En 2023, un nouveau record des dépenses militaires mondiales

Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican

«Le désarmement est un devoir moral» avait lancé le Pape François à l’issue de la prière de l’Angélus le dimanche 3 mars 2024. Cette prière du Pape résonne encore plus fortement alors que les dépenses militaires mondiales ont atteint un nouveau record en 2023. Selon la dernière étude du SIPRI (Institut international de recherche sur la paix de Stockholm), publiée ce lundi 22 avril, les dépenses en armement se sont chiffrées l'an dernier dans le monde à 2 443 milliards de dollars. 

Sur tous les continents, les dépenses militaires qui comprennent toutes les dépenses publiques pour les forces armées et les activités militaires augmentent sensiblement. Les 5 premiers pays représentent 61% des dépenses militaires avec les États-Unis en première position (916 milliards de dollars soit 37% des dépenses mondiales). La Chine, en 2e position, est loin derrière avec 296 milliards de dollars. Suivent ensuite la Russie, puis l’Inde et enfin l’Arabie saoudite.

La guerre en Ukraine

L’invasion russe en Ukraine joue un rôle considérable dans la hausse des dépenses militaires mondiales depuis 2022. Les deux principaux protagonistes ont largement augmenté leurs budgets en 2023. 24% d’augmentation pour la Russie depuis 2022 avec 109 milliards de dollars, soit 16% des dépenses du gouvernement russe. En Ukraine, les dépenses militaires représentent 58% du budget de l’état, l'économie entière du pays s'étant adaptée à la guerre. Le pays est passé ainsi de la 11e à la 8e place avec 64,8 milliards de dollars, soutenu par 35 milliards supplémentaires d’aide étrangère.

La guerre à l'est de l'Europe pousse les voisins à se réarmer, comme la Pologne à la 14e place qui a augmenté de 75% son budget en un an. De même, les membres de l’Alliance Atlantique (OTAN) ont pour la plupart augmenté leurs dépenses d’armement. 

L’escalade des tensions en Chine

Depuis 29 ans, le budget militaire chinois est en hausse, atteignant 296 milliards de dollars en 2023. Il représente la moitié des dépenses de la région Asie et Océanie. Cette militarisation pousse les voisins à suivre cette voie: le Japon et Taiwan ont augmenté leur budget de 11% chacun, soit respectivement 50,2 milliards de dollars et 16,6 milliards.

La mer de Chine est sujet de tensions pour les acteurs étatiques régionaux.

Au Proche-Orient, un autre conflit ouvert encourage les dépenses militaires: celui entre Israël et le Hamas. Malgré le récent rapprochement diplomatique entre l’État hébreu et des pays arabes, par exemple avec les accords d’Abraham, le conflit ouvert déclenché après l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 incite les acteurs étatiques à renforcer leur armée. Les dépenses militaires d’Israël -les deuxièmes plus importantes de la région après celles de l’Arabie saoudite- ont augmenté de 24 % pour atteindre 27,5 milliards de dollars en 2023, note l'institut suédois. 

«La forte augmentation des dépenses militaires au Moyen-Orient en 2023 reflète l’évolution rapide du contexte régional», souligne Diego Lopes da Silva, chercheur principal au programme dépenses militaires et production d'armement du SIPRI, «on est passé d’un réchauffement des relations diplomatiques entre Israël et plusieurs pays arabes, ces dernières années, au déclenchement d’une guerre d’ampleur à Gaza et aux craintes d’un conflit à l’échelle régionale». 

Les conflits oubliés

La plus forte augmentation en pourcentage des dépenses militaires de tous les pays l'an passé concerne la République Démocratique du Congo (+105 %): le gouvernement est en lutte avec plusieurs groupes armés, dans l’est du pays notamment. La 2e augmentation la plus forte (+78%) a été observée au Soudan du Sud, alors que les conséquences de la guerre civile au Soudan voisin menacent la sécurité du pays.

En Amérique centrale, ce sont enfin les gangs armés qui poussent les États à investir dans le domaine militaire. Les dépenses militaires de la République Dominicaine ont par exemple augmenté de 14% en 2023, en raison de la situation sécuritaire catastrophique en Haïti, le pays frontalier. Il en va de même pour le Mexique qui a vu son budget militaire augmenter de 55% en dix ans pour lutter contre les activités criminelles et notamment le trafic de drogue.