En Syrie, «une brèche d'espoir s'est ouverte», estime le cardinal Zenari
Antonella Palermo - Cité du Vatican
Votre Éminence, quelles réactions avez-vous reçues et quelle valeur pensez-vous que la réunion a à ce stade pour le développement des relations entre les chrétiens et les autorités politiques qui ont pris le contrôle du gouvernement?
C'est un événement qui était inimaginable dans l'histoire de la Syrie jusqu'à il y a trois semaines. J'ai entendu quelques témoignages, les évêques et les prêtres présents sont sortis avec un peu d'espoir pour l'avenir de la Syrie. Ahmed al-Jolani a promis que ce serait une Syrie de tous, une Syrie inclusive, et à la fin il a souhaité un joyeux Noël et une année de paix. Je dois dire aussi que comme ces autorités religieuses arrivaient de partout et que celles d'Alep étaient un peu en retard, il a voulu attendre qu'elles soient toutes présentes : c'est quelque chose de particulier qui est de bon augure, je l'espère. Moi aussi j'ai eu l'occasion il y a une semaine de rencontrer le nouveau ministre des affaires étrangères, je suis aussi doyen du corps diplomatique, il a voulu me voir. Au niveau des dirigeants, nous nous comprenons, je dois dire, sur certains principes et valeurs fondamentales. Bien sûr, il faudra ensuite passer à l'action, passer des paroles aux actes. En tout cas, lors de la réunion d'hier et des autres réunions - à Alep, puis avec les chrétiens du centre et du sud - tous les évêques ont fait preuve d'un certain optimisme, mais certains chrétiens, surtout au début, étaient très craintifs. Beaucoup voulaient quitter la Syrie immédiatement. Nous espérons...
Quel est votre message à ces chrétiens?
J'ai tout de suite dit aux chrétiens: n'ayez pas peur, restez. Ce n'est pas le moment de quitter la Syrie, mais c'est le moment, aussi pour les chrétiens à l'extérieur du pays, de rentrer. Parce que nous devons être en première ligne; en tant que chrétiens, cette opportunité nous est donnée, au moins en paroles. Nous devons être présents dans la reconstruction de la nouvelle Syrie en proposant des valeurs de sauvegarde des droits de l'homme, de liberté, de respect pour tous. Malheur à nous ! Chacun est libre, mais en tant que nonce je demande cet engagement, je le demande surtout aux personnes qui peuvent apporter des contributions particulières. Bientôt commencera la rédaction de la nouvelle constitution: j'ai lancé un appel à ceux qui ont une certaine formation en droit constitutionnel, aux médecins, aux ingénieurs. Il est temps de se retrousser les manches. Je l'ai dit à tous les Syriens, et aux chrétiens au premier rang. Si un jour ils ne veulent plus de nous, espérons-le, nous leur dirons «au revoir». Mais nous devons être là.
Noël a-t-il été pour vous une période de véritable renaissance?
Noël a été célébré dans une atmosphère de joie, d'espoir. Mais aussi, dans certaines communautés, avec une certaine crainte. À cet égard, je voudrais dire que lorsque j'ai vu à la télévision le Pape ouvrir la Porte Sainte à Saint-Pierre, j'ai pensé au fait qu'en Syrie, jusqu'à quelques semaines auparavant, l’espérance était morte, enterrée. Et moi, à l'approche de l'ouverture du Jubilé, j'ai toujours fait remarquer que dans le cœur de tant de personnes, en Syrie, il n'y avait pas de vision d'avenir. Soudain, de manière tout à fait inattendue, cette espérance enfouie est en quelque sorte réapparue et une brèche s'est ouverte. Une grande porte d'espérance, comme celle de la basilique Saint-Pierre, ne s'est pas ouverte, mais c'est une brèche, une ouverture. C'est déjà quelque chose.
Les portes des prisons syriennes ont été ouvertes pour que la communauté internationale puisse constater les dégâts de la violation continue des droits de l'homme par le gouvernement Assad. Quels sont vos sentiments?
Une grande tristesse, une grande tristesse. C'est émouvant. Nous avons également célébré Noël sur des charniers. Ces horreurs étaient connues. Il était presque impossible de faire quoi que ce soit, mais il fallait essayer. Ces portes de l'horreur qui se sont ouvertes posent aussi un examen de conscience à chacun d'entre nous, à la communauté internationale: on aurait pu faire plus pour éviter toute cette douleur. Mais il y a aussi aujourd'hui une certaine peur. Si l'on se réfère au thème de la Journée de la Paix d'aujourd'hui, ce thème fait réfléchir car le risque est grand de tomber dans la spirale de la vengeance et des exécutions sommaires. Malheur à ceux qui tombent dans cette spirale. Il y a matière à réflexion, y compris de la part de la communauté internationale. La justice doit être régulière, juste.
Le Pape remercie ceux qui, dans les zones de conflit, œuvrent pour le dialogue et les négociations. Au regard de l'expérience syrienne et plus généralement du contexte du Moyen-Orient, avez-vous envie de remercier à votre tour?
J'ai eu par la providence, au cours des seize années que j'ai vécues en Syrie, au milieu d'un conflit sanglant, l'occasion de voir beaucoup de bons samaritains, des personnes de foi et de toutes les confessions religieuses. Des personnes animées d'une conception hautement humaine de la dignité de la personne. Beaucoup d'entre eux ont perdu la vie, ont été tués en venant en aide à d'autres. Nous devons nous souvenir d'eux, nous avons un grand devoir de reconnaissance.
Un appel pour la protection des femmes...
Je sais que parmi les points que les chrétiens, mais pas seulement eux, veulent sauvegarder dans la nouvelle constitution, il y a celui-ci, sur lequel nous devrons travailler. Je voudrais également lancer un autre appel. Face à ces belles promesses, la communauté répète des expressions telles que «attendez et voyez». Je l'ai changée, je ne l'aime pas trop, mieux vaut travailler et voir.... Si l'on répète qu'il faut attendre pour envoyer de l'aide, pour lever les sanctions, je dirais non. J'ai envie de lancer une grande invitation à la communauté internationale: travaillez ! C'est une paix très, très fragile pour la Syrie. Un moment très délicat. La paix est un don de Dieu que nous ne pouvons pas construire, mais saint Paul VI a dit : le nom de la paix, c'est le développement. Une Syrie détruite, avec une économie qui s'effondre, des infrastructures endommagées, la moitié des hôpitaux qui ne fonctionnent pas, des écoles détruites, des gens qui ont faim, qui n'ont pas d'électricité... Si nous voulons la paix en Syrie, nous devons assurer le développement. Si nous voulons la paix en Syrie, nous devons assurer le développement. Le nouveau nom de la paix est le développement pour aider la Syrie à se tenir debout et à marcher sur ses deux pieds.
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