Voeux à la Curie: le texte intégral du discours du Pape François
Discours à la Curie Romaine
Noël 2017
Chers frères et sœurs,
Noël est la fête de la foi dans le Fils de Dieu qui s’est fait homme pour redonner à l’homme sa dignité filiale, perdue à cause du péché et de la désobéissance. Noël est la fête de la foi dans les cœurs qui se transforment en mangeoire pour le recevoir, dans les âmes qui permettent à Dieu de faire germer, du tronc de leur pauvreté, le rejeton d’espérance, de charité et de foi.
C’est aujourd’hui une nouvelle occasion de nous échanger les vœux de Noël et pour vous souhaiter à tous, à vos collaborateurs, aux représentants pontificaux, à toutes les personnes qui prêtent service à la Curie et à toutes les personnes qui vous sont chères un saint et joyeux Noël et une heureuse Année nouvelle. Que ce Noël nous ouvre les yeux pour abandonner le superflu, le faux, le mauvais, le factice, et pour voir l’essentiel, le vrai, le bon et l’authentique. Vraiment, tous mes vœux !
Chers frères,
Ayant parlé précédemment de la Curie ad intra, je désire cette année partager avec vous quelques réflexions sur la réalité de la Curie ad extra, c’est-à-dire la relation de la Curie avec les Nations, avec les Eglises particulières, avec les Églises Orientales, avec le dialogue œcuménique, avec le Judaïsme, avec l’Islam et les autres religions, c’est-à-dire avec le monde extérieur.
Mes réflexions se fondent certainement sur les principes canoniques de base de la Curie, sur l’histoire même de la Curie, mais aussi sur la vision personnelle que j’ai cherché à partager avec vous dans les discours de ces dernières années, dans le contexte de l’actuelle réforme en cours.
Et parlant de la réforme me vient à l’esprit l’expression sympathique et significative de Mgr Frédéric-François-Xavier De Mérode : «faire les réformes à Rome c’est comme nettoyer le Sphinx d’Égypte avec une brosse à dents».[1] Ceci met en évidence combien il faut de patience, de dévouement et de délicatesse pour atteindre cet objectif, dans la mesure où la Curie est une institution ancienne, complexe, vénérable, composée d’hommes provenant de diverses cultures, langues et constructions mentales, et que, structurellement et depuis toujours, elle est liée à la fonction de primauté de l’Evêque de Rome dans l’Eglise, c’est-à-dire à l’office “sacré” voulu par le Christ Seigneur lui-même pour le bien de tout le corps de l’Eglise (ad bonum totius corporis).[2]
L’universalité du service de la Curie provient donc et jaillit de la catholicité du Ministère pétrinien. Une Curie fermée sur elle-même trahirait l’objectif de son existence et tomberait dans l’autoréférentialité, se condamnant à l’autodestruction. La Curie, ex natura, est projetée ad extra parce que et en tant que liée au Ministère pétrinien, au service de la Parole et de l’annonce de la Bonne Nouvelle : le Dieu Emmanuel qui naît parmi les hommes, qui se fait homme pour montrer à tout homme sa proximité viscérale, son amour sans limites et son désir divin que tous les hommes soient sauvés et parviennent à jouir de la béatitude céleste (Cf. 1Tm 2, 4) ; le Dieu qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants (Cf. Mt 5, 45) ; le Dieu qui n’est pas venu pour être servi mais pour servir (Cf. Mt 20, 28) ; le Dieu qui a constitué l’Église pour être dans être dans le monde, mais non pas du monde, et pour être un instrument de salut et de service.
