La Banque mondiale et le défi du soutien aux pays fragiles
Valerio Palombaro - Cité du Vatican
Ajay Banga, chef d'entreprise indien naturalisé américain, est depuis 17 mois président de la Banque mondiale (Groupe de la Banque mondiale), l'institution financière créée après les accords de Bretton Woods en 1945 dans le but de lutter contre la pauvreté et d'organiser l'aide aux pays en voie de développement. Dans une interview accordée aux médias du Vatican avant sa visite à Rome, le président Ajay Banga a décrit le travail de l'institution basée à Washington pour être une banque «meilleure» et «plus rapide» dans un scénario international complexe et changeant.
Reduire la pauvreté dans le monde
«L'une des premières choses que nous avons faites, explique Ajay Banga, a été d'élargir la vision de la Banque mondiale pour prendre en compte les défis interconnectés de la fragilité généralisée, des conflits, de la violence, des pandémies et du changement climatique, afin de réaliser que tous ces éléments posent des défis dans nos efforts de lutte contre la pauvreté». Selon le président, la Banque mondiale s'emploie donc à réduire le délai d'approbation des projets financés dans les pays les plus pauvres: «D'une moyenne de 19 mois, nous sommes passés à 16 mois et nous visons maintenant un objectif de 12 mois d'ici à la mi-2025. Dans certains cas, nous sommes déjà bien en deçà. Nous avons récemment approuvé cinq projets de santé dans autant de pays africains en moins de 100 jours et un autre projet similaire dans les îles du Pacifique en moins de 10 mois. Mais ce n'est pas seulement une question de rapidité. Nous progressons pour mieux travailler au sein de l'institution, entre les différentes composantes de la Banque et avec nos partenaires», souligne le président, qui estime que la Banque mondiale travaille désormais en étroite coordination avec les banques multilatérales de développement, telles que la Banque interaméricaine de développement, la Banque asiatique de développement et la Banque africaine de développement.
La création d'emplois pour les jeunes dans les pays en développement
La Banque mondiale a récemment conclu son assemblée annuelle à Washington à la fin du mois d'octobre et l'une des priorités qui en est ressortie est la création d'emplois pour les jeunes dans les pays en développement. «Il y a 1,2 milliard de jeunes vivant dans les marchés émergents qui entreront dans le monde du travail dans les 10 à 15 prochaines années et, dans le même temps, ces mêmes pays sont en passe de créer seulement 420 millions d'emplois, il y a donc un grand fossé: 800 millions de jeunes, qui seraient laissés pour compte», a-t-il affirmé. «Mais les prévisions ne sont pas une fatalité. Nous devons prendre soin des jeunes tout au long de leur parcours et leur assurer la dignité, l'espoir et la perspective d'un emploi» dans le cadre du défi global de «l'éradication de la pauvreté sur une planète habitable», a-t-il poursuivi.
La Banque mondiale, insiste le président, est une institution qui a tout ce qu'il faut pour rendre possible la création d'emplois. Et ce, grâce à la combinaison des leviers publics et privés dont dispose la Banque dans des secteurs décisifs tels que l'éducation, la santé et les infrastructures. «Nous finançons entre 60 et 80 milliards de dollars de projets par an, tous dans les pays émergents», précise-t-il, ce qui explique que la Banque mondiale ne se limite pas aux aspects purement financiers. «Elle partage les meilleures pratiques et les réussites sur la manière de mettre en œuvre des projets dans les pays en développement. C'est pourquoi nous avons créé les académies du savoir du groupe de la Banque mondiale pour les fonctionnaires et les hommes politiques des pays où sont menés des projets, afin qu'ils puissent apprendre les meilleures pratiques d'autres pays. Ainsi, les gouvernements peuvent mettre en œuvre des politiques favorables aux petites entreprises, par exemple dans l'agriculture, sans courir les risques d'un système réglementaire incertain. Entre 70 et 80 % des emplois dans tous les pays, y compris l'Italie, les États-Unis, la Chine et l'Inde, sont créés par des petites et moyennes entreprises, et ne sont pas générés par le secteur public mais par le secteur privé».
Un accent particulier sur le continent africain
Le président de la Banque mondiale souligne également l'importance accordée à l'Afrique, en particulier à cinq secteurs cruciaux pour la création d'emplois: les infrastructures, l'agriculture, la santé, le tourisme et l'industrie manufacturière. «L'Afrique souffre d'insécurité alimentaire, mais elle possède la terre et l'eau, alors qu'elle manque d'irrigation et de logistique. Si vous produisez des denrées alimentaires en Ouganda et que vous voulez les expédier en Angola, par exemple, vous devez les envoyer par bateau en Chine et les ramener ensuite, en contournant le cap de Bonne-Espérance parce qu'il n'y a pas de routes ni de chemins de fer». Un autre élément essentiel au développement de l'Afrique est l'électricité: «Sans électricité, observe-t-il, on ne peut rien faire. Quelque 600 millions de personnes en Afrique n'ont pas accès à l'électricité. Nous nous sommes engagés, avec des partenaires de la Banque africaine de développement et des organisations telles que la Fondation Rockefeller, à fournir de l'électricité à 300 millions de personnes d'ici à 2030». En ce qui concerne les soins de santé de base, «nous nous sommes engagés à atteindre 1,5 milliard de personnes dans le monde d'ici à 2030, dont une grande partie en Afrique», a-t-il déclaré. La Banque mondiale accorde également une attention particulière à l'agriculture. «Nous venons de prendre l'engagement, lors de notre récente réunion annuelle, de doubler le financement de l'entrepreneuriat agricole pour le porter à 9 milliards de dollars par an, afin d'aider les petits exploitants à se développer et à se connecter aux marchés agricoles».
Ajay Banga poursuit en soulignant que les 78 pays les plus pauvres du monde dépenseront cette année près de la moitié de leurs revenus en services liés à la dette, soit plus que ce qu'ils consacrent à la santé, à l'éducation et aux infrastructures. «Nous travaillons avec le Fonds monétaire international dans le cadre de ce que l'on appelle la table ronde mondiale sur la dette souveraine. Le grand changement de ces vingt dernières années, explique-t-il, est que la dette des pays émergents n'est pas seulement contractée auprès des pays occidentaux, mais aussi auprès d'autres États de manière bilatérale, comme la Chine et l'Inde, et auprès de nombreux prêteurs commerciaux. C'est pourquoi, au G20, nous avons créé un cadre commun pour nous attaquer ensemble à la question de la dette. Quatre pays africains - le Tchad, l'Éthiopie, le Ghana et la Zambie - ont accepté d'aller de l'avant dans le cadre de cette table ronde pour tenter de trouver un moyen de réduire le fardeau de leur dette. La Zambie et le Ghana ont plus ou moins achevé la restructuration de leur dette; l'Éthiopie est en train de le faire et le Tchad est un peu en retard. Il reste encore beaucoup à faire pour accélérer ce processus».
Le financements des projets de développement
La Banque mondiale est la seule institution à donner de l'argent à ces quatre pays africains depuis qu'ils ont rejoint le cadre du G20. «Nous leur avons donné 16 milliards de dollars au cours des quatre dernières années, dont environ la moitié sous forme de dons, sans paiements ni intérêts. Mais la Banque mondiale, avec le Fonds monétaire international, se concentre sur les États qui ont des problèmes temporaires de liquidité parce que le taux d'intérêt auquel leur dette est réévaluée est très élevé, et sur les pays pauvres en général», explique t-il.
L'un des leviers utilisés dans ces cas est l'aide fournie par l'Association internationale de développement (Ida), un organisme de la Banque mondiale qui accorde des subventions ou des prêts à un taux d'intérêt proche de zéro en échange de réformes convenues. «Il y a actuellement 78 pays, explique-t-il, qui reçoivent de l'argent de l'Ida. Il s'agit d'un financement très pratique. En outre, nous mettons notre expérience à la disposition des pays bénéficiaires: par exemple, nous pouvons déjà partager avec au moins vingt autres pays les meilleures pratiques en matière d'infrastructure numérique publique recueillies en Inde. Le troisième élément est d'ordre financier, car en tant qu'institution, nous bénéficions d'une notation triple A. Nous pouvons prendre chaque dollar qui nous est donné par nos donateurs et le multiplier sur le marché obligataire privé en levant des obligations à un prix très raisonnable de 3,5 à 4 dollars par dollar. Cela signifie que si nous collectons 20 milliards auprès des donateurs, nous pourrons les convertir en 80 à 100 milliards de prêts en trois ans».
Au fil des ans, pas moins de 35 pays sont passés du statut de bénéficiaires du financement de l'Ida à celui de principaux donateurs. «Les gens oublient que la Corée du Sud a bénéficié de l'aide d'Ida, tout comme la Chine, l'Inde et la Turquie». Et «ce sont des exemples de réussite qui montrent que cette aide est le meilleur investissement dans le développement», a-t-il conclu.
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