L’antisémitisme s’invite en France dans la campagne électorale
Entretien réalisé par Xavier Sartre – Cité du Vatican
Comme souvent, les événements au Proche-Orient ont des répercussions sur la société française. La guerre entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza, déclenchée après l’attaque du 7 octobre du mouvement islamiste palestinien, n’a pas cessé ces derniers mois d’agiter les partis politiques et la société française. Cette question de politique internationale a même été au cœur de la campagne pour les élections européennes de La France insoumise (LFI), suscitant bien des réactions dans tout l’échiquier politique.
La campagne pour les législatives anticipées, dont le premier tour a lieu ce dimanche 30 juin, si elle n’aborde pas vraiment les thèmes de politique internationale, sinon de manière marginale, est traversée par la question de l’antisémitisme, corolaire du conflit israélo-palestinien. La perspective de plus en plus crédible de voir une majorité d’extrême-droite parvenir au pouvoir, une première depuis 1940, ranime également la question de l’antisémitisme, le Rassemblement national, principale formation d’extrême-droite étant accusé d’être antisémite du fait principalement de ses origines et de son histoire, tout comme LFI, à qui l’on reproche une opposition trop radicale envers Israël. La vigueur des propos n’incite pas à l’analyse, à la mesure et à la prudence, comme le regrette Alexandre Bande, historien, co-auteur de Histoire politique de l’antisémitisme en France. De 1967 à nos jours publiée chez Robert Laffont.
Un mal récurrent qui n'a jamais disparu
Certes, remarque-t-il, l’antisémitisme n’a jamais disparu de l’espace social durant ces quarante dernières années, et est régulièrement alimenté par l’actualité proche-orientale. Mais «il y a une forme d’antisémitisme structurel qui est très difficile à quantifier et à évaluer et qui ressurgit», affirme Alexandre Bande. Cependant, au regard des problèmes et des enjeux de ce scrutin, «donner autant d’importance à cette question cruciale de l’antisémitisme dans une société comme la nôtre où la minorité juive représente moins de 1 % de la population totale, est le signe que la société va mal», regrette l’historien.
«Il y a dans notre société, des contemporains qui continuent à porter sur la communauté juive un regard négatif ou hostile, voire simplement suspicieux ou méfiant en raison d’un certain nombre de poncifs qui circulent et qui sont alimentés sur les réseaux sociaux –le pouvoir de l’argent, le pouvoir dans les médias, une sorte de pouvoir occulte», autant d’éléments qui montrent que cette question se développe sur un temps long. Pour Alexandre Bande, nos contemporains sont également capables d’une «essentialisation», autrement dit, au regard des événements en Israël et dans les territoires palestiniens, certaines personnes «font une association excessivement rapide entre la dénonciation de ce qu’il se passe dans la région et la dénonciation, la méfiance ou l’animosité envers les juifs». En conséquence, on note une recrudescence des actes d’antisémitisme. Selon le Premier ministre Gabriel Attal, les actes antisémites en France ont augmenté de 300% au premier trimestre 2024 par rapport à la même période en 2023.
Une question instrumentalisée par les partis politiques
Dans le contexte de la campagne électorale, l’antisémitisme fait l’objet d’instrumentalisation de part et d’autre, constate le professeur d’histoire. Mais cet argument de l’instrumentalisation, «quand il est utilisé par certains comme une fin de non-recevoir, est particulièrement dangereux», estime l’historien. «De l’autre côté, pour ne reprendre que l’argument de ceux qui se prétendent les chevaliers blancs de la cause juive en France ou en Occident, si on est un peu honnête intellectuellement, les gouvernements ultranationalistes, xénophobes ou qui prétendent affirmer la priorité nationale, ont toujours eu tendance dans l’histoire, après s’être intéressé aux étrangers de l’extérieur, à s’intéresser aux mauvais nationaux. Dans la vulgate ou les discours de l’extrême-droite, les mauvais Français sont souvent les juifs», rappelle-t-il.
Comment sortir d’une telle situation? Alexandre Bande ne cache pas sa préoccupation et en appelle à un «sursaut de réflexion ou collectif», et en appelle aux syndicats, aux Églises, aux partis politiques quels qu’ils soient «pour qu’ils mettent des barrières sur ce que l’on peut dire et sur ce que l’on ne peut pas dire, sur ce que l’on peut laisser supposer et sur ce que l’on ne peut pas laisser supposer quels que soient les débats qui sont légitimes dans une démocratie».
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