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Burundi: la compagnie du Bon Pasteur accompagne les enfants abandonnés

L'Eglise célèbre les 25 et 26 mai la première journée mondiale des enfants; l'occasion pour de nombreux enfants du monde de vivre des moments de joie et de prière. Ce sera aussi une occasion pour se souvenir des enfants dont le sort n’a pas été facile ainsi que du témoignage des personnes de bonne volonté qui les prennent en charge. Dans un entretien à Radio Vatican – Vatican news, le témoignage de sœur Bedetse Capitoline de la compagnie du Bon Pasteur au Burundi.

Marie José Muando Buabualo – Cité du Vatican

Sœur Bedetse Capitoline, membre de la compagnie du Bon Pasteur, un institut séculier, né le 22 juillet 2001 à Gitega au Burundi, est aujourd'hui la responsable générale de la communauté. «Nous avons comme patronne Sainte Marie-Madeleine et c’est pour cela que nous nous occupons des filles et des femmes dans la même situation que Marie Madeleine avant de rencontrer Jésus-Christ, le Bon Pasteur», dit-elle pour décrire sa mission. Après 23 ans d’expérience, même s’il s’agit d’une activité complexe et délicate, la motivation reste intacte pour s’occuper des enfants, parfois en bas âge. La religieuse se souvient d’avoir eu à accompagner une jeune fille de 12 ans qui venait de mettre au monde. Elle est maintenant une femme épanouie dans sa famille; épanouie et mariée, avec son enfant.

Entretien avec Sr Bedetse Capitoline

Ma sœur, est-ce que vous exercez deux genres d'apostolat: l'apostolat pour les mamans et l'apostolat pour les enfants ou c'est un apostolat d’ensemble?

Oui, c'est un apostolat que nous faisons ensemble parce que l'apostolat auprès des enfants abandonnés dérive du fait que les mamans, quelquefois, quand elles se trouvent enceintes très jeunes, trahies dans leur confiance de femme, mettent au monde non pas parce qu'elles veulent devenir mamans, mais parce qu'elles ont peur de ce qui pourrait leur arriver avec l'avortement. Elles préféreraient être sans enfants. Mais quand elles arrivent à l'accouchement, elles pensent que c'est fait, donc elles abandonnent les enfants. Ce n'est pas parce qu'elles le veulent, mais c'est parce qu'elles sont contraintes de les abandonner. Alors nous prenons leurs enfants, nous les gardons chez nous. Quand la crise passe et qu'elles veulent de toutes les façons prendre leurs enfants, elles viennent et les reprennent. Et nous suivons de loin la familiarité entre la maman qui a abandonné et son enfant victime d’abandon.

C’est un travail difficile, comme vous venez de le dire. Est-ce que vous  jouissez d’un accompagnement quelconque, au niveau psychologique, sanitaire ou spirituel?

Oui, pour l'accompagnement sanitaire, jusqu'à aujourd'hui, nous nous débrouillons, nous, comme famille de la compagnie du Bon Pasteur. Jusqu’à l’âge de cinq ans, l'État les prend en charge. Après 5 ans, nous cherchons, comme tout le monde, comme pour tous les enfants burundais, une assurance qui va assurer les soins jusqu'à ce qu'ils deviennent grands. Cette assurance va même jusqu’à l'âge adulte. Donc on paye chaque année l'assurance maladie et puis on les soigne sans problème. Mais s'il y a une intervention à faire, on recourt à d'autres personnes de bonne volonté qui nous aident. Je parlerai d'un cas d'aujourd'hui, quand je retourne au Burundi, on va préparer le dossier d'une petite fille qui nous est arrivée à l’âge d’un mois, un peu mal nourrie, et que nous allons amener à Naples pour voir pourquoi elle grandit lentement et ne se développe pas psychologiquement et intellectuellement.

Les religieuses qui suivent ces enfants dans leur développement humain, spirituel, social, reçoivent-elles une formation appropriée pour pouvoir exercer cet apostolat?

La formation se fait durant le noviciat, puisque la compagnie du Bon Pasteur est née pour ça. On essaie de faire parler des experts, surtout en matière sanitaire, mais ça se fait au noviciat. Et puis nous les accompagnons avec notre cœur de femmes, femmes consacrées, mais des femmes.

