Au Gabon, un référendum pour voter une nouvelle Constitution
Stanislas Kambashi, SJ – Cité du Vatican
Ce projet de Constitution est rédigé par les autorités de transition du coup d’État du 30 août 2023. Ce référendum est un moment historique pour refonder un Gabon nouveau, sur base des valeurs d’éthiques, estime l’analyste politique gabonaise Lysiane Neyer, également secrétaire nationale aux Médias et porte-parole du parti «Pour le changement» (PLC). Dans une interview accordée à Radio Vatican–Vatican News, elle appelle tout Gabonais inscrit sur les listes électorales à accomplir ce devoir patriotique, car la victoire ne sera pas celle d’un camp, mais de la démocratie. Elle pense, par ailleurs, que ce vote est un moment historique pour refonder un Gabon nouveau, sur base des valeurs éthiques. Entretien.
Quels enjeux présente ce référendum pour le Gabon en ce moment?
Ce référendum est un premier test pour les autorités qui conduisent la transition au Gabon. Ils ont fait le coup d'État le 30 août 2023 avec comme promesse la restauration des institutions. Et cette restauration passe par la revue de certains textes qui constituent le corpus juridique du Gabon, et ils ont proposé une constitution qui est soumise au vote direct des populations. Donc l'enjeu principal de ce référendum, c'est de savoir est-ce que ce projet de constitution-là reçoit l'assentiment de la majorité des gabonais ou, au contraire, il faut prendre le temps de travailler encore pour l’amender ou le peaufiner davantage. Cette constitution qui est la mère des lois, la colonne vertébrale qui va régir le fonctionnement de l'État, est un texte fondamental pour toute nation démocratique. Donc l'enjeu est de recueillir le maximum de voix, que ce soit pour le oui ou pour le non, pour éviter par la suite des blocages qui pourraient subvenir si les scores étaient très très serrés entre les deux camps.
Vous venez de souligner l'enjeu de ces votes. Pensez-vous que le oui a la chance de l’emporter sur le non?
Je n’aurais pas la prétention de faire des estimations, je ne suis pas un institut de sondage. Je pense que chaque camp a présenté des arguments valables et qu'il va falloir que chaque citoyen fasse l'effort de se prononcer, en tout état de cause, sur le oui ou le non, sachant que dans tous les cas c'est la démocratie gabonaise qui va en sortir renforcée.
Estimez-vous que les Gabonais sont assez préparés et voteront en sachant ce qui est dit dans le texte, en connaissance des causes?
Il est vrai que le temps entre la publication du texte et la tenue du référendum a été assez court, mais je pense que les équipes du oui et du non se sont suffisamment déployés sur le terrain, que cette constitution a suffisamment animé les débats, qu'ils soient officiels ou officieux. Donc je pense que les citoyens gabonais pourront se prononcer objectivement sur le oui ou sur le non, notamment en ce qui concerne les articles principaux de cette constitution.
La nouvelle loi fondamentale est le fruit des contributions récoltées lors du dialogue national qui s'éteint en avril et consacre entre autres un mandat de 7 ans renouvelable une seule fois avec un régime présidentiel doté d'un pouvoir fort, sans premier ministre et l'impossibilité d'une transmission dynastique du pouvoir. Estimez-vous que ceci est de nature à aider le Gabon pour son avenir?
Cette constitution peut nous emmener à avoir des lendemains meilleurs. Déjà, en ce qu'elle consacre pour la première fois la limitation de mandat, c'est une première au Gabon. Le mandat de 7 ans en soi ne pose pas de problème parce que nous sommes un pays en voie de développement. Les chantiers infrastructurels sont énormes et il faut laisser le temps au chef de l'exécutif de poser les jalons et les projets qui compte. Nous avons observé qu’en Afrique, la plupart des pays qui ont des mandats de 5 ans se retrouvent à vouloir rajouter un troisième mandat justement par ce que cette durée de 10 ans pour des pays où tout est encore à faire me paraît assez courte. Donc, ce mandat de 7 ans, je pense qu'il est bien calibré et avec la limitation de deux mandats, je pense que ça garantit à ce que le chef de l'exécutif donne le meilleur de lui-même sachant qu'il est limité dans le temps et qu'il a le devoir de réussite, en fait de son action.
L'opposition, notamment la plateforme «Ensemble pour les Gabons» de monsieur Alain-Claude Bilié-By-Nze, dernier chef du gouvernement sous Ali Bongo, appelle à dire «Non à la légalisation du coup d'état dans la constitution, non à un mandat des sept ans et non à un président roi du Gabon». Pensez-vous que cette voix peut se faire entendre?
