Le Pape aux Chiliens: sortir de la torpeur pour semer la paix
Manuella Affejee - Cité du Vatican
Plus de 400 000 fidèles étaient présents au grand parc O’Higgins de Santiago, là même où 31 ans auparavant, en 1987, le saint Pape Jean-Paul II avait célébré une eucharistie. La messe, célébrée en espagnol et ponctuée de beaux chants, s’est déroulée dans un climat de ferveur et de joie simple.
La passivité, le «bonheur en un clic», et les «bavardages bon marché», contraires aux Béatitudes
Dans son homélie, le Pape est longuement revenu sur les Béatitudes, au cœur de l’Évangile choisi et proclamé durant la célébration (Mt 5), en précisant d’emblée les choses: «les Béatitudes ne naissent pas d’une attitude passive face à la réalité (…) elles ne proviennent pas de prophètes de malheur (…), ni de mirages qui nous promettent le bonheur avec un ‘clic’ (…)». Elles ne naissent pas non plus «d’attitudes critiques ni de ‘bavardages à bon marché’ de ceux qui croient tout savoir mais ne veulent s’engager ni à rien ni avec personne ». En revanche, elles «naissent du cœur miséricordieux qui ne se lasse pas d’espérer», «du cœur compatissant de Jésus qui rencontre le cœur d’hommes et de femmes qui veulent et désirent une vie bénie», qui connaissent la souffrance, le désarroi, mais qui tentent de ne pas perdre pied, et vont de l’avant. Et le Pape de s’émerveiller de la résilience démontrée par le peuple du Chili: «que le cœur chilien est capable de reconstruire et de recommencer! Que vous êtes capables de vous lever après de nombreuses chutes! C’est à ce cœur que Jésus fait appel; c’est à ce cœur que sont destinées les béatitudes», a-t-il lancé.
«Heureux sont qui sont capables de se salir les mains»
«Jésus, en proclamant le ''jour nouveau'' des Béatitudes, a poursuivi le Pape, vient remettre en cause cette prostration négative, -expression du poète chilien Pablo Neruda, ndlr-, appelée résignation, qui nous fait croire que nous pouvons vivre mieux, si nous esquivons les problèmes ou nous nous enfermons dans nos conforts». Pour lui, cette résignation conduit à l’isolement, à la division, à la séparation, et «compromet les relations vitales». Face à «cette méchante rumeur», Jésus nous dit: «Heureux ceux qui œuvrent pour la réconciliation. Heureux ceux qui sont capables de se salir les mains et de travailler pour que d’autres vivent en paix. Heureux ceux qui s’efforcent de ne pas semer de la division. Ainsi, la béatitude fait de nous des artisans de paix». Et le Pape d’interpeller chaque fidèle de l’assemblée : «Veux-tu l’épanouissement? Veux-tu le bonheur? Heureux ceux qui œuvrent pour que les autres puissent avoir une vie épanouie. Veux-tu la paix? Travaille pour la paix», a-t-il proposé avec simplicité.
La paix commence par la proximité et le voisinage
Au terme d’une homélie longuement applaudie, truffée de références à des grandes figures du pays, -comme Saint Albert Hurtado, Pablo Neruda et Raul Silva Henriquez-, le Pape argentin a encouragé les Chiliens à semer la paix, en commençant par la proximité et le voisinage, «en sortant de la maison, et en regardant les visages», en allant à la rencontre de l’autre, de celui «qui est dans une mauvaise passe, qui n’a pas été traité comme une personne, comme un digne enfant de ce pays». François en est convaincu: c’est là «l’unique façon de tisser un avenir de paix, de recoudre une réalité qui peut s’effilocher». L’artisan de paix n’est pas dupe: «Il sait qu’il faut souvent vaincre de grandes ou de petites mesquineries et des ambitions, qui trouvent leur origine dans la prétention de grandir et de ‘’se faire un nom’’, de gagner du prestige au détriment des autres. L’artisan de paix sait qu’il ne suffit pas de dire: je ne fais de mal à personne».
Et de conclure: «construire la paix est un processus qui nous place en face d’un défi et stimule notre créativité à créer des relations permettant de voir dans mon voisin, non pas un étranger ni un inconnu, mais un enfant de ce pays».
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