Des élèves en classe en Syrie. Des élèves en classe en Syrie. 

La plus grande école chrétienne de Damas fête Noël dans l'espérance

Les écoles chrétiennes en Syrie ont fêté Noël avec les élèves, lundi 23 décembre, au dernier jour avant les vacances de Noël. Sapins, décorations et crèche ont été préparés, accompagnés de temps de prière, de partage, de chants et de danses.

Jean-Charles Putzolu – Cité du Vatican

À Damas, sœur Jihane dirige l’établissement scolaire al-Riyaha, la plus grande école, chrétienne de la capitale avec ses 1600 élèves, qui dès l’âge de trois ans, jusqu’à leurs 18 ans, font la plus grande partie de leur scolarité dans l’établissement. Chaque année, pour Noël, le rituel est le même, bien rodé. On décore les classes, les couloirs; on prépare une crèche et surtout, le dernier jour avant les vacances, on fait la fête et on consacre du temps aux autres. Ainsi, pendant que les plus petits sont occupés à chanter en classe, les plus grands organisent des opérations à caractère humanitaire dans leurs quartiers, et viennent en aide aux personnes isolées ou vulnérables.

Une préparation de Noël bousculée

Cette année cependant, les événements de début décembre et la chute du régime ont quelque peu chamboulé les habitudes. Les préparatifs de Noël étaient bien avancés, mais l’école a dû fermer pendant 10 jours pour des raisons de sécurité. Tout le monde craignait une explosion de violences ou des combats entre l’armée et les forces rebelles dans la capitale. En fin compte, et toute l’école s’en réjouit, la passation de pouvoir s’est faite sans effusion de sang.

Les craintes dissipées, les cours ont repris avec un premier objectif prioritaire: rattraper les cours perdus car à la rentrée de janvier, les plus grands affronteront des examens. Pas question toutefois de bâcler les préparatifs de Noël, Al Riyaha est une école chrétienne. Donc, tout le monde s’y est mis pour terminer les décorations et préparer la fête du lundi 23 décembre, dernier jour avant deux semaines de vacances, à laquelle participent les élèves et les enseignants. On chante, on danse, on jour, et «on mène aussi des actions humanitaires», raconte sœur Jihane Attalah, de la congrégation des Sœurs de la charité de Besançon et directrice de l’école. De fait, des personnes handicapés sont invitées à la fête et les élèves apportent aussi un soutien aux personnes isolées ou vulnérables. Malgré les bouleversements, soeur Jihane est heureuse d’avoir pu offrir de «la joie et (de) l'espérance à nos élèves et à nous nos enseignants». Quand on lui demande si cette année, elle a quelques raisons de plus d’espérer, elle répond sans détour: «sans l'espérance, il n'y a plus de vie . Surtout nous, en tant que peuple syrien, on est passé par plein d'épreuves: guerres, séismes, plein de choses. Et c'est toujours l'espérance qui nous a donné notre force». Elle ne dissimule pas son inquiétude pour l’avenir: «cette période est un peu ambiguë. C'est une raison de plus de vivre dans l'espérance, de vivre dans la confiance en Dieu seul».

Pardonner pour reconstruire

S’il faut hiérarchiser les priorités, sœur Jihane est lucide. Pour elle, tous les syriens ont un rôle à jouer dans la reconstruction du pays. Mais, «le premier pas à faire maintenant en Syrie, c'est le pardon». Bachar El-Assad était «un dictateur», n’hésite-t-elle plus à dire, «et ceux qui étaient autour de lui, avec lui, aussi». Ce regard sur le régime déchu ne peut justifier la vengeance; «notre rôle maintenant, c'est la réconciliation. On va vivre ensemble». Dans son esprit, il n’est pas non plus question de passer l’éponge. Elle souhaite que la justice fasse son travail et punissent les responsables des souffrances de la population depuis des décennies. C’est à la loi de faire justice, personne ne doit céder à une quelconque soif de vengeance qui risquerait faire plonger le pays dans une nouvelle guerre que les syriens ne peuvent pas se permettre. Plus de 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté et aspire à un avenir meilleur. D’ailleurs, c'est en effet vers ces personnes en grande détresse que sœur Jihane oriente ses pensées: «Je suis en contact avec des familles qui sont très pauvres, qui ont beaucoup souffert et qui souffrent encore parce que la vie est toujours très difficile». La religieuse souhaite «une vie plus digne» à toutes ces personnes. La directrice d’école y ajoute «le droit à l’éducation». Et pour son pays, elle souhaite que la Syrie «retrouve sa foi, retrouve sa dignité, retrouve sa paix».


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24 décembre 2024, 09:00