La Fao engagée au Sahel contre l’insécurité alimentaire
Entretien réalisé par Françoise Niamien - Cité du Vatican
La célébration d'une Journée dédiée spécialement à l'alimentation revêt un intérêt crucial pour la communauté internationale. Elle est une occasion de sensibiliser à la sécurité alimentaire, en mobilisant les différents acteurs tels que les gouvernements, les ONG, même les citoyens, en vue d'attirer l'attention sur les défis qui sont liés à la sécurité alimentaire dans le monde.
Par aliments, l’on entend diversité, nutrition, prix abordables, accessibilité et sécurité. Une plus grande diversité d’aliments nutritifs devrait être disponible pour le bien de tous. Pourtant, environ 730 millions de personnes souffrent de la faim en raison de catastrophes d’origine naturelle ou anthropique, parmi lesquelles l’on retrouve les conflits, les dérèglements climatiques répétés, les inégalités et les récessions économiques. En outre, plus de 2,8 milliards de personnes n’ont pas les moyens de s’alimenter sainement. Ce qui constitue l’une des principales causes de toutes les formes de malnutrition. Cette année, la Journée mondiale de l’alimentation a pour thème «Le droit aux aliments au service d’une vie et d’un avenir meilleurs». Un thème qui rappelle le droit de chaque personne à une alimentation adéquate.
Dans un entretien accordé à Radio Vatican - Vatican News, Bintia Stenphen Tchicaya, représentante par intérim de la FAO au Libéria, fait une analyse de la situation alimentaire mondiale, portant son attention de manière plus spécifique sur le cas de l’Afrique de l’Ouest, qui est de plus en plus inquiétante à cause des conflits armés et des crises climatiques. Elle estime que «la communauté internationale est appelée à intensifier davantage ses actions en vue de pouvoir faire face à l’insécurité alimentaire mondiale».
Comment décrivez-vous la situation alimentaire aujourd'hui aux niveaux mondial, africain et particulièrement en Afrique de l’Ouest ?
La situation alimentaire actuelle est marquée par une instabilité accrue à l’échelle mondiale, et même régionale. Les efforts d’amélioration de la sécurité alimentaire doivent se concentrer sur la résilience face aux crises économiques et autres chocs, mais également face aux crises climatiques. Ils doivent répondre également aux besoins des populations vulnérables. De ce fait, la communauté internationale doit intensifier ses actions pour éviter que ces tendances néfastes ne se transforment en crise humanitaire majeure.
Au niveau mondial, 11,6 % de la population souffrent d'une insécurité alimentaire grave, avec des précisions indiquant que ce chiffre pourrait atteindre 943 millions d'ici 2025. Ce qui est vraiment ahurissant. La pandémie de la COVID-19, les conflits, notamment la guerre entre Ukraine et la Russie, ont exacerbé ces défis, entraînant une hausse de prix des denrées alimentaires. Toutefois, ces réalités perturbent principalement les chaînes d'approvisionnement.
En Afrique, les 58 % de sa population sont concernés par cette situation d'insécurité alimentaire modérée ou grave. Déjà en 2023, nous étions entre 713 et 757 millions de personnes qui étaient sous-alimentées au niveau du continent africain. Une situation d’insécurité alimentaire générée par les conflits persistants, les changements climatiques et une inflation élevée des crises alimentaires.
En Afrique de l'Ouest, plus particulièrement là où des épisodes d’inondations s’abattent sur la région, s’accroît le nombre de personnes en situation d'urgence alimentaire. Nous avons, par exemple, des crises alimentaires assez alarmantes dans les pays du Sahel central tels que le Mali, le Burkina Faso; un état de fait qui s’étend jusqu'au Soudan du Sud ou près de 5 millions de personnes, soit 40 % de la population souffrent cruellement de la faim.
Au regard de l’urgence alimentaire qui prévaut dans plusieurs parties du monde, nous pouvons en déduire qu'il est temps que les décideurs et la communauté internationale se mobilisent davantage afin d’éviter que la situation ne s'aggrave.
En ce qui concerne l’Afrique de l'Ouest, comment faire face à la situation alimentaire qui reste préoccupante, surtout au niveau du Sahel qui, en plus de la sécheresse, vit une grande insécurité du fait du terrorisme ?
Ce contexte préoccupant nécessite une véritable approche intégrée, qui inclue aussi bien une gestion durable des ressources que le renforcement de la sécurité. De ce fait, une collaboration internationale et même une éducation communautaire sont essentielles. Il nous faut également renforcer la résilience des communautés à travers des pratiques agricoles durables qui s'adaptent au changement climatique. Et cela inclut également l'utilisation des techniques de conservation des sols et d'irrigation efficaces pour maximiser la productivité malgré les périodes de sécheresse.
De même, il est important de diversifier des cultures en vue de réduire la dépendance à une seule source alimentaire. Nous savons qu'en Afrique de l'Ouest, beaucoup de pays consomment du riz. En conséquence, ce serait bien d'introduire souvent d'autres types de céréales, tels que le fonio et autres, qui peuvent contribuer également à améliorer la sécurité alimentaire. Aussi, avons-nous un point important, qui est la gestion de l'eau, et plus particulièrement l'accès à l'eau, une réalité cruciale et vitale pour l'agriculture et l'élevage dans les pays du Sahel.
Il est donc impératif d'améliorer l'accès à l'eau potable et d'investir dans des infrastructures hydro-agricoles pour une production de qualité des cultures ou même développer l'élevage. En outre, il y a des méthodes de stockage d’eaux pluviales, qui consiste à mettre en place des systèmes de collecte des eaux de pluie, qui peuvent aider également à résister aux effets de la sécheresse.
Maintenant, en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, il est important de créer absolument des opportunités économiques dans l’agriculture et l’élevage en faveur les jeunes sans emploi. Cela aiderait à réduire le désespoir économique qui pousse certains à se laisser recruter par les groupes terroristes. Il est aussi nécessaire aujourd’hui pour les pays du Sahel, de collaborer, de partager des ressources et de meilleures pratiques avec d'autres pays de la sous-région. Ce qui améliorait, à coup sûr, la sécurité alimentaire et la lutte contre le terrorisme.
Quelle est la réponse de la FAO face à l’insécurité alimentaire qui prévaut en Afrique de l’Ouest ?
La réponse de la FAO face à ce contexte repose sur une combinaison d'initiatives visant non seulement à renforcer la résilience des systèmes agroalimentaires, mais aussi à promouvoir une utilisation durable des ressources, en soutenant les petits producteurs et en collaborant étroitement avec les gouvernements locaux.
Nous avons des projets d'irrigation dans le Sahel qui sont en cours pour renforcer la productivité agricole. En outre, nous collaborons avec le gouvernement à travers un partenariat stratégique pour élaborer des stratégies adaptées aux besoins spécifiques de chaque pays. La FAO est en voie de développer un programme d'investissement pour chacun des pays, visant à établir les chaînes de valeurs prioritaires de chaque pays.
Nous allons essayer de développer des outils pour aider les États membres à mieux planifier leurs interventions, mais également à mieux gérer tout l'écosystème alimentaire, visant à toucher chaque chaîne de valeur, c'est-à-dire de la phase de production à la table. Et donc, il y a, au profit de ce programme, toute la gestion intégrée des ressources en eau, et la FAO met un accent particulier sur l'utilisation durable.
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