Vous assumez, en quelque sorte, le rôle des mamans?

Nous faisons des mamans parce que normalement chaque enfant qui nous arrive est donné à une sœur qui sera la maman pour cet enfant, de son jeune âge jusqu'à l'âge adulte. Donc l'enfant a une référence dans la compagnie du Bon Pasteur. Il n’est pas accompagné par toutes les sœurs, il est sous les auspices d'une seule religieuse qui lui fait office de maman. Ce qui fait qu'il y a quand même une référence d'un enfant à une personne.

Cette relation enfant-adulte est-elle suivie d'une manière spéciale ou est-elle le fruit d’une spontanéité, de l'instinct maternel?

Nous utilisons pour le moment l'instinct maternel. Nous les accompagnons jusqu'où nous pouvons aller, jusqu'à l'âge adulte. Nous nous rendons compte que ça ne suffit pas, parce que les enfants ont besoin d'une autre figure, une figure masculine, surtout pour les garçons. À 10 ou 12 ans, nous les envoyons au collège, tenus par les frères, toujours, pour avoir une bonne et forte éducation. Et comme ça, ils ont une référence féminine à la maison et masculine à l'école.

La congrégation est jeune, elle a 23 ans d'existence. Avez-vous des projets pour l’avenir de ces enfants en âge adulte lorsqu’ils doivent entrer dans le monde du travail, former leur famille ou s'engager dans une vocation quelconque?

On est obligé de prévoir ça parce qu'on commence à avoir des garçons adultes qui doivent penser à leur vie d’après, après l'accueil chez nous. On les fait étudier. Pour le moment, nous nous concentrons sur leur formation intellectuelle pour être autonomes dans la façon de gérer leur vie, ou aussi les préparer à un métier précis s'ils le demandent. Par exemple, il y en a un qui souhaite devenir mécanicien. Vu qu'il me l'a demandé plus d'une fois, après l'école fondamentale, nous allons l'envoyer apprendre ce métier, s’il continue à le vouloir. Et avec ça, il aura une ouverture sur la vie, sur le monde du travail.

Pour conclure, pourriez-vous nous faire le bilan de ce que vous avez déjà réalisé au cours des 23 ans d'existence de votre congrégation?

Du point de vue de l'accompagnement des jeunes filles, des jeunes mamans, il y a beaucoup de familles qui se sont formées à partir de notre accompagnement; des jeunes mamans que nous avons reçues, que nous avons accompagnées et qui, maintenant, sont des épouses heureuses dans leur famille. Je me suis rendue compte que les familles plus heureuses sont les familles où le papa de l'enfant a repris la charge de la maman et de l'enfant. Pour d’autres familles, il y a encore des difficultés, mais on arrive quand même à les surmonter. Et puis, une fois qu'ils ont fondé leur famille, nous restons toujours en contact. Ils viennent nous voir, nous amènent d'autres enfants qui n'ont pas été chez nous, et nous portent leurs conjoints. Donc, face à cela, nous sommes vraiment très satisfaites. Nous avons aussi enregistré beaucoup d'échecs, mais nous continuons.

Et face aux échecs que vous avez rencontrés, quels sont les défis que vous comptez relever dans l’avenir?

C'est difficile de prévoir parce que chaque personne a sa propre histoire. Chaque cas est à part, donc on ne peut pas faire un projet commun pour toutes ces filles et ces mères. La solution est au cas par cas. De toutes les façons, elles savent que les portes sont grandement ouvertes toutes les fois qu'elles viennent nous trouver.

Vous faites ce travail en attendant et en espérant que la maman vienne reprendre son enfant?

Pour les enfants abandonnés, nous sommes très heureuses toutes les fois que l'enfant retrouve sa maman parce que c'est pour cela que nous travaillons. Nous gérons ce moment de crise, la crise psychologique surtout, mais nous voyons que les enfants grandissent avec leurs histoires personnelles et une vision positive de la vie, parce qu’ils savent que ça aurait pu être pire.

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25 mai 2024, 08:00