Boko Haram, témoignage d’un jeune prêtre camerounais vivant en «zone rouge»
Augustine Asta - Cité du Vatican
«Nous vivons ici dans la crainte permanente. Nous sommes toujours en état d’alerte. Moi par exemple je dors à la paroisse avec des militaires armés. Plusieurs personnes trouvent refuge dans les montagnes, la nuit tombée. Elles partagent les grottes avec les reptiles. Ce n’est qu’en journée que ces personnes regagnent leurs domiciles pour effectuer leurs travaux champêtres comme nous sommes en saison de pluie. Mais à 14 heures tout le monde repli là où il y a plus de sécurité. On vit tous la peur dans le ventre. Personne ne peut comprendre la gravité de la situation. C’est au-delà de l’inimaginable». Ces propos du curé de la paroisse saint Luc de Ldubam-Tourou témoigne de la dure réalité à laquelle est confronté les habitants de Tourou, localité située dans l’arrondissement de Mokolo dans le département du Mayo-Tsanaga. Depuis onze ans, la région de l’Extrême-Nord du Cameroun subit des incursions multiples de la secte terroriste Boko Haram.
Situation catastrophique
Pour le père Basile Tegamba, la situation dure depuis trop longtemps. Il faut que cela cesse. «Ils effectuent des incursions de façon récurrente. Ils pillent des maisons, volent et parfois tuent des gens. La semaine dernière par exemple le poste de gendarmerie de Tourou a été attaqué et un gendarme est mort. Nous avons aujourd’hui beaucoup de villages qui ne sont plus habités. Les maisons ont été abandonnées, détruites. Les structures sociales aussi notamment les centres de santés et les écoles. Dans notre paroisse nous avons 4 écoles privés catholiques, il y a déjà une qui a été fermée et une autre ne tardera pas à fermer ses portes. Cette année scolaire on a constaté une baisse drastique des effectifs dans les classes. On avait presque milles élèves il y a deux ou trois ans et on a terminé l’année scolaire en cours avec à peine 200 élèves présents. C’est une catastrophe», déclare-t-il désespérément.
«Notre paroisse est diminuée à 50%»
Les répercussions des exactions de Boko Haram dans la zone touche aussi l’Église catholique. La vie pastorale en subit les conséquences. «On compte plus de 5 000 chrétiens baptisés à date. Au total, nous avions neuf secteurs mais actuellement à cause de l’insécurité quatre sont fermés. On avait aussi 34 communautés ecclésiales vivantes et aujourd’hui on a que 20. La paroisse est diminuée a 50%», déplore l’abbé Basile la gorge nouée. Pour l’homme de Dieu, derrière ce triste tableau, il y a une réalité complexe à prendre en compte. «C’est vrai que pendant longtemps on a dit que Boko Haram est une secte islamique, mais je ne crois pas qu’aujourd’hui on peut parler de cela en voyant ce qui se passe dans les zones de conflit. Parce que Boko Haram s’est métamorphosé. Si bien qu’aujourd’hui il est difficile d’identifier ce groupe terroriste. Si on pouvait comparer Boko Haram a un cancer, je dirais qu’il a atteint le niveau de métastase. Le mal s’est généralisé», conclut-il d’un ton franc et direct.
L’Église catholique aux côtés des victimes
Pour apaiser les cœurs meurtris et la souffrance des populations, la paroisse saint Luc de Ldubam-Tourou multiplie les initiatives. «Nous avons perdus beaucoup de fidèles au cours des attaques de Boko Haram ces dernières années et cela va de soi que nous devons être proches des familles qui sont endeuillées. C’est du devoir de l’Église d’offrir aux décédés des funérailles chrétiens. Nous accentuons nos homélies sur l’espérance, avec un accompagnement psycho social pour les victimes. Personnellement j’essaye de raviver le cœur des fidèles, les exhortés à l’espérance», affirme le curé. L’action de l’Église s’étend au niveau de l’ensemble du diocèse de Maroua-Mokolo. «Cela fait partir de nos axes de pastorales permanentes dans le diocèse. Dans toutes les paroisses ici il y a ce qu’on appelle le comité paroissial de promotion humaine qui regorge plusieurs autres petits comités qui travaillent aussi bien dans le développement rural que dans l’épanouissement de l’homme. Il y a l’accompagnement des victimes de façon plus proche à travers la Caritas. Des aides humanitaires dans tous les sens. Il y a des appuis pour que les victimes et surtout les populations déplacées puissent effectuer des activités génératrices de revenus. Car depuis l’avènement de l’insécurité, le seuil de la pauvreté partout dans la zone a considérablement augmenté», précise le père Basile Tegamba. La lutte contre le terrorisme dans cette partie du Cameroun, se manifeste donc à travers la sollicitude de l’Église et la pastorale de proximité.
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici