Pour le Pape, le client de la prostitution est un criminel
Manuella Affejee- Cité du Vatican
La traite et l’exploitation des femmes sont des crimes contre l’humanité ; aller voir une prostituée est un «crime», et celui qui le fait est «un criminel». «Mais mon père, on ne peut pas faire l’amour ? –non, cela n’est pas faire l’amour. Cela revient à torturer une femme. Ne confondons pas les termes». Les propos fermes et sans équivoque du Pape ont déclenché un tonnerre d’applaudissements dans la salle du collège Mater Ecclesiae, où quelque 300 jeunes participaient ce matin au coup d’envoi de la réunion de préparation en vue du prochain synode sur «les jeunes, la foi et le discernement vocationnel».
Des catholiques clients de la prostitution
Le Pape répondait à la question posée par Blessing Okoedion, une jeune Nigériane victime de la traite, contrainte de se prostituer dès son arrivée en Italie, et qui a pu échapper à l’enfer de la rue, grâce à une communauté de religieuses. Une réalité malheureusement devenue courante dans la péninsule. La jeune femme, racontant dans un italien hésitant sa dramatique expérience, confiait sa douleur de voir sa dignité bafouée, s’interrogeait avec simplicité sur les moyens à mettre en œuvre pour mobiliser les consciences, et «vaincre une mentalité malade (…) qui réduit la femme en esclavage, à l’état de marchandise», propriété de l’homme. Nombre des clients de ses réseaux de prostitution sont des catholiques, a témoigné Blessing, n’hésitant pas alors à poser sans fard cette question au Saint-Père : «Je me demande et je te demande, l’Eglise, encore trop machiste, est-elle en mesure de s’interroger en vérité sur cette question ?». Une franchise qui a plu à François : «la question est faite sans anesthésie», a –t-il commenté, en y répondant sans détour : «je demande pardon, à vous, et à la société, pour tous les catholiques qui commettent cet acte criminel».
Le Pape, -qui s’était rendu, lors des vendredis de la Miséricorde, dans le cadre de l’Année jubilaire, dans une maison de la communauté Jean XXIII, auprès de femmes victimes de la traite-, a alors évoqué de nombreux exemples de jeunes femmes migrantes, happées dans des réseaux de traite, réduites en esclavage par des trafiquants sans scrupules, torturées, déchues de leurs droits et de leur dignité. La racine de ce mal réside dans une «mentalité malade». Jusqu’à maintenant, a-t-il souligné, «il n’y a pas un féminisme qui ait réussi à enlever cela de la conscience, de l’inconscient le plus profond ou de l’imaginaire collectif. La femme est exploitée. D’une façon ou d’une autre (…)».
Accompagnement pour trouver sa voie
Répondant à un jeune Français étudiant en Droit, non-croyant, et s’interrogeant sur le sens de sa vie, le Pape a pointé la nécessité d’être bien accompagné et conseillé par une personne sage ; il a également souligné l’importance de ne pas «maquiller ses sentiments», de ne pas les anesthésier, d’avoir enfin le courage «de dire les vérités crues».
C’est ensuite à une jeune Argentine, professeure au sein du réseau Scholas Occurentes, que le Pape a répondu ; abordant le thème de l’éducation, le Souverain Pontife n’a pas hésité à critiquer un système épris de raison pure, et oublieux de la capacité d'émerveillement.
Des dangers de la surprotection dans l'éducation
François a longuement évoqué le ministère sacerdotal, en répondant à la question d’un séminariste ukrainien, lequel a par ailleurs fait part de ses doutes quant à la diffusion de la pratique du tatouage parmi les jeunes. «Avec les jeunes, il ne faut pas s’effrayer, a affirmé le Pape avec philosophie. Il faut plutôt se demander : avec ce tatouage, qu’est-ce qu’on veut me dire ?». Répondant à la question d’une religieuse chinoise, le Pape a enfin fait valoir les dangers de la surprotection, source de frustration et d’immaturité affective, notamment dans les milieux religieux. «Je préfère un jeune qui perd la vocation, plutôt qu’il ne devienne un religieux malade», n’a pas hésité à déclarer le Saint-Père, qui plaide pour une éducation saine dans les familles et les séminaires.
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