Au Burkina Faso, les villes sous blocus au cœur de la crise des déplacés
Jean-Benoît Harel – Cité du Vatican
Le Burkina Faso, le Cameroun et la République démocratique du Congo, sont les trois pays dont les crises de déplacements, sont les plus négligées en 2023, selon le Conseil norvégien pour les réfugiés (CNR), qui a publié son dernier rapport consacré aux dix crises de déplacements les plus négligées dans le monde.
Les résultats sont alarmants: 57% des besoins humanitaires dans le monde en 2023 n’ont pas été comblés souligne le rapport. «Ce chiffre va se creuser car même quand les financements restent stables, les besoins augmentent», ajoute Marine Olivesi, chargé de plaidoyer pour le Conseil norvégien pour les réfugiés.
9 pays sur 10 en Afrique
Neuf pays sur les dix du classement sont des pays d’Afrique, excepté le Honduras à la 6e place. Le continent compte en effet plus de 40 millions de déplacés de force, notamment en raison de la guerre comme au Soudan, ou des troubles sécuritaires, comme en République centrafricaine.
Les crises de déplacements sont analysées sous l’angle de la couverture médiatique, du financement humanitaire, et enfin de la volonté politique de la communauté internationale à trouver des solutions. «On parle de crises négligées et non oubliées, car un oubli ce n’est pas forcément volontaire. En parlant de négligence, on estime que le manque justement de mobilisation financière, diplomatique, médiatique pourrait changer, et est quelque chose qui est plus de l'ordre intentionnel», précise Marine Olivesi, également responsable du Burkina Faso, premier pays de ce classement.
Le Burkina Faso, premier pays pour la deuxième année consécutive
Le rapport met en lumière la dure réalité des Burkinabè. D’abord, plus de 8 400 personnes sont mortes en raison de la violence du pays, et le nombre de nouveaux déplacés a atteint le chiffre record de plus de 700 000. Deux millions de civils sont piégés dans 36 villes sous blocus, cadenassées par les groupes armés et dans lesquelles il est très difficile d’apporter de l’aide humanitaire, la seule solution étant le pont aérien.
«Transporter des intrants humanitaires dans ces villes coûte douze fois plus cher que si on pouvait le faire par la route», témoigne Marine Olivesi. «On n'a pas suffisamment d'hélicoptères pour aller tous les jours desservir toutes ces localités sous blocus, on a besoin de faire des choix». Ces zones forment un véritable angle mort quasi total de l’assistance humanitaire.
«Au Burkina Faso, on a une sorte de "crise négligée" dans la crise négligée là où se trouvent ces poches de populations, qui ont accès à extrêmement peu d'assistance malgré des besoins très très élevés», explique la jeune femme.
Des conditions humanitaires d’urgence
Dans la ville de Djibo, dans le nord du pays, Marine Olivesi a constaté la difficulté de l’accès à l’eau dans une ville où la température dépasse généralement les 40 degrés. Cet accès a été compliqué par le «triplement ou quadruplement de la population du fait des populations déplacées», poursuit-elle.
Plusieurs solutions sont envisagées. D’abord le «water trucking» c’est-à-dire de la distribution d’eau par des camions citernes qui se déplacent dans les différents points de la ville. Or, cette solution dépend de la présence du personnel humanitaire sur place, et nécessite un approvisionnement en carburant.
Une autre alternative consiste à creuser des pompes solaires et des canalisations pour transporter l’eau, mais ce genre d'installation est extrêmement coûteux.
«Il est possible de trouver plus d’argent»
Marine Olivesi garde espoir dans l’attribution de nouveaux financements pour poursuivre cette aide humanitaire d’urgence. «La somme mise sur la table par des pays donateurs au Burkina Faso en 2023 correspond au tiers de ce que la Côte d'Ivoire a dépensé pour l'organisation de la Coupe d'Afrique des nations de football en janvier 2024» assure-t-elle, convaincue qu’une mobilisation politique est indispensable pour répondre aux problèmes structurels de ces pays en crise.
«Des crises, comme par exemple la crise humanitaire en Ukraine, nous montrent que lorsqu’il y a une mobilisation politique, il peut y avoir des financements qui sont trouvés pour alléger la souffrance des populations: il devrait en être exactement la même manière pour des Burkinabés que pour des Ukrainiens que pour des Gazaouis», conclut la chargé de plaidoyer pour le Conseil Norvégien pour les réfugiés, souhaitant que le Burkina Faso ne soit plus en tête de ce classement l’année prochaine.
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