Oui, nous sommes en démocratie, donc ils ont leurs mots à dire et, certainement, ils ont leurs arguments à faire entendre. Par contre, je ne suis pas d'avis qu'on consacre un roi à président. Dans cette constitution, il y a quand même la neutralisation des pouvoirs. Le président, quoi que chef de l'exécutif, et ne référant pas un premier ministre a quand même l'exécutif qui pose des questions, qui suit l'exécution budgétaire, etc. Et non, nous ne consacrons pas à un président roi. Par contre, il faut le saluer que, pour la première fois, dans notre Constitution, nous avons mis des verrous, que ce soit sur la limitation de mandat ou le fait de ne pas avoir de succession dynastique à la tête du pouvoir, comme ça a été le cas dans la sous-région, ce sont des premières qui sont à saluer. Effectivement, cette constitution sera mise à l'épreuve de son exécution, et à ce moment-là, si dans l'exécution nous nous rendons compte qu'il y a des écueils, elle pourra toujours être modifiée. Et aussi pour la première fois, cette constitution ne pourra être révisée que par un référendum. Donc le pouvoir est vraiment donné au peuple de s'exprimer. Par contre, j'appelle toutes les forces libres de la nation à rester mobilisées. Si les syndicats sont mobilisés, toutes les classes, les groupes de pression sont mobilisés, ce sera difficile qu'on ait un président-roi. La responsabilité revient au peuple parce que nous sommes une république et le pouvoir appartient au peuple de veiller à ce que l'État fonctionne convenablement. Et vu que le mandat est limité, même si on a un président-roi, il ne sera roi que pendant un laps de temps bien défini, ce qui n'était pas le cas dans toutes les autres constitutions qui ont été validées par ces mêmes acteurs politiques.
En parlant des écueils, quelles sont les limites, les points faibles de cette constitution, selon vous?
Comme points faibles qui peuvent être relevés, il y a un sujet particulièrement qui me tient à cœur, celui de l'école publique. Dans cette constitution, il n'est pas clairement dit que l'école, la responsabilité de l'éducation revient au pouvoir public. Il n'est pas clairement mentionné que l'école est obligatoire jusqu'à 18 ans ou 16 ans en République gabonaise. Il y a par contre un article qui est consacré au financement des établissements privés. Pour moi, c'est un sujet qui me touche particulièrement parce que l'éducation est la base de l'édification de citoyens conscients, des citoyens qui peuvent influencer sur la gestion du pays. Le Gabon est un petit pays de deux millions d'habitants, nous ne pourrons nous démarquer dans le concert des nations que par l'excellence que nous allons avoir dans tout ce que nous allons faire. Pour moi, l'absence de ce principe-là dans la Constitution est quelque chose qui me tient à cœur. C'est un sujet fondamental, qu'on n'a pas pu aborder de manière suffisamment profonde dans ce projet de constitution. Mais toujours est-il que ce sont des articles qui peuvent être modifiés et qui pourront être modifiés par la suite et qui ne constituent pas un blocage au fait de voter oui.
Transition, le général Brice Oligui Nguema a promis de rendre le pouvoir aux civils au terme d'une transition de deux ans. Selon vous, cela pourra être possible si la nouvelle loi fondamentale était votée?
Bien sûr, cette constitution consacre les principes d'éligibilité du président et tout Gabonais qui sera jugé éligible selon ses critères sera habilité à concourir et à ce moment-là c'est le peuple souverain qui décidera qui sera le président élu du Gabon. Donc, pour moi, commencer à faire des procès d'intention à x ou à y, ce n'est que de calculs politiciens. Les critères de d’éligibilité sont bien définis dans la Constitution et tout Gabonais qui répond à ces critères à la possibilité de concourir et de solliciter les suffrages des citoyens. Et c'est le peuple souverain qui décidera de qui sera habilité à conduire les destinées du Gabon pour les sept prochaines années.
Quel appel lanceriez-vous à vos compatriotes au moment de ce vote?
Je lance un appel aux populations gabonaises, aux électeurs, ceux qui sont sur les listes électorales, nous sommes appelés à nous prononcer sur un tournant de notre histoire. Allons massivement dans les bureaux de vote et votons en conscience que ce soit pour le oui ou pour le non. Il n'y aura pas un camp qui sera vainqueur et un camp qui sera perdant, non. Il n'y aura que la démocratie qui aura triomphé et nous devons cet élan et ce courage et cet amour à la patrie gabonaise qui nous a vu naître, à laquelle nous devons tout. A la classe politique gabonaise, je lancerai un appel à la responsabilité. Le Gabon ne s'arrêtera pas après ce référendum, peu importe le camp qu'il emportera, que toutes les forces vives de la nation restent mobilisées avec pour credo le patriotisme et l'excellence dans tout ce que nous faisons pour le bien-être commun, que chacun joue sa partition en sachant que nous n'avons que Dieu, nos ancêtres et la loi comme seule autorité, que chacun soit gardien de cette constitution dans chaque parcelle qu'il aura à gérer et que les mauvaises pratiques qui hier, plus que des personnes ou plus que des partis politiques ont voulu nous tirer vers le bas, que nous prenions ce moment historique pour refonder nos façons de faire, nos pratiques, que nous mettions plus d'éthique et plus de valeur dans la gestion de la chose publique, parce que le Gabon, uni et solidaire, a besoin que les acteurs politiques prennent leur responsabilité et surtout qu'ils fassent preuve d'éthique et de morale dans la gestion des affaires publiques.
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici