Les groupes armés responsables du retour des mines antipersonnel
Alexandra Sirgant - Cité du Vatican
À l’issue de l’audience générale du mercredi 28 février, le Pape François a lancé un nouvel appel contre les mines antipersonnel à l’occasion du 25e anniversaire de l’entrée en vigueur de la Convention d’Ottawa sur l’interdiction de ces armes qui continuent de toucher des «civils innocents» et «surtout des enfants».
Le 1er mars 1999 entrait en vigueur le Traité d’interdiction des mines antipersonnel, portant également sur l’interdiction de la production, du transfert, du stockage de ces explosifs et imposant aux pays l’obligation de venir en aide aux victimes. Avec 164 pays signataires, ce traité fut le premier au monde à interdire une arme conventionnelle.
En 25 ans, la menace des mines antipersonnel a été drastiquement réduite se réjouit Anne Hery, directrice de plaidoyer à Handicap International, organisation co-lauréate du prix Nobel de la paix en 1997. «Au moment où ce traité a été signé, il y avait des centaines de millions de mines antipersonnel qui étaient stockées par les États et ils étaient nombreux à en produire» rappelle la représentante d’Handicap International. Le nombre de victimes a été divisé par cinq, passant de 30 000 victimes par an à l’époque à entre 3000 à 6000 victimes aujourd’hui, ajoute-t-elle. «55 millions de mines qui étaient stockées ont été détruites, et une trentaine de pays ont été déminés». Sans compter les droits des victimes de ces engins explosifs, désormais reconnus.
Recrudescence en Syrie et en Ukraine
Le nombre de victimes reste cependant encore élevé. L’Observatoire des mines 2023 a enregistré 4 710 victimes en 2022, dont 85% étaient des civils. Près de la moitié de ces victimes civiles sont des enfants.
Malgré une baisse générale ces deux dernières décennies, Handicap International remarque une utilisation accrue des mines ces dernières années en raison de l’augmentation des conflits armés, par des forces armées telle que la Russie et la Birmanie, mais aussi des groupes armés non étatiques, non signataires du traité. «Le nombre de victimes a recommencé à augmenter parce que des mines ont été utilisés en Syrie, et le sont encore actuellement en Ukraine et en Birmanie» déplore Anne Hery. En effet, selon le même rapport de l’Observatoire publié en novembre 2023, la Syrie enregistre pour la troisième année consécutive le plus grand nombre de victimes avec 834 décès en 2022, suivie par l’Ukraine (608 victimes en 2022), le Yémen (582) et la Birmanie (545).
Depuis le début de la guerre en Ukraine le 24 février 2022, les derniers chiffres de l’Observatoire font état d’utilisation de treize types de mines antipersonnel par les forces russes, ainsi qu’une utilisation par les forces gouvernementales ukrainiennes en 2022 dans et autour de la ville d’Izium, à l’est du pays, alors qu’elle était sous contrôle russe. À noter que l’Ukraine est signataire du Traité d’interdiction des mines à la différence de la Russie.
Les groupes armés et le développement technologique
«Une autre menace, c’est l’augmentation des engins explosifs improvisés», responsables de la mort de la plupart des victimes en 2023, et «crées par des groupes armés non étatiques». Ces groupes agissent principalement en Colombie, en Inde, en Birmanie, en Thaïlande et en Tunisie. La troisième inquiétude soulignée par l’organisation concerne les récents développements technologiques. «Prenons l’exemple du conflit en Ukraine: maintenant on est capables avec une roquette d’envoyer des mines sur une zone située à 50 kilomètres en seulement dix minutes» souligne-t-elle, tout en rappelant que les opérations de déminage sont complexes et peuvent durer des dizaines d’année.
«Nous avons pour vingt à trente ans de déminage en Syrie, et des zones sont toujours en train d’être déminées au Laos et au Vietnam», 50 ans après la fin de la guerre.
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