Les Sud-Africains ont voté pour des élections qui marquent un tournant
Linda Bordoni - Cité du Vatican
«Les élections du mercredi 29 mai en Afrique du Sud sont très importantes et marquent un tournant, probablement l'un des plus importants, si ce n'est le plus important, après 1994, car pour la première fois en 30 ans, le Congrès national africain (ANC), qui domine le pays, n'obtiendra probablement pas la majorité ou l'obtiendra de justesse», a expliqué le père jésuite Russell Pollitt lors d'une interview accordée à Radio Vatican.
L'ANC, qui domine la politique sud-africaine depuis la fin de l'apartheid, est aujourd'hui confronté à une résistance sans précédent: «Au cours des 10 à 15 dernières années, l'ANC est devenu synonyme de corruption, d'incapacité à fournir des services et d'une manière générale, d'un manque d'infrastructures dans le pays».
Cette situation a conduit à un mécontentement croissant des électeurs, qui se trouvent aujourd'hui face à un éventail politique plus large que jamais, avec 32 partis en lice pour ces élections.
Engagement politique et apathie des électeurs
Le père Pollitt a expliqué que l'apathie des électeurs reste une préoccupation importante malgré l'émergence de nouveaux partis politiques, une réalité qui reflète l'insatisfaction face au statu quo et le fait que de nombreuses personnes se sont inscrites sur les listes électorales.
«Le taux de participation aujourd'hui sera très important à observer», a-t-il expliqué, notant que certains électeurs, désillusionnés par le manque d'alternatives viables et la domination historique de l'ANC, pourraient choisir de ne pas voter du tout.
Ce sentiment, a-t-il ajouté, est aggravé par l'héritage émotionnel du rôle de l'ANC dans la libération de l'Afrique du Sud: «Il est associé à des personnalités historiques comme Nelson Mandela et les Sud-Africains votent encore, je pense, de manière très émotionnelle». Ainsi, certains pensent «qu'ils ne peuvent pas voter pour l'ANC parce que l'ANC les a laissés tomber, mais par sentiment d'allégeance, ils ne voteront pas du tout», a-t-il expliqué.
Potentiel changement
Le père Pollitt a toutefois exprimé son vif espoir qu'un ANC affaibli puisse conduire à des changements positifs pour l'Afrique du Sud.
Exprimant son optimisme quant à la montée de nouveaux partis tels que «Build One South Africa» et «Rise Mzansi», le prêtre jésuite a déclaré: «J'espère également que ces partis obtiendront un nombre significatif de voix afin de devenir de véritables acteurs, si ce n'est au niveau national, du moins au niveau provincial».
L'appel à l'engagement de l'Église catholique
À l'approche des élections, l'Église catholique d'Afrique du Sud a activement encouragé les citoyens à se rendre aux urnes.
Le père Pollitt a expliqué que même si «la circonscription de l'Église est assez petite, avec seulement quatre ou cinq millions de catholiques dans un pays de 65 millions d'habitants, les efforts de sensibilisation de l'Église s'étendent au-delà de ses fidèles immédiats».
De plus, a-t-il poursuivi, «l'Église a également tendu la main à d'autres Églises», faisant passer le message qu'il est dans l'intérêt de tous de «prendre du recul, de regarder le pays, d'examiner les problèmes, de voir de quel type de direction ce pays a besoin, sans entrer dans la politique partisane, (...) et de choisir ensuite, sur la base d'un système de valeurs, celui qui serait le mieux à même de diriger le pays».
«Il est évident que certaines personnes, qui s'étaient inscrites sur les listes électorales et pensaient que cela n'en valait pas la peine, se sont dites qu'elles devaient revoir leur position, et je pense que c'est là une très bonne contribution de l'Église», a-t-il observé.
Perspectives d'avenir
Alors que les rapports indiquent que le processus de vote se déroule sans heurts, avec des observateurs de divers organismes, y compris la conférence épiscopale et les organisations de Justice et Paix, qui veillent à son bon déroulement, le père Pollitt a réitéré que le résultat sera crucial.
Dans les prochains jours, les votes des 28 millions de Sud-Africains inscrits sur les listes électorales seront tous comptés «et le résultat sera la période critique de cette élection». Les résultats devraient être annoncés le 2 juin, après quoi le président sera élu par le Parlement.
Il sera intéressant, conclut le père Pollitt, «de voir comment les choses se dérouleront et comment les politiciens réagiront à ce qui se passera».
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