Pensant, justement, à cette finalité ministérielle, pétrinienne et curiale, c’est-à-dire de service, en saluant récemment les Pères et les Chefs des Églises Orientales Catholiques[3] j’ai eu recours à l’expression de “primat diaconal”, renvoyant tout de suite à l’image chère à Saint Grégoire le Grand de Servus servorum Dei. Cette définition, dans sa dimension christologique, est avant tout expression de la ferme volonté d’imiter le Christ, lequel a pris la condition de serviteur (Cf. Ph 2, 7). Benoît XVI, quand il en a parlé, a dit que sur les lèvres de Grégoire cette phrase n’était pas «une formule pieuse, mais la manifestation véritable de son mode de vivre et d’agir. Il était intimement frappé par l’humilité de Dieu, qui en Christ s’est fait notre serviteur, qui a lavé et lave nos pieds sales».[4]
Une attitude diaconale analogue doit caractériser aussi tous ceux qui, à des titres divers, travaillent dans le cadre de la Curie romaine laquelle, comme le rappelle également le Code de Droit Canonique, agissant au nom et avec l’autorité du Souverain Pontife «accomplit sa fonction pour le bien et le service des Églises» (CIC c. 360 ; cf. CCEO c. 46).
Primat diaconal “relatif au Pape” ;[5] et tout autant diaconal, par conséquent, est le travail qui s’accomplit à l’intérieur de la Curie romaine, ad intra, et à l’extérieur, ad extra. Ce thème de la diaconie ministérielle et curiale me renvoie à un ancien texte de la Didascalia Apostolorum où l’on affirme : «Que le diacre soit l’oreille et la bouche de l’Evêque, son cœur et son âme»,[6] puisque à cette concorde sont liées la communion, l’harmonie et la paix dans l’Église, car le diacre est le gardien du service dans l’Eglise.[7] Je ne crois pas que ce soit par hasard que l’oreille, organe de l’audition, soit aussi celui de l’équilibre ; et que la bouche, organe du goûter, celui de la parole.
Un autre texte ancien ajoute que les diacres sont appelés à être comme les yeux de l’Evêque.[8] L’œil regarde pour transmettre les images à l’esprit, l’aidant à prendre les décisions et à diriger pour le bien de tout le corps.
La relation que l’on peut déduire de ces images est celle de communion d’obéissance filiale pour le service du peuple saint de Dieu. Il ne fait pas de doute, ensuite, que telle doit être aussi celle qui existe entre tous ceux qui travaillent dans la Curie romaine, des Chefs de Dicastères et des Supérieurs, aux officiers et à tous. La communion avec Pierre renforce et stimule la communion entre tous les membres.
De ce point de vue, l’appel aux sens de l’organisme humain aide à avoir le sens de l’extraversion, de l’attention à ce qu’il y a dehors. Dans l’organisme humain, en effet, les sens sont notre premier lien avec le monde ad extra, ils sont comme un pont vers lui ; ils sont notre possibilité de nous mettre en relation. Les sens nous aident à percevoir le réel et également à nous mettre dans le réel. Ce n’est pas par hasard que saint Ignace a recours aux sens dans la contemplation des Mystères du Christ et de la vérité.[9]
Ceci est très important pour dépasser cette logique déséquilibrée et dégénérée des complots et des petits cercles qui, en réalité, représentent – malgré toutes leurs justifications et leurs bonnes intentions – un cancer qui conduit à l’autoréférentialité, qui s’infiltre aussi dans les organismes ecclésiastiques en tant que tels, et en particulier chez les personnes qui y travaillent. Mais quand cela se produit, la joie de l’Evangile, la joie de communiquer le Christ et d’être en communion avec lui, se perd ; la générosité de notre consécration se perd (cf. Ac 20, 35 et 2Co 9, 7).
Permettez-moi de dire ici deux mots sur un autre danger, celui de ceux qui trahissent la confiance ou de ceux qui profitent de la maternité de l’Eglise, c’est-à-dire les personnes qui sont choisies soigneusement pour donner une plus grande vigueur au corps et à la réforme, mais – ne comprenant pas la hauteur de leur responsabilité – se laissent corrompre par l’ambition ou par la vaine gloire ; et lorsqu’elles sont délicatement renvoyées s’auto-déclarent faussement martyres du système, du “Pape qui n’est pas informé”, de la “vieille garde”… au lieu de dire le “mea culpa”. A côté de ces personnes, il y en a ensuite d’autres qui travaillent encore à la Curie, à qui l’on donne tout le temps pour reprendre le juste chemin, dans l’espérance qu’elles trouvent dans la patience de l’Eglise une chance pour se convertir et non pour en profiter. Cela, évidemment, sans oublier la très grande majorité des personnes fidèles qui y travaillent avec un louable engagement, fidélité, compétence, dévouement et aussi beaucoup de sainteté.
Il est opportun, alors, revenant à l’image du corps, de mettre en évidence que ces “sens institutionnels”, auxquels on pourrait d’une certaine manière comparer les Dicastères de la Curie romaine, doivent opérer de manière conforme à leur nature et à leur finalité : au nom et avec l’autorité du Souverain Pontife, et toujours pour le bien et le service des Eglises.[10] Ils sont appelés à être dans l’Eglise comme de fidèles antennes sensibles : émettrices et réceptrices.
Antennes “émettrices” en tant qu’habilitées à transmettre fidèlement la volonté du Pape et des Supérieurs. Le mot “fidélité”[11] pour tous ceux qui travaillent près le Saint-Siège «assume un caractère particulier, du moment qu’ils mettent au service du Successeur de Pierre une bonne partie de leurs énergies, de leur temps et de leur ministère quotidien. Il s’agit d’une grave responsabilité mais aussi d’un don spécial, qui, avec le temps, développe un lien affectif avec le Pape, de confiance intérieure, un sentir avec naturel, qui est bien exprimé par la parole “fidélité”».[12]
L’image de l’antenne renvoie aussi à l’autre mouvement, inverse, celui du “récepteur”. Il s’agit de recueillir les requêtes, les questions, les demandes, les cris, les joies et les larmes des Eglises et du monde pour les transmettre à l’Evêque de Rome afin de lui permettre d’assurer plus efficacement son devoir et sa mission de «principe et fondement perpétuel et visible d’unité de la foi et de communion»[13]. Par cette réceptivité, qui est plus importante que l’aspect de donner des préceptes, les Dicastères de la Curie Romaine entrent généreusement dans ce processus d’écoute et de synodalité dont j’ai déjà parlé.[14]
Chers frères et soeurs,
j’ai eu recours à l’expression “primat diaconal”, à l’image du Corps, des sens et de l’antenne pour expliquer que pour atteindre vraiment les espaces où l’Esprit parle aux Églises (c’est-à-dire l’histoire) et pour réaliser le but de l’agir (le salus animarum) il s’avère nécessaire même indispensable, de pratiquer le discernement des signes des temps[15], la communion dans le service, la charité dans la vérité, la docilité à l’Esprit et l’obéissance confiante aux Supérieurs.
Il est peut-être utile de rappeler ici que les noms mêmes des différents Dicastères et des Bureaux de la Curie romaine laissent entendre quelles sont les réalités en faveur desquelles ils doivent opérer. Il s’agit, à bien regarder, d’actions fondamentales et importantes pour toute l’Église et je dirais pour le monde entier.
L’œuvre de la Curie étant vraiment très vaste, je me limiterai cette fois à vous parler génériquement de la Curie ad extra, c’est-à-dire de quelques aspects fondamentaux, sélectionnés, à partir desquels il ne sera pas difficile, dans un proche avenir, d’énumérer et d’approfondir les autres domaines de l’action de la Curie.
La Curie et le rapport avec les Nations :
Dans ce domaine joue un rôle fondamental la Diplomatie vaticane qui est la recherche sincère et constante de faire en sorte que le Saint Siège soit un constructeur de ponts, de paix et de dialogue entre les Nations. Etant une Diplomatie au service de l’humanité et de l’homme, de la main tendue et de la porte ouverte, elle s’engage à écouter à comprendre, à aider, à soulager et à intervenir rapidement et avec respect dans n’importe quelle situation pour rapprocher les distances et pour tisser la confiance. L’unique intérêt de la Diplomatie vaticane est celui d’être libre de n’importe quel intérêt mondain ou matériel.
Le Saint-Siège est donc présent sur la scène mondiale pour collaborer avec toutes les personnes et les Nations de bonne volonté et pour toujours rappeler l’importance de garder “notre maison commune” de tout égoïsme destructeur ; pour affirmer que les guerres apportent seulement mort et destruction ; pour retenir du passé les enseignements nécessaires qui nous aident à mieux vivre le présent, à construire de manière solide l’avenir et à le protéger pour les nouvelles générations.
Les rencontres avec les Chefs des Nations et avec les différentes Délégations, ainsi que les Voyages apostoliques en sont le moyen et l’objectif.
Voilà pourquoi a été constituée la Troisième Section de la Secrétairerie d’Etat, avec la finalité de montrer l’attention et la proximité du Pape et des Supérieurs de la Secrétairerie d’Etat au personnel diplomatique di ruolo et aussi aux religieux et aux religieuses, aux laïcs/laïques qui travaillent dans les Représentations pontificales. Une Section qui s’occupe des questions afférentes aux personnes qui travaillent dans le service diplomatique du Saint-Siège ou qui s’y préparent, en étroite collaboration avec la Section pour les Affaires Générales et avec la Section pour les Relations avec les Etats[16].
Cette attention particulière se base sur la double dimension du service du personnel diplomatique di ruolo : pasteurs et diplomates, au service des Eglises particulières et des Nations où ils agissent.
La Curie et les Eglises particulières :
La relation qui lie la Curie aux diocèses et aux éparchies est de première importance. Ceux-ci trouvent dans la Curie romaine le soutien et le support nécessaire dont ils peuvent avoir besoin. C’est une relation qui se base sur la collaboration, sur la confiance et jamais sur la supériorité ou sur l’adversité. La source de cette relation est dans le décret conciliaire sur le ministère pastoral des évêques, où est expliqué plus amplement que le travail de la Curie est mené “à l’avantage des Églises et au service des pasteurs sacrés”[17].
La Curie romaine, donc, a comme point de référence non seulement l’évêque de Rome, dont elle tire son autorité, mais aussi les Eglises particulières et leurs pasteurs dans le monde entier, pour le bien desquels elle œuvre et agit.
J’ai fait référence à cette caractéristique de “service du Pape et des évêques, de l’Eglise universelle, des Eglises particulières” et du monde entier, au début de nos rencontres annuelles, quand j’ai souligné que «dans la Curie romaine on apprend, ‘on respire’ de manière spéciale cette double dimension de l’Eglise, cette compénétration entre l’universel et le particulier» et j’ai ajouté : «je pense que c’est une des expériences les plus belles de celui qui vit et travaille à Rome»[18].
Les visites ad limina apostolorum, en ce sens, représentent une grande opportunité de rencontre, de dialogue et d’enrichissement réciproque. Voilà pourquoi j’ai préféré, en rencontrant les évêques, avoir un dialogue d’écoute réciproque, libre, confidentiel, sincère qui va au-delà des schémas protocolaires et de l’échange habituel de discours et de recommandations. Le dialogue entre les évêques et les différents dicastères est également important. Cette année, en reprenant les visites ad limina, après l’année du Jubilé, les évêques m’ont confié qu’ils avaient été bien accueillis et écoutés par tous les dicastères. Cela me réjouit beaucoup, et je remercie les Chefs de Dicastères ici présents.
Permettez-moi aussi ici, en ce moment particulier de la vie de l’Église, d’attirer notre attention sur la prochaine XVème Assemblée générale ordinaire du Synode des Evêques, convoquée sur le thème “Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel”. Appeler la Curie, les évêques et toute l’Eglise à porter une attention spéciale à la personne des jeunes, ne veut pas dire les regarder seulement eux, mais aussi mettre au point un thème central pour un ensemble de relations et d’urgences : les relations intergénérationnelles, la famille, les domaines de la pastorale, la vie sociale… Le Document préparatoire l’annonce clairement dans son introduction : «l’Église a décidé de s’interroger sur la façon d’accompagner les jeunes à reconnaître et à accueillir l’appel à l’amour et à la vie en plénitude. Elle souhaite également demander aux jeunes eux-mêmes de l’aider à définir les modalités les plus efficaces aujourd’hui pour annoncer la Bonne Nouvelle. À travers les jeunes, l’Église pourra percevoir la voix du Seigneur qui résonne encore aujourd’hui. Comme jadis Samuel (cf. 1 S 3,1-21) et Jérémie (cf. Jr 1, 4-10), certains jeunes savent découvrir les signes de notre temps qu’indique l’Esprit. En écoutant leurs aspirations, nous pouvons entrevoir le monde de demain qui vient à notre rencontre et les voies que l’Église est appelée à parcourir» [19].
La Curie et les Églises Orientales :
L’unité et la communion qui dominent la relation de l’Église de Rome et des Églises orientales représentent un exemple concret de richesse dans la diversité pour toute l’Église. Celles-ci, dans la fidélité à leurs propres Traditions bimillénaires et dans l’ecclesiastica communio font l’expérience et réalisent la prière sacerdotale du Christ (cf. Jn 17)[20].
En ce sens, au cours de la dernière rencontre avec les Patriarches et les Archevêques majeurs des Eglises orientales, parlant du “primat diaconal”, j’ai souligné aussi l’importance d’approfondir et de revoir la question délicate de l’élection des nouveaux Évêques et Éparques qui doit correspondre, d’une part, à l’autonomie des Églises orientales et, en même temps, à l’Esprit de responsabilité évangélique et au désir de renforcer toujours plus l’unité avec l’Eglise catholique. «Tout cela, dans l’application la plus sincère de cette authentique pratique synodale, qui distingue les Églises d’Orient»[21]. L’élection de tout Evêque doit refléter et renforcer l’unité et la communion entre le Successeur de Pierre et tout le collège épiscopal[22].
La relation entre Rome et l’Orient est d’un enrichissement spirituel et liturgique réciproque. En réalité, l’Église de Rome ne serait pas vraiment catholique sans les inestimables richesses des Églises orientales et sans le témoignage héroïque de tant de nos frères et sœurs orientaux qui purifient l’Église en acceptant le martyre et en offrant leur vie pour ne pas renier le Christ[23].
La Curie et le dialogue œcuménique :
Il y aussi des domaines dans lesquels l’Église catholique, spécialement après le Concile Vatican II, est particulièrement impliquée. Parmi ceux-ci l’unité des chrétiens qui «est une exigence essentielle de notre foi, une exigence qui naît du plus profond de notre identité de croyants en Jésus Christ»[24]. Il s’agit bien d’un “chemin” mais, comme cela a été répété plusieurs fois aussi par mes prédécesseurs, c’est un chemin irréversible et non en marche arrière. “L’unité se fait en marchant, pour rappeler que quand nous marchons ensemble, c’est-à-dire quand nous nous rencontrons comme des frères, quand nous prions ensemble, quand nous collaborons ensemble dans l’annonce de l’Évangile et dans le service des derniers, nous sommes déjà unis. Toutes les divergences théologiques et ecclésiologiques qui divisent encore les chrétiens ne seront dépassées que le long de ce chemin, sans que nous sachions aujourd’hui comment et quand, mais cela aura lieu selon ce que l’Esprit Saint voudra suggérer pour le bien de l’Église»[25].
La Curie agit dans ce domaine pour favoriser la rencontre avec le frère, pour défaire les nœuds des incompréhensions et des hostilités, et pour lutter contre les préjugés et la peur de l’autre qui ont empêché de voir la richesse de la et dans la diversité et la profondeur du Mystère du Christ et de l’Eglise qui reste toujours plus grand que n’importe quelle expression humaine.
Les rencontres qui ont eu lieu avec les Papes, les Patriarches et les Chefs des différentes Eglises et Communautés m’ont toujours rempli de joie et de gratitude.
La Curie et le Judaïsme, l’Islam et les autres religions :
La relation de la Curie romaine avec les autres religions se base sur l’enseignement du Concile Vatican II et sur la nécessité du dialogue. «Car l’unique alternative à la civilisation de la rencontre, c’est la barbarie de la confrontation»[26]. Le dialogue est construit sur trois orientations fondamentales : «le devoir de l’identité, le courage de l’altérité et la sincérité des intentions. Le devoir de l’identité, car on ne peut bâtir un vrai dialogue sur l’ambigüité ou en sacrifiant le bien pour plaire à l’autre ; le courage de l’altérité, car celui qui est différent de moi, culturellement et religieusement, ne doit pas être vu et traité comme un ennemi, mais accueilli comme un compagnon de route, avec la ferme conviction que le bien de chacun réside dans le bien de tous ; la sincérité des intentions, car le dialogue en tant qu’expression authentique de l’humain, n’est pas une stratégie pour réaliser des objectifs secondaires, mais un chemin de vérité, qui mérite d’être patiemment entrepris pour transformer la compétition en collaboration»[27].
Les rencontres qui ont eu lieu avec les autorités religieuses dans les différents voyages apostoliques et dans les rencontres au Vatican en sont la preuve concrète.
Voilà seulement quelques aspects, importants mais non exhaustifs, de l’action de la Curie ad extra. Aujourd’hui j’ai choisi ces aspects liés au thème du “primat diaconal”, des “sens institutionnels” et des “ fidèles antennes émettrices et réceptrices”.
Chers frères et sœurs,
Comme j’ai commencé notre rencontre en parlant de Noël comme de la fête de la foi, je voudrais la conclure en mettant en évidence que Noël nous rappelle aussi qu’une foi qui ne nous met pas en crise est une foi en crise ; une foi qui ne nous fait pas grandir est une foi qui doit grandir ; une foi qui ne nous interroge pas est une foi sur laquelle nous devons nous interroger ; une foi qui ne nous anime pas est une foi qui doit être animée ; une foi qui ne nous bouleverse pas est une foi qui doit être bouleversée. En réalité, une foi seulement intellectuelle ou tiède est seulement une proposition de foi qui pourrait se réaliser quand elle arrivera à impliquer le cœur, l’âme, l’esprit et tout notre être, quand on permet à Dieu de naître et de renaître dans la mangeoire du cœur, quand on laisse l’étoile de Bethléem nous guider vers le lieu où se trouve le Fils de Dieu, non parmi les rois et le luxe, mais parmi les pauvres et les humbles.
Angelo Silesio, dans Il pellegrino cherubico, a écrit : «Cela dépend seulement de toi : Ah, puisse ton cœur devenir une mangeoire ! Dieu naîtrait enfant de nouveau sur la terre»[28].
Avec ces réflexions, je renouvelle mes vœux de Noël les plus fervents à vous et à tous ceux qui vous sont chers.
Merci !
Paroles du Saint-Père après le discours à la Curie
Je voudrais, comme cadeau de Noël, vous laisser cette version en italien de l’ouvrage du Bienheureux Père Marie Eugène de l’Enfant-Jésus, Je veux voir Dieu : Voglio vedere Dio. C’est une œuvre de théologie spirituelle, elle nous fera du bien à nous tous. Peut-être pas en la lisant tout entière, mais en cherchant dans la table des matières le point qui intéresse plus ou dont j’ai le plus besoin. J’espère que cela sera profitable à nous tous.
Et puis le Cardinal Piacenza a été bien généreux en faisant, avec le travail de la Pénitencerie, et aussi de Mgr Nykiel, ce livre : La festa del perdono, comme résultat du Jubilé de la Miséricorde ; et il a voulu aussi l’offrir. Merci au Cardinal Piacenza et à la Pénitencerie apostolique. Ils vous donneront cela à tous à la sortie.
