La crèche pour orphelins de Bethléem, étoile d’espérance dans la nuit de la guerre
Delphine Allaire – Cité du Vatican
«Voici le signe qui vous est donné: vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire.» Le miracle de la Nativité se reproduit chaque jour à la crèche de Bethléem, grouillante de bambins rue Paul VI, à côté de l’hôpital français de la Sainte-Famille. Sous le regard maternel de trois admirables sœurs, des volontaires et d’autres employés, 45 orphelins, abandonnés, trouvés, ou placés, y grandissent, dès leurs premiers battements de cœur. Un âge tendre, des histoires de vie tortueuses. Les petits sont parfois récupérés dans des sacs sur le perron, enfants de filles-mères, d'incestes ou de viols comme cela peut encore se produire. La crèche les récupère et les élève avec un amour incommensurable, à la hauteur de leur grande vulnérabilité. Sœur Laudy Farès, Libanaise, travaillant depuis 17 ans à la crèche, les considère comme sa petite cohorte d’anges: «Ces enfants ont besoin d’amour maternel. Ils nous appellent ‘’maman’’ et nous nous attachons tant à eux. Leur départ après six ans est toujours déchirant. Ce sont nos anges gardiens, innocents et toujours souriants».
Le dernier nouveau-né est placé dans la crèche
Six premières années durant lesquelles ces enfants, privés de familles à la naissance, s’épanouissent mêlés à d’autres petits, recueillis par les services sociaux palestiniens ou ceux de la garderie qui retrouvent leurs parents chaque soir. Le mélange s’opère durant les jeux et activités, raconte sœur Aude-Marie, volontaire depuis mars 2023. «Notre plus petite est arrivée il y a quinze jours, elle avait à peine six jours. Moi je garde les tout petits pour leur apprendre à marcher, jusqu’aux premiers balbutiements». Si depuis mars, la religieuse venue d’un carmel espagnol s’est mise à l’apprentissage de l’arabe, elle constate joyeusement que «le langage du cœur» est universel. C’est le miracle de la crèche de Bethléem où les langues s’évanouissent devant la candeur de l’enfance. Cette touchante innocence se manifeste particulièrement à l’occasion de la fête de Noël dans l’institution, célébrée avec maints cadeaux, musiques, danses, et représentations de la Nativité, même si le respect de l’État musulman palestinien impose une immanquable discrétion sur la partie catéchétique. Selon une attendrissante coutume, le plus jeune nourrisson est déposé dans la crèche à la place de l’Enfant-Jésus, venu au monde à quelques mètres de la crèche, à la Grotte de la Nativité. «Quand le Christ s'est incarné, il s'est dépouillé de toute la sagesse, de tout toutes ces connaissances qu'il avait en Dieu. En fait, il s'est fait humble, tout petit et fragile», médite sœur Aude-Marie, reconnaissante de pouvoir vivre un an d’expérience dans cette crèche si particulière, «où l’on touche à la fragilité même».
L'âge de l'innocence
L’universalité du cœur, les sourires et la tendresse se heurtent toutefois à la réalité crue de la guerre depuis plus d’un an. Mais là encore, sœur Laudy parvient à maintenir l’innocence intacte. Aux passages des missiles dans le ciel, de l’odeur de gaz ou du bruit des avions qui interrogent les enfants, la religieuse, elle-même effrayée, protège ces petits en racontant des histoires. «Quand il y a des bombardements, on dit aux enfants que ce ne sont que des feux d'artifice ou qu’il y a une fête de mariage au restaurant d’à-côté. Nous, nous avons très peur, mais les petits pensent que ce sont des avions qui ramènent des cadeaux», sourit-elle en dépit des difficultés.
L’innocence suprême préservée coûte que coûte pour ces enfants, petits chrétiens et musulmans, la majorité d’entre eux, originaires de Jéricho, Naplouse, Hébron ou d’autres régions palestiniennes. «Pour l'instant, ils ne sont marqués ni par la rancœur, ni par les questions politiques, ni par les difficultés entre les uns et les autres. Ils se côtoient, chrétiens et musulmans et il n'y a aucun problème. C'est plus tard que viennent les problèmes. Ce que nous apporte la crèche, c'est de dire "c'est possible, cela existe" à petite échelle. Bien sûr, les enfants ont une joie que, peut-être, nous, les adultes, nous avons perdu. Une joie et une simplicité hors du commun», témoigne sœur Aude-Marie.
Le Christ veille sur la crèche
Cet îlot d’espérance ne survit que par les dons. La maison d’hôtes liée à la crèche a fermé depuis le 7 octobre 2023 et la disparition des pèlerins. La crèche ne vit aujourd’hui que de la charité de bienfaiteurs terrestres. «Nous nous en remettons à la Providence, qui ne nous a jamais fait défaut! Certes, nous vivons modestement, mais nous n’avons jamais manqué pour les enfants. Souvent, des personnes viennent offrir des choses aux enfants, un bienfaiteur téléphone et nous livre une semaine de pain», explique sœur Laudy, pleine de confiance. Nul doute que la Providence veille et pourvoit. Le Christ, né à quelques mètres de la crèche, semble avoir les yeux rivés sur elle. Comme lui, fait nouveau-né il y a plus de 2 000 ans, les enfants de Bethléem sont fragiles, mais leur destinée est irriguée par l’heureux message de renaissance, de renouveau, de lumière et de liberté apporté par le Sauveur.
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