Haïti au seuil de son long chemin de reconstruction
Jean-Benoît Harel (avec AFP) - Cité du Vatican
Il aura fallu un mois pour former un conseil de transition pour Haïti. Alors que Port-au-Prince est livré depuis des semaines aux pillages et aux violences des gangs armés, les responsables politiques se sont accordés sur un conseil présidentiel de transition, selon l’AFP. Ce conseil de neuf membres -sept votants et deux observateurs- intègre des représentants des principaux partis du pays, ainsi que du secteur privé et de la société civile. Son mandat prendra fin le 7 février 2026 selon le document transmis à la Communauté des Caraïbes.
La longue attente pour former ce conseil vient «de la difficulté de trouver un consensus avec de nombreux partis politiques, y compris des partis politiques qui avaient soutenu Ariel Henry» explique Frédéric Thomas, docteur en sciences politique et chargé d’études au CETRI (Centre Tricontinental).
Ariel Henry cumulait les postes de Premier ministre et de président de la République depuis juillet 2021, en dehors de son mandat législatif depuis le 7 février 2024. Sous la pression de la société civile haïtienne, de la communauté internationale et de la situation sécuritaire dégradée à cause des gangs, il a annoncé sa démission le 11 mars 2024. Toutefois, le bilan d’Ariel Henry était loin d’être satisfaisant à de nombreux niveaux (social, économique, politique et sécuritaire), et son maintien au pouvoir jusqu’en août 2025 comme initialement prévu était difficilement imaginable, estime Frédéric Thomas.
La place de la communauté internationale
«La communauté internationale participe du problème plus que de la solution», poursuit le chercheur. Il explique que le gouvernement d’Ariel Henry est tombé car il avait perdu le soutien international, et américain en particulier. «La crainte, c'est qu'avec cette nouvelle initiative via la CARICOM, ce conseil présidentiel soit un nouveau bidule inventé par la communauté internationale pour régler les problèmes d'Haïti en contournant les organisations haïtiennes», explique-t-il.
La question de la force militaire kenyane qui devait intervenir en Haïti pour résoudre la crise sécuritaire illustre le rôle ambigu de la communauté internationale. Les organisations haïtiennes refusent qu'une force étrangère intervienne sur le territoire haïtien sous commandement étranger et exigent un contrôle a minima sur cette force armée.
Le défi lancé par les bandes armées
Cette crise sécuritaire se poursuit en Haïti. La capitale Port-au-Prince reste en grande partis sous le contrôle des gangs armés qui sèment la violence dans les rues. S’ils ont été un catalyseur pour la démission d’Ariel Henry, ces bandes armés qui veulent s'arroger un pouvoir politique décisionnel n’ont aucun projet politique.
«Ce ne sont pas des chefs de guérillas, ce ne sont pas des acteurs politiques: ce sont des criminels qui utilisent la terreur pour asseoir leur pouvoir et qui ne sont intéressés que par ce pouvoir», rappelle Frédéric Thomas.
Trois enjeux seront cruciaux pour ce conseil de transition selon le chercheur du CETRI. Il devra s’attaquer d’abord à la résolution de la crise sociale en offrant des perspectives de développement «à une jeunesse pauvre dans un pays très inégalitaire»; les élites économiques et politiques actuelles «qui ont utilisé ces bandes armées pour asseoir leur pouvoir» devront être remplacées et enfin la crise sécuritaire devra être résolue.
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