S’investir dans la restauration des terres pour freiner l’avancée de la désertification
Entretien réalisé par Christian Losambe, SJ – Cité du Vatican
La Journée mondiale de lutte contre la désertification et la sécheresse marque également le 30e anniversaire de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification, le seul traité international juridiquement contraignant sur la gestion des terres et la sécheresse. À cette occasion, la cheffe de la communication, des relations extérieures et des partenariats de la CNULCD a souligné que l’Afrique a été, au cours de ces 30 années, l’un des grands partenaires de cette convention, et porte des solutions qui peuvent être applicables aussi bien sur le continent que sur le monde, en vue de lutter contre le phénomène de la désertification et de la sécheresse à l’échelle mondiale.
Que signifie aujourd’hui célébrer cette journée, dans un contexte où plus de 40% des terres de la planète sont déjà dégradées, affectant presque la moitié de l’humanité?
Effectivement, célébrer cette journée aujourd'hui signifie reconnaître l'urgence et l'ampleur des défis liés à la dégradation des terres. En effet, près de la moitié de la planète et près de la moitié de la population mondiale sont déjà affectées par ces fléaux. Cela pèse le plus souvent sur les plus vulnérables, les petits agriculteurs, les femmes, les peuples autochtones. Et pour donner une idée de la perte des terres saines actuellement, chaque année nous perdons à peu près 100 millions d'hectares de terres à la dégradation. Cela correspond plus ou moins à la superficie de l’Égypte ou de la Mauritanie. Donc, c'est un objectif qui est effectivement très urgent.
La célébration de cette journée marque également le 30e anniversaire de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification. Que pourriez-vous dire de son application en Afrique?
Effectivement, aujourd'hui, on marque les 30 ans de l'adoption de ce traité vraiment historique et crucial, comme pour le monde, mais aussi pour le continent africain. C'est vrai que l'Afrique a été un des porteurs de cette convention à l'échelle internationale. C'était un des plus grands champions de notre convention au cours de ces 30 années. Et aujourd'hui, bien sûr, l'Afrique n'est pas épargnée par les phénomènes de la sécheresse, de la dégradation de terre et de la désertification, mais elle porte aussi des solutions qui peuvent être applicables comme sur le continent, mais aussi à travers le monde.
Quels pourraient être les défis ou les difficultés qui font que ces pays ont du mal à freiner l'avancée de ce processus de désertification?
Il y a bien sûr beaucoup de challenges. Premièrement, par exemple, c'est le contexte difficile auquel se confrontent plusieurs pays, mais aussi, bien sûr, les phénomènes de la pauvreté ou l'insécurité alimentaire qui sont très prononcés en Afrique. Par exemple, déjà sur le continent, environ 65% des terres arables ont déjà été soumises à la désertification. Donc, on a vraiment l'urgence d'agir, en Afrique comme partout ailleurs.
Mais aussi, comme je l'ai évoqué, l'Afrique a déjà mis en route plein d'initiatives et notamment une des plus grandes initiatives jamais vues dans le monde, c'est celle de la grande muraille verte qui est un projet ambitieux qui vise à reboiser et restaurer 100 millions d'hectares de terre dégradés d'ici 2030. Il y a 11 pays qui sont impliqués et cette initiative a inspiré d'autres pays au-delà de la région sahélienne. Donc nous sommes vraiment impatients de voir les résultats de ces projets aboutir à notre vision d'un monde qui, non seulement pourrait mettre fin à la dégradation des terres, mais restaurer également les terres et notre patrimoine naturel.
Le thème choisi pour cette journée, cette année, est «Unis pour les terres, notre héritage, notre avenir». Quelle stratégie pourrait être mise en place pour faire face à ce fléau, sans oublier les conséquences liées au changement climatique?
Le thème de cette journée est, en effet, un pont entre les générations. C'est vraiment une opportunité de s'unir à travers ces générations pour l'avenir de nos terres. Et donc, la restauration des terres permet de contribuer aux initiatives contre le changement climatique, aux initiatives qui ciblent la perte de la biodiversité.
En restaurant ainsi nos terres, on aide à avancer ses objectifs mondiaux et bien d'autres objectifs du développement durable. En outre, il est impératif de reconnaître que d'ici 2050, on aura 10 milliards d'habitants de notre terre et beaucoup d'entre eux auront besoin de ressources naturelles, notamment de la terre saine. De ce fait, ce qu'on investit aujourd’hui, c’est aussi pour notre avenir. Et comme on l'a vu à travers des régions et des pays différents, l'investissement dans la restauration des terres porte ses fruits. Pour chaque dollar investi, on a un retour, au niveau des bénéfices économiques et sociaux, à peu près de 30 dollars. Donc, c'est vraiment quelque chose qu'il faut aussi souligner.
Auriez-vous un dernier mot?
J'aimerais juste souligner l'importance de la jeunesse africaine en tant qu'acteur de changement majeur dans notre effort collectif pour restaurer les terres, pour faire résilience à la sécheresse. 70% de la population du continent africain n'a pas encore 30 ans. C'est vraiment la génération qui peut contribuer d'une manière très constructive à notre challenge collectif.
Et dans le cadre de cet engagement, l’on pourrait aussi créer des emplois pour des jeunes, améliorer la situation au niveau de l'exode rural, etc. En s'unissant donc pour l'avenir de notre terre, on pourrait aussi contribuer à beaucoup de sujets qui préoccupent nos sociétés actuellement.
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