Merci !
[Benédiction]
Et s’il vous plaît, priez pour moi.
[1] Cf. Giuseppe Dalla Torre, Sopra una storia della Gendarmeria Pontificia, 19 ottobre 2017.
[2] « Le Christ Seigneur, pour assurer au peuple de Dieu des pasteurs et les moyens de sa croissance, a institué dans son Eglise des ministres variés qui tendent au bien de tout le corps », Lumen gentium n. 18.
[3] Cf. Salut aux Pères et aux Chefs des Eglises Orientales Catholiques, 9 octobre 2017.
[4] Audience générale, 4 juin 2008.
[5] Cf. Jean-Paul II, Discours à la réunion plénière du Sacré Collège des Cardinaux, 21 novembre 1985, n. 4.
[6] Didascalia 2, 44 : (Funk, 138-166) : (cf. W. Rordorf, Liturgie et eschatologie, in Augustinianum 18 [1978], 153-161 ; Id., Que savons-nous des lieux de culte chrétiens de l’époque préconstantinienne ? in L’Orient Syrien 9 [1964], 39-60)
[7] Cf. Rencontre avec les prêtres et les personnes consacrées, Solennité de l’Annonciation du Seigneur, Cathédrale de Milan, 25 mars 2017.
[8] “ Quant aux diacres de l’Eglise, qu’ils soient comme les yeux de l’Evêque qui savent voir tout autour, examinant les actions de chacun de l’Eglise, au cas où quelqu’un soit sur le point de pécher : de cette manière, prévenu par l’avertissement de celui qui préside, peut-être n’ira-t-il pas au bout [de son péché] “». (Lettre de Clément à Jacques, 12 : Rehm 14-15, in I Ministeri nella Chiesa Antica, Testi patristici dei primi tre secoli a cura di Enrico Cattaneo, Edizione Paolina, 1997, p. 696).
[9] Cf. Exercices spirituels, n. 121 : « La cinquième contemplation consistera à appliquer les cinq sens sur la première et la deuxième contemplation ».
[10] Dans le commentaire de l’Evangile selon saint Matthieu de saint Jérôme on trouve une curieuse comparaison entre les cinq sens de l’organisme humain et les vierges de la parabole évangélique, qui deviennent folles quand elles n’agissent plus selon la fin qui leur est assignée (cf. Comm. in Mt XXV : PL 26, 184).
[11] Le concept de fidélité est très exigeant et éloquent car il souligne aussi la durée dans le temps de l’engagement pris, il renvoie à une vertu qui, comme l’a dit Benoît XVI, « exprime le lien très particulier qui s’établit entre le Pape et ses collaborateurs directs, aussi bien dans la Curie romaine que dans les Représentations pontificales ». Discours à la Communauté de l’Académie Pontificale ecclésiastique, 11 juin 2012.
[12] Ibid.
[13] Lumen gentium, n.18.
[14] « Une Eglise synodale est une Eglise de l’écoute, avec la conscience qu’écouter “est plus qu’entendre”. C’est une écoute réciproque dans laquelle chacun a quelque chose à apprendre. Le peuple fidèle, le Collège épiscopal, l’Evêque de Rome, chacun à l’écoute des autres ; et tous à l’écoute de l’Esprit Saint, l’”Esprit de Vérité” (Jn 14, 17), pour savoir ce qu’il “dit aux Eglises” (Ap 2, 7) » Discours pour le 50ème anniversaire du Synode des évêques, 17 octobre 2015.
[15] Cf. Lc 12, 54-59 ; Mt 16, 1-4 ; Conc. Oecum. Vat. II, Const. Past. Gaudium et spes, n.11 : Le peuple de Dieu, mû par la foi selon laquelle il croit qu’il est conduit par l’Esprit du Seigneur qui remplit le monde, s’applique à discerner dans les événements, les requêtes et les aspirations auxquelles il participe avec les autres hommes de notre temps, quels sont les signes véritables de la présence ou du dessein de Dieu. La foi, en effet, éclaire toutes chose d’une lumière nouvelle et nous fait connaître le plan de Dieu au sujet de la vocation intégrale de l’homme, et oriente ainsi l’esprit vers des solutions pleinement humaines”.
[16] Cf. Lettre pontificale, le 18 octobre 2017 ; Communiqué de la Secrétairerie d’Etat, le 21 novembre 2017.
[17] Christus Dominus, n. 9.
[18] Discours à la Curie romaine, le 21 décembre 2013 ; cf. Homélie de Paul VI pour son 80ème anniversaire, 16 octobre 1977 : “Oui, j’ai aimé Rome, dans l’obsession continuelle d’en méditer et d’en comprendre le secret transcendant, incapable certainement de le pénétrer et de le vivre, mais toujours passionné, comme je le suis encore, de découvrir comment et pourquoi « le Christ est romain » (cf. Dante Alighieri, La Divine Comédie, « le Purgatoire », XXXII, 102) … que votre « conscience romaine » ait elle-même pour origine la citoyenneté native de cette Ville/l’Urbs fatidique, ou bien la permanence du domicile ou l’hospitalité dont vous y jouissez ; « conscience romaine » qui a elle-même une vertu d’infuser le sens d’un humanisme universel à qui sait le respirer” (Insegnamenti di Paolo VI, XV 1977, 1957)
[19] Synode des évêques, XVème Assemblée générale ordinaire : Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel, Introduction.
[20] D’une part, l’unité qui répond au don de l’Esprit, trouve sa naturelle et pleine expression dans « l’union indéfectible avec l’Evêque de Rome » (Benoît XVI, Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Medio Oriente, n. 40). Et d’autre part, le fait d’être insérés dans la communion du Corps du Christ tout entier, nous rend conscients de devoir renforcer l’union et la solidarité au sein des différents Synodes patriarcaux, « privilégiant toujours la concertation sur des questions de grande importance pour l’Eglise en vue d’une action collégiale et unitaire » (ibid.).
[21] Paroles aux Patriarches des Eglises Orientales et aux archevêques majeurs, 21 novembre 2013.
[22] Avec les Chefs et les Pères, les Archevêques et les Evêques orientaux, en communion avec le Pape, avec la Curie et entre eux, nous sommes tous appelés “à rechercher toujours « la justice, la piété, la foi, la charité, la constance et la douceur » (cf. I Tm 6, 11) ; [à adopter] un style de vie sobre à l’image du Christ, qui s’est dépouillé pour nous enrichir de sa pauvreté (cf. 2 Co 8, 9) … [à] la transparence dans la gestions des biens et la sollicitude envers toutes les faiblesses et les nécessités”, (Paroles aux Patriarches des Eglises Orientales catholiques et aux archevêques majeurs, 21 novembre 2013).
[23] Nous “voyons tant de nos frères et sœurs chrétiens des Eglises orientales faire l’expérience des persécutions dramatiques et une diaspora toujours plus inquiétante… Su ces situations, personne ne peut fermer les yeux” (Homélie à l’occasion du centenaire de la Congrégation pour les Eglises orientales et de l’Institut pontifical oriental, Basilique de Sainte Marie Majeure, le 12 octobre 2017). “Sur ces situations, personne ne peut fermer les yeux” (Message pour le centenaire de la fondation de l’Institut pontifical oriental, 12 octobre 2017).
[24] Discours à la Plénière du conseil Pontifical pour la promotion de l’Unité des Chrétiens, 10 novembre 2016.
[25] Ibid.
[26] Discours aux participants à la Conférence internationale pour la paix, à l’Al-Azhar Conférence Centre, Le Caire, vendredi 28 avril 2017.
[27] Ibid.
[28] Edizione Paoline, 1989, p. 170 ; [234-235] 170 : “Es mangelt nur an dich : Ach, könnte nur dein Herz zu einer Krippe werden, Gott würde noch einmal ein Kind auf dieser Erden”.
Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici