La Fao pour une plus grande protection sociale en Afrique de l'Ouest
Entretien réalisé par Françoise Niamien - Cité du Vatican
L’édition 2024 de la réunion de l'équipe multidisciplinaire (MTD 16) a porté sur le thème: «Synergie entre les acteurs: une protection sociale dynamique pour renforcer la résilience et assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique de l'Ouest».
Cette réunion de l'équipe multidisciplinaire, qui constitue une plateforme vitale pour le dialogue, a réuni le Bureau sous-régional de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) pour l'Afrique de l'Ouest, les bureaux de pays, les gouvernements, les communautés économiques sous-régionales, les institutions spécialisées, la société civile et le secteur privé. La MTD 16 a été l’occasion pour les participants d’avoir des discussions critiques et de partager leurs expériences sur des questions cruciales concernant la transformation des systèmes agroalimentaires résilients, inclusifs et durables dans la région de l'Afrique de l'Ouest, avec un accent particulier sur le rôle stratégique de la protection sociale dans la conduite de cette transformation.
Dans un entretien accordé à Vatican News, Bintia Stephen Tchicaya, fonctionnaire principale chargée des politiques au Bureau sous régional de la Fao pour l’Afrique de l’Ouest et représentante par intérim de la FAO au Liberia a situé les enjeux de cette rencontre annuelle, tout en faisant l’état des lieux de la protection sociale en Afrique de l’Ouest.
Que faut-il comprendre par protection sociale?
La protection sociale est un instrument fondamental dans nos efforts pour relever les défis complexes auxquels sont confrontées les populations rurales en Afrique de l'Ouest et au Sahel.
Elle favorise un développement inclusif et durable. C’est bien ce qui a justifié le choix de l’édition 2024 de la réunion de l'équipe multidisciplinaire, qui a porté sur le thème: «Synergie entre les acteurs: une protection sociale dynamique pour renforcer la résilience et assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique de l'Ouest».
Grâce à la protection sociale, ses fonctions préventives, protectrices, mais aussi promotrices, et même transformatrices sont cruciales pour lutter contre les causes profondes de la pauvreté et de la vulnérabilité, surtout en milieu rural.
En quoi consiste cette protection sociale?
La protection sociale, est vue sous différentes formes. Nous avons par exemple, des transferts monétaires, c'est-à-dire une petite subvention attribuée aux populations rurales qui leur permet non seulement de produire mieux, mais également de subvenir à leurs besoins nutritionnels.
Nous avons également le programme de cantine scolaire qui offre aux enfants au moins un repas par jour. C’est donc un programme assez bénéfique pour la petite enfance. En outre, nous avons la distribution des intrants aux petits producteurs, en vue de la réduction du coût de production. Toute chose qui leur est bénéfique à plusieurs niveaux: une meilleure production et vente. Ce qui leur permettra de subvenir au mieux aux besoins de leur famille, en particulier les besoins nutritionnels.
De ce fait, nous voulons ici insister sur le fait qu'un programme de protection sociale est un investissement dans le capital humain. Il ne doit pas être considéré comme une dépense, mais plutôt un investissement dans le capital humain, puisque cela permet à nos pays d'avoir des populations en bonne santé et qui ont la capacité de réellement contribuer et effectivement à l'économie de leur pays.
Peut-on vraiment parler de protection sociale pour ces populations de l'Afrique de l’Ouest?
La situation actuelle en Afrique de l'Ouest est que les gouvernements dédient moins de 1 % de leurs économies à la protection sociale, ce qui ne permet pas l’élargissement des mécanismes de protection sociale à toute la population. Et les plus impactés, ce sont les travailleurs ruraux, qui n'ont aucune forme de protection sociale, et souvent, quand il y a des crises ou des chocs, ils sont les premiers à être affectés. L’accès à la protection sociale n’est pas automatique surtout pour les populations en milieu rural.
Nous voyons également que des programmes prioritaires, tels que les programmes de cantines scolaires ne sont pas systématiques dans les pays. En outre, l'accès à l'outil numérique, c'est-à-dire des registres d'agriculteurs et des plateformes électroniques pour faciliter l'accès à ces programmes n'est pas toujours acquis dans les pays.
Dans ce sens, nous saluons la tenue de la MTD16 qui nous a permis de porter nos réflexions sur ces sujets, pour savoir quelles sont les difficultés particulières au niveau de chaque pays ouest africain, mais aussi d'informer les pays sur l'engagement de la FAO dans le sens de la protection sociale.
Nous entendons aider les différents gouvernements à se doter d'un meilleur système de protection sociale qui devra être plus inclusif et capable éventuellement de répondre aux chocs, tout en étant étroitement lié au secteur agricole et aux systèmes alimentaires.
Quels sont aujourd'hui les grands défis à relever pour assurer une meilleure protection dans les zones rurales en Afrique de l’Ouest?
Les principaux défis sont le renforcement de la résilience face aux impacts climatiques, mais également pour assurer son inclusion et sa durabilité.
Il faut élargir la couverture de la protection sociale au monde rural et de même promouvoir les programmes de cantine scolaire et développer des registres d'agriculteurs afin de mieux les connaître et de connaître leurs besoins afin de pouvoir renforcer leur résilience face aux impacts climatiques. Ce qui pourrait aider à avoir une large portée sur l'extension des instruments de protection sociale vers le financement climatique ou bien les pratiques agricoles durables.
Alors étant donné que l'investissement en matière de protection sociale au niveau de l’Afrique de l’Ouest est faible, nous encourageons les gouvernements à étendre l'espace fiscal à la protection sociale en la priorisant dans les différents programmes et projets que nous avons au niveau national.
Que retenir des recommandations fortes de cette réunion?
Pour ce qui est des recommandations, il faut savoir que les participants ont plaidé pour l'établissement d'un programme d'investissement régional afin de soutenir l'intégration de la protection sociale dans la transformation des systèmes agroalimentaires.
En outre, les participants ont demandé l'assistance de la FAO pour développer ce programme d'investissement, non seulement au niveau des différents pays, mais également au niveau des institutions sous-régionales, afin que tous les pays puissent en bénéficier et puissent s'en inspirer aussi en termes d'exemple.
Bien qu’il y ait 17 % la population africaine qui bénéficie d’une forme d’assistance sociale alors que la moyenne mondial est de 46 %, les participants ont, par ailleurs, insisté sur le fait que les politiques publiques liées au développement rural puissent intégrer cette composante de protection sociale.
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