Démocratie déjà stable, le Botswana réussit un transfert pacifique de pouvoir
Stanislas Kambashi, SJ – Cité du Vatican
Les résultats des élections présidentielles du 30 octobre au Botswana étaient connus deux jours après. Pour la première fois dans l’histoire de ce pays d’Afrique australe, l’opposition a remporté la victoire devant le Botswana Democratic Party (BDP), parti qui a dirigé le pays depuis l’indépendance en 1966. La défaite a été publiquement reconnu par le président sortant Mokgweetsi Masisi. Du parti Umbrella for Democratic Change (UDC), Duma Boko devient ainsi le sixième président de ce pays. Pour Phalana Siya, économiste et analyste politique botswanais, ce changement est perçu comme l’inauguration d’une nouvelle aube pour ce pays qui, pendant environ 60 ans n’a connu qu’un seul régime politique.
Un tournant historique pour la politique du Botswana
Tout le présageait. Il n’y a jamais eu autant d’électeurs inscrits dans l’histoire du pays. Environ un million deux cent mille électeurs inscrits sur une population totale de deux millions cinq cent mille habitants, ce qui est un record par rapport aux scrutins précédents. Il s’agit en effet d’un tournant historique pour la politique du Botswana, a affirmé Phalana Siya, expliquant qu’avec le nouveau président, les espoirs d'avenir du peuple botswanais étaient ravivés. En effet, ce changement survient à un moment où l'économie du pays connaît sa pire performance jamais vue, avec un taux de croissance du PIB de 0,5 %. Le taux de chômage est d'environ 30% et se concentre principalement parmi les jeunes. Par ailleurs, les finances du pays ont connu une faillite sans précédente, avec des rumeurs de corruption de la part du gouvernement. Les fonds de réserve nationaux ont connu une forte baisse au cours des 10 dernières années. Pour un pays connu pour sa grande prospérité économique, des tels changements ont été vite ressentis. La population était donc décidée à voter pour un changement politique, a déclaré Phalana, affirmant que l’avenir s’annonçait prometteur. En effet, Duma Boko et son parti ont promis de changer pour le mieux la vie de chaque botswanais.
Des défis multiples à relever
Si beaucoup d’espoir sont mis dans l’Umbrella for Democratic Change, ce parti n'a par ailleurs jamais été au pouvoir, ce qui peut faire susciter des doutes sur leur expérience et la préparation à gouverner. Par ailleurs, les défis à affronter sont majeurs. Il s’agit notamment de relever l’économie tombée en faillite au cours d’une période de récession mondiale. Redonner confiance à l’opinion publique après la méfiance née au cours des 15 dernières années entre la population et le gouvernement sortant, accusé de corruption. Réduire l'écart d'inégalité des revenus existant actuellement au Botswana, ce qui, selon Phalana Siya, ne devrait pas être le cas pour un pays avec une petite population de deux millions cinq cent mille habitants, vue sa taille géographique et ses en ressources naturelles et minières dont la majorité reste encore inexploitée. Aussi, tandis que le PIB par habitant est estimé à 8 000 dollars américains, la personne moyenne vivant au Botswana ne gagne pas autant par mois, à l'exception de quelques élites et de 1 % de la population. Le nouveau président doit donc veiller à ouvrir des opportunités économiques et commerciales pour l’ensemble du Botswana. Cela étant, les 100 premiers jours de travail vont être très ardus, car tout en travaillant, les nouveaux gouvernants devront apprendre comment fonctionne la machine du gouvernement.
La démocratie au Botswana, une réalité soutenue par la culture
Le Botswana est réputé être une démocratie stable. Cette notoriété a été confirmée avec cette passation pacifique du pouvoir d’un camp à un autre. Le président sortant a même félicité l’UDC pour sa victoire. Ce qu’on puisse espérer, c’est que cette stabilité soit maintenue par le nouveau régime au pouvoir. Telle est la foi de Phalana, convaincu que la démocratie serait connaturelle au peuple botswanais, «un peuple pacifique qui n’aime pas la violence». «Nous n’avons jamais connu de guerre ni d’effusion de sang dans notre pays, pas même au moment de l’indépendance. Il y a un dicton dans ma langue maternelle appelé Setswana qui dit "Ntwa kgolo ke ya molomo", ce qui se traduit par: le plus grand combat que l'on puisse avoir avec quelqu'un est celui d’échange de mots», a-t-il déclaré. Selon lui, ce proverbe exprime toute une disposition intérieure des botswanais, celle de la diplomatie et de la démocratie. Le Botswana vient encore une fois de servir d’exemple de transition pacifique du pouvoir d’un parti à l’autre, dans un continent et un monde où les violences post électorales sont récurrentes.
Des pistes de solution pour relancer l’économie botswanaise
Le pouvoir sortant a été accusé d’avoir entretenu une économie morose. Selon Phalana Siya, pour pouvoir relancer l’économie, le nouveau gouvernement doit mettre un terme aux fuites financières qui saignent les coffres de l’État. Ceci, a-t-il avancé, permettrait d’accumuler des capitaux pour le pays, impulsant ainsi la relance de l’économie. Il a, par ailleurs, évoqué la nécessité de se situer dans la situation mondiale caractérisée par une récession économique induite par le Covid-19. Selon Phalana, le monde n’est pas encore sorti pas des conséquences de cette pandémie. Dans une telle situation, il est plus probable qu’improbable que les gens réduisent leurs achats de produits ou de services de luxe, a-t-il avancé, faisant référence aux deux principales sources de revenue de leur pays, notamment l’industrie diamantifère et les activités touristiques. L’espoir est donc que la situation s’améliore au cours de l’année à venir, a-t-il fait savoir. Par ailleurs, l’économiste a insisté sur la nécessité pour le gouvernement de diversifier pleinement l'économie, non-seulement pour prévenir des telles situations, mais aussi pour augmenter les opportunités de travail, encourageant l'innovation, la recherche et le développement de nouvelles avancées technologiques.
Des politiques de croissance macroéconomique pour la prospérité
La jeunesse, c’est-à-dire la tranche d’âge de 18 à 35 ans, a joué un rôle majeur dans le renversement politique qui a eu lieu au Botswana. L’une de leurs grandes motivations à rechercher une modification du paysage politique de leur pays est le niveau de chômage que connait le pays, situation touchant davantage les jeunes. La majorité de ces chômeurs est constituée des personnes qualifiées et compétentes, titulaires de diplômes d’enseignement supérieur et universitaire, a signalé Phalana Siya. Selon cet analyste, pour palier à cette situation, il faut promouvoir à la fois des investissements directs locaux et des investissements directs étrangers. Ceci, affirme-t-il, permettrait d’injecter des capitaux dans l’économie de manière à permettre au secteur privé de prospérer. Un tel plan donnerait aux mêmes chômeurs des opportunités de démarrer des entreprises et de créer des petites et moyennes entreprises dans lesquels tout le monde peut risquer et trouver de l’emploi selon des secteurs diversifiés. Phalana évoque également la nécessité de préserver de bonnes relations commerciales avec les partenaires pour favoriser la croissance économique, et tirer parti de l’accord sur la zone de libre-échange continentale africaine, qu’il considère comme un potentiel et une opportunité pour tout le continent.
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