Le Pape, les “fake news” et la confiance dans les journalistes
Alessandro Gisotti – Cité du Vatican
La scène était habituelle pour un mercredi sur la Place Saint-Pierre. La Pape venait de conclure sa catéchèse et de donner sa bénédiction, et saluait quelques personnes admises en “prima fila”. Depuis la place s’élevait une clameur venant d’un groupe de confirmands du diocèse de Lucques, en Toscane, saluant leur évêque, Mgr Italo Castellano, en criant «Italo, Italo !», au moment de sa salutation avec le Pape.
Rien d’anormal jusque-là, si ce n’est l’interprétation malveillante et fallacieuse menée par certains journalistes qui ont entendu dans ces cris «Vigano, Viganò !», une allusion à Mgr Carlo Maria Viganò, l’ancien nonce apostolique aux États-Unis auteur d’une lettre attaquant le Pape François. En cliquant sur le lien vers la vidéo YouTube, et en mettant le curseur à 1’04’27, on peut se rendre compte du caractère totalement absurde de cette mauvaise interprétation, qui a pourtant été virale sur les réseaux sociaux durant plusieurs heures mercredi après-midi.
Une affaire qui démontre l’importance de la déontologie journalistique
Certains sites ont donc diffusé cette information totalement fausse, avant que d’autres journalistes plus consciencieux ne la démente. Cette affaire un tantinet surréaliste, et qui pourrait presque sembler comique, est en fait le symptôme préoccupant d’un système médiatique qui, dans la recherche du scoop, n’analyse pas les faits mais les déforme ou les invente pour en faire un produit efficace en fonction de son public, de sa cible.
Le Pape François, justement, dans son dernier Message pour la Journée des Communications sociales, avait expliqué d’une façon éloquente quelles sont les dynamiques qui mènent à la diffusion de fausses nouvelles. «L'efficacité des “fake news” est due principalement à leur nature mimétique, à la capacité d'apparaître plausibles. En second lieu, ces nouvelles, fausses mais vraisemblables sont fallacieuses, dans leur habilité à focaliser l'attention des destinataires, en se fondant sur des stéréotypes et des préjugés diffus dans un tissu social, en exploitant les émotions immédiates et faciles à susciter, comme la peur, le mépris, la colère et la frustration».
Cette manipulation des réseaux sociaux est souvent «basée sur des données inexistantes ou déformées et visant à tromper voire à manipuler le lecteur. Leur propagation peut répondre à des objectifs fixés, influencer les choix politiques et favoriser des gains économiques», rappelait alors le Pape François, qui ne regarde jamais la télévision et n’est pas très à l’aise avec internet, mais qui est par ailleurs un grand lecteur de la presse traditionnelle et apprécie les journalistes.
Le Pape fait confiance à la presse
Depuis le début de son pontificat, le Pape a manifesté une grande confiance dans les acteurs de l’information. Une confiance rappelée régulièrement, en accordant de nombreuses interviews à de grands journaux mais aussi parfois à des petites structures, comme la revue des sans-abri de Milan ou la radio associative d’une favela argentine, et en acceptant toutes les questions. Un acte de confiance que le Pape a renouvelé au sujet de cette lettre de Mgr Viganò, en disant aux journalistes dans l’avion de retour de l’Irlande : «Vous avez la capacité journalistique suffisante pour en tirer les conclusions», a déclaré le Pape dans l’avion, au retour de l’Irlande. Un acte de confiance qui ramène à l’essence de la profession journalistique, qui doit rechercher la vérité et non la fabriquer artificiellement.
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