lundi 18 mars 2024, un entretien à Radio Vatican–Vatican News. Décrivant les différents symptômes par lesquels la schizophrénie se caractérise, ainsi que ses conséquences sur la vie tant sociale que psychologique du patient, la religieuse de la congrégation des Sœurs de Sainte Marie de Kisantu, en RD Congo, a souligné «l’importance d’une alimentation équilibrée, d’une bonne gestion du stress et d’une activité sportive régulière afin de réduire les risques de maladies mentales en général, et de la schizophrénie en particulier». Nous vous proposons l’intégralité de cette interview.
Pourriez-vous nous expliquer ce qu'on entend concrètement par schizophrénie?
Le mot «schizophrénie» vient du grec, composé de deux termes: schizo qui signifie fractionnement; et phrên, esprit. Il s’agit donc du «fractionnement de l'esprit». C'est un terme cher à Eugen Bleuler, un psychiatre suisse, qui définit la schizophrénie comme «un trouble mental chronique qui affecte la façon dont une personne pense et perçoit le monde qui l'entoure». Les personnes atteintes de cette pathologie peuvent présenter des problèmes de pensée désorganisés. Elles peuvent, en outre, entendre ou voir des choses qui ne sont pas réelles, et avoir du mal à distinguer la réalité de l'imaginaire.
En tant que trouble mental grave et chronique, comment se caractérise cette maladie et comment se comporte un patient qui est atteint par celle-ci?
Je préfère plus parler de la symptomatologie que des caractéristiques. Les symptômes de la schizophrénie peuvent varier d'une personne à une autre, mais sont généralement regroupés en trois catégories principales: «les symptômes positifs, les symptômes négatifs et les symptômes cognitifs».
Les symptômes positifs comprennent des hallucinations, telles que des perceptions sensorielles anormales, des voix ou des visions, des délires et des troubles de la pensé. Il s’agit donc d’une difficulté à organiser ses pensées ou à maintenir une cohérence dans ses discours. La seconde catégorie comporte les symptômes négatifs, qui sont des aspects diminués de la personnalité ou des fonctions normales, notamment l'apathie, l'isolement social, le manque d'émotion et la diminution de la capacité à prendre soin de soi. Et enfin, les symptômes cognitifs qui affectent les fonctions mentales supérieures comme la mémoire, l'attention, la planification et la résolution des problèmes.
La schizophrénie pourrait-elle perturber l'activité sociale du patient, ses comportements et même ses sentiments?
Oui! Comme nous l'avons souligné tantôt, la schizophrénie est un trouble qui affecte la façon dont une personne pense et perçoit le monde qui l'entoure. Et cela peut perturber l'activité sociale du patient, ses comportements et même ses sentiments.
Et quelles pourraient être les conséquences sociales autour d'un patient schizophrène?
Les conséquences sont à considérer sous plusieurs aspects. D'abord, du point de vue social, la difficulté de comprendre, de vivre la réalité. Les hallucinations peuvent, en effet, altérer la capacité de certains patients. Sur le plan comportemental, un schizophrène développe des délires, et certaines émotions, notamment l'apathie, qui peuvent influer sur la manière dont la personne ressent et exprime ses émotions.
En raison de ces symptômes susmentionnés, les patients schizophrènes peuvent se retirer de leur famille, de leurs amis, de leur communauté. Ils peuvent se sentir incompris, stigmatisés ou avoir du mal à interagir socialement, ce qui pourrait entraîner un isolement social.
Et selon vous, la schizophrénie représente-t-elle un des troubles psychiatriques les plus fréquents en Afrique? Si oui, quelles pourraient en être les causes?
La schizophrénie représente, en effet, l’un des troubles les plus fréquents, mais pas seulement en Afrique puisque ce trouble psychiatrique affecte les personnes du monde entier. Quant aux causes, elles sont multiples, mais je pense qu’elles relèvent d'une combinaison des facteurs génétiques, neurobiologiques, environnementaux et psychosociaux.
En effet, les troubles peuvent se manifester chez des personnes ayant des antécédents familiaux de la maladie. Des anomalies au niveau du cerveau, notamment au niveau des neurotransmetteurs, peuvent jouer aussi un rôle dans le développement de la schizophrénie. Par ailleurs, les facteurs environnementaux tels que les événements stressants, les traumatismes précoces, les infections virales pendant la grossesse, la consommation de drogues ou d'alcool représentent des facteurs de risques.
Existe-t-il une thérapie qui pourrait aider le schizophrène à guérir totalement de sa pathologie?
Malheureusement, guérir totalement, non. La schizophrénie est un trouble chronique qui ne peut pas être guéri de manière complète. Cependant, il existe des traitements et des approches thérapeutiques psychologiques pouvant aider à gérer les symptômes, à réduire leurs effets et à améliorer la qualité de vie des personnes atteintes.
Outre la prise en charge médicamenteuse des anti-neuroleptiques et des anti-tremblements, il y a la «psychoéducation». L’on peut faire aussi intervenir la famille du patient, l’on parlerait de «thérapie familiale», ou procéder par la thérapie cognitivo-comportementale, la rééducation et l'aide à la vie quotidienne. La thérapie est très importante parce que, sans traitement, le schizophrène sera exposé à la toxicomanie, à l'alcoolisme, voire à des tendances suicidaires.
Quels mots pourriez-vous adresser concernant la lutte et la bonne gestion des cas de personnes atteintes par cette maladie, particulièrement en Afrique?
Je salue, tout d’abord, toutes les personnes schizophrènes. Ensuite, je dirais que nous devons essayer de mettre en œuvre des stratégies possibles de sensibilisation et de prise en charge des personnes atteintes en Afrique. Il est important de sensibiliser la population face à la schizophrénie pour réduire la stigmatisation et pour une meilleure compréhension de la maladie.
Par ailleurs, il serait essentiel de renforcer aussi le système de santé mentale et d’améliorer l'accès aux services de santé mentale. Et puis, il faudrait encourager un mode de vie sain, la bonne gestion du stress, une alimentation équilibrée, des exercices physiques réguliers, la réduction des substances nocives à l’organisme afin de réduire les risques de maladies mentales, particulièrement la schizophrénie.
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