Suicide assisté: le cardinal Nichols met en garde contre «un devoir de mourir»
Delphine Allaire – Cité du Vatican
Comme dans d’autres pays européens, ce débat met en lumière des questions cruciales sur la dignité de la vie humaine. Dans ce contexte sociétal tendu, le cardinal Vincent Nichols a écrit aux catholiques anglais et gallois à la veille de la présentation d’un nouveau projet de loi par la députée travailliste Kim Leadbeater à la chambre basse du Palais de Westminster. Concernant l'Angleterre et le pays de Galles, le texte examiné prévoit de permettre aux adultes éligibles atteints d'une maladie incurable de choisir de mettre fin à leur vie, et d'offrir de prémunir leurs proches contre les risques de poursuites. Ce à quoi le cardinal britannique émet trois points de vigilance invitant les catholiques à mobiliser l'opinion publique et le député de leur circonscription.
«Faites attention à ce que vous souhaitez», préconise Mgr Nichols, conscient que le projet de loi soumis au Parlement «sera soigneusement formulé», prévoyant «des circonstances claires et très limitées dans lesquelles il deviendrait licite d'aider, directement et délibérément, à mettre fin à la vie d'une personne».
«Ce qui est autorisé est souvent et facilement encouragé»
«N'oubliez pas que tous les pays où une telle loi a été adoptée ont clairement démontré que les circonstances dans lesquelles il est permis de mettre fin à une vie s'élargissent de plus en plus, rendant le suicide assisté et le meurtre médical, ou l'euthanasie, de plus en plus accessibles et acceptés», a déclaré le président des évêques catholiques d’Angleterre et du pays de Galles, reconnaissant que cette proposition de modification de la loi peut être une source de soulagement pour certains. «Mais elle suscitera beaucoup de craintes et de trépidations chez de nombreuses personnes, en particulier celles qui sont vulnérables et celles qui vivent avec un handicap», estime-t-il, soulevant un deuxième point d’attention. «Le droit de mourir ne peut devenir un devoir de mourir», s’inquiète l’archevêque de Westminster, constatant qu’une loi qui interdit une action est «clairement dissuasive»; or «une loi qui autorise une action change les attitudes»: ce qui est autorisé est souvent et facilement encouragé. «Une fois que l'assistance au suicide est approuvée par la loi, une protection essentielle de la vie humaine disparaît», affirme-t-il, citant les pressions exercées sur les personnes proches de la mort, de la part d'autres personnes ou même d'elles-mêmes, «pour qu'elles mettent fin à leur vie afin de soulager leur famille d'une charge perçue comme telle, d'éviter la douleur ou d'obtenir un héritage.»
Développement des soins palliatifs et souffrance humaine
Et le président de l’épiscopat britannique de mentionner «la nécessité et le devoir» d’améliorer les soins palliatifs, car il s'agit là selon lui «d'une véritable mort dans la dignité». Le cardinal Nichols est préoccupé par le fait que le changement radical de la loi tel que proposé aujourd'hui risque d'entraîner, pour tous les professionnels de la santé, une lente évolution de l'obligation de soigner vers l'obligation de tuer. Enfin, l’archevêque catholique a rappelé combien «l'oubli de Dieu rabaisse notre humanité» dans son troisième point. Ces questions intimement anthropologiques et existentielles ne peuvent être décorrélées, «pour la grande majorité de la population mondiale» qui a foi en Dieu, d’une conception de la vie «comme don du Créateur». «L'expression la plus claire de cette foi est que chaque être humain est fait à l'image et à la ressemblance de Dieu. C'est la source de notre dignité et elle est propre à la personne humaine. La souffrance d'un être humain n'est pas dénuée de sens. Elle ne détruit pas cette dignité. Elle fait partie intégrante de notre parcours humain, un parcours embrassé par le Verbe éternel de Dieu, le Christ Jésus lui-même. Il amène notre humanité à sa pleine gloire précisément par la porte de la souffrance et de la mort», a-t-il conclu, rappelant que «notre vie n'est pas notre propriété, dont nous pouvons disposer comme bon nous semble».
D'autres textes en préparation
Actuellement le suicide assisté est illégal au Royaume-Uni. Toute «aide» ou «incitation» est passible de 14 ans de prison. Le Premier ministre Keir Starmer avait annoncé en juillet dernier son soutien à une évolution de la loi. Un projet de loi sur le même thème, déposé par une ancienne ministre de la Justice travailliste, doit aussi être examiné en novembre à la Chambre des Lords.
En mai dernier, le Parlement de l'île anglo-normande de Jersey a aussi approuvé un projet visant à préparer d'ici 2027 un texte pour une aide à mourir ouverte aux malades en phase terminale. Il y a près de dix ans, en 2015, une précédente proposition visant à l'autoriser en Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande du Nord avait été largement rejetée par 300 votes contre 118.
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