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Lundi 2 décembre, devant l'aéroport d'Alep, pris par les groupes armés. Lundi 2 décembre, devant l'aéroport d'Alep, pris par les groupes armés.   (ANSA)

En Syrie, «l’espérance est morte», déplore le nonce à Damas

En Syrie «l’espérance est morte» et la population n’a qu’une seule envie: «Fuir». Quatorze ans de conflit, la pauvreté extrême, les sanctions internationales, le tremblement de terre, et maintenant une nouvelle vague de tensions et de violences, commencent à peser sur le cœur également du cardinal Mario Zenari.

Entretien réalisé par Salvatore Cernuzio – Cité du Vatican

Depuis seize ans nonce à Damas, le cardinal Mario Zenari regarde avec préoccupation la prise d’Alep, le 30 novembre dernier. La deuxième plus grande ville de Syrie, pour la première fois, est totalement hors du contrôle du gouvernement de Bachar al-Assad et entre les mains des rebelles jihadistes. Il y a plus de 350 morts et déjà des milliers de déplacés.

Eminence, il n'existe pas de paix pour la Syrie…?

Malheureusement, on ne parlait plus de la Syrie depuis environ trois ans, elle avait disparu du radar des médias. Maintenant, on parle à nouveau d’elle avec ces évènements tragiques. Je suis en contact avec les communautés chrétiennes, les évêques, les prêtres, les religieux et les religieuses d’Alep pour voir comment la situation évolue. Dans certaines zones, c’est assez calme, mais c’est suspect. Il y a beaucoup de peur, les bureaux gouvernementaux ont disparu, tout comme l’armée, que l’on ne voit pas, il y a des groupes armés qui circulent et qui ont promis de ne pas s’attaquer à la population civile. Jusqu’à présent, il semblerait qu’ils aient respecté cela, mais les personnes ont quand même peur et se sont enfermées chez elles. Il y a quelques jours, ceux qui ont pu ont fui précipitamment en voiture vers d’autres villes de Syrie. On verra ce qui se passera les prochains jours, espérons que ce ne soit pas le pire…

Hier, le Collège Terra Sancta des franciscains a été bombardé. Heureusement, il n’y a eu aucune victime… Vous avez dit que l’assurance donnée était de ne pas toucher les civils, mais la population est-elle en danger?

On verra au cours des prochains jours. Tout est encore très incertain, l’inquiétude, la peur, l’incertitude règnent. Les évêques ont rassuré leurs fidèles qui restent à Alep, tout comme les prêtres, les religieux restés auprès des population. C’est un moment très difficile et incertain.

Craigniez-vous que la violence puisse se répandre au-delà d’Alep?

C’est difficile à prévoir. Comme cette prise d’Alep par des groupes armés a été un choc non seulement pour les habitants d’Alep mais également pour tous les Syriens, on ne sait pas ce que nous réserve l’avenir pour cette région pour la Syrie en général. On vit dans l’incertitude. D’autre part, tout le Moyen-Orient brûle et les cartes géopolitiques sont brouillées.

Que signifie tout cela pour les jeunes? Est-ce que cela provoquera une émigration?

C’est évident. Le nombre de déplacés internes a augmenté: ils sont arrivés et arrivent ici aussi à Damas et dans d’autres villes de la côte. Environ 7 millions, c’est le nombre déjà préoccupant des déplacés internes, qui augmentera certainement, tout comme le nombre de réfugiés. Rappelons que parmi les réfugiés des pays voisins, il y a environ 6 millions de Syriens. Entre ceux dans le pays et en dehors, la Syrie détient le triste record des réfugiés: environ 13 millions, plus de la moitié de la population. Ce nombre augmentera, c’est inévitable.

Désormais, la population a perdu espoir en l’avenir du pays, en particulier les jeunes. On ne voit pas de reconstruction, on ne voit pas de reprise économique, il n’y a pas de travail, donc l’unique souhait de la population, des jeunes, est de partir.

Eminence, hier l’Avent a commencé et l’Eglise universelle se prépare à vivre le Jubilé. Comment les chrétiens syriens vivront-ils cette période?

Malheureusement, ici l’espérance est morte, elle meurt, et dans certains cas elle est déjà enterrée. Espérons que le Jubilé, dont le thème est «Pèlerins d’espérance» puisse apporter une bouffée d’oxygène à cette population qui depuis 14 ans souffre de la guerre, de la faim, du manque de travail. Voilà la situation… L’unique souhait de la population, comme je le disais, est de fuir. Avec ces derniers évènements à Alep, ce souhait d’émigrer a augmenté.

Y-a-t-il un message que vous souhaitez transmettre à la communauté internationale?

Je voudrais dire à la communauté internationale qu’il est juste d’aider à résoudre les conflits, mais avant toute chose, il y a la prévention. Certains des derniers conflits qui ont éclaté dans le monde étaient prévisibles, il fallait agir avant. Au Moyen-Orient, en Ukraine… J’insisterais donc sur la prévention des guerres, sur le fait d’agir avant, sinon on agit quand les pots sont déjà cassés, ils sont par terre.

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02 décembre 2024, 15:36