Au Burkina Faso, le vivre-ensemble comme rempart contre le terrorisme
Marine Henriot – Cité du Vatican
Ceux sur place ont des difficultés à décrire la situation sécuritaire. Les groupes djihadistes sont multiples, d’entités liées à Al-Qaïda à groupuscules ayant fait alliance avec l’organisation de l’Etat islamique, et peuvent frapper n’importe où à n’importe quel moment. En témoigne l’horreur du massacre dans le village chrétien de Manni le 6 octobre: les terroristes ont coupé les réseaux de téléphonie mobile avant de se rendre dans le village et d’ouvrir le feu sur la population. Bilan: 150 morts et une population traumatisée.
Depuis la ville de Fada N’Gourma dans le nord-est, à 160 kilomètres de Manni, aux abords du parc national d’Arli, Ouagadougou, la capitale burkinabé, est la seule destination possible, c’est l’unique route sécurisée par des forces de l’ordre, détaille le père Bilimpo Etienne Tandamba, directeur de la radio diocésaine de Fada N’Gourma, joint sur place. Pour les autres destinations, les pistes ou routes sont polluées par les jihadistes. Ceux qui le peuvent rejoignent certains villages par hélicoptère, les autres annulent leur déplacement de crainte de croiser les jihadistes.
Le gouvernement burkinabé ne reste pas sans agir. Des volontaires pour la défense de la patrie (VDP) et les Forces de défense et de sécurité (FDS) sont déployées dans la région. Mais la guerre est asymétrique, rappelle le directeur de la radio diocésaine, et la population reste prise en étau dans les violences.
Une jeunesse qui grandit dans la violence
Au-delà d’un quotidien rendu difficile, le père Bilimpo est également inquiet pour la jeunesse de la région. Dans un pays où la moitié de la population a moins de 17 ans, la jeunesse grandit dans un climat de violence. «Je crains que la jeunesse ne finisse par s’endurcir, et ne connaisse plus ce sentiment de miséricorde, de pitié», soupire l’homme de radio, avant d’ajouter, «ces jeunes ont vu des morts, des cadavres, ils ont été complétement déplacés de leur cadre de vie».
Selon des chiffres des Nations unies, près de 2 millions de personnes sont actuellement déplacées dans le pays, soit 1 personne sur 20. Certains jeunes se trouvent obligés de quitter le pays, et trouvent refuge au Mali, Togo, Niger ou Côte d'Ivoire. En août 2024, le Burkina Faso comptait 67 000 exilés dans ces pays voisins.
La résistance du vivre-ensemble
Malgré ce climat de violence, le vivre-ensemble qui fait la fierté des Burkinabès résiste. Dans toutes les localités, le dialogue entre chrétiens et musulmans continue, explique le père Bilimpo, les citoyens ne font pas de raccourci entre islamiste et musulman, la «population est mature» salue-t-il, «Il y a cette harmonie entre chrétiens et musulmans, peut-être même plus forte qu'avant, tous ensemble contre les terroristes